Question au Gouvernement n° 2630 :
Corse

11e Législature

Question de : M. Alain Moyne-Bressand
Isère (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants

Question posée en séance, et publiée le 7 février 2001

M. le président. La parole est à Alain Moyne-Bressand, pour le groupe Démocratie libérale et Indépendants.
M. Alain Moyne-Bressand. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre et je la pose au nom des trois groupes de l'opposition. (Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale, du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. - Rires sur les bancs du groupe socialiste.)
Monsieur le Premier ministre, après quelques péripéties diplomatico-judiciaires, on nous annonce aujourd'hui l'arrivée en France, menottes aux poignets, de l'un des hommes les plus recherchés du pays, M. Sirven. Cette arrestation, tant attendue et qui fait la une de tous les médias, marque la fin d'un feuilleton qui dure depuis six ans. Mais l'épilogue du feuilleton Sirven ravive les plaies de ce qu'on peut appeler désormais l'affaire Erignac. Comment ne pas faire le parallèle entre les deux ? Mme Erignac elle-même, ce matin, dans un grand quotidien, n'a pu s'empêcher de le faire, s'inquiétant en outre d'une éventuelle amnistie.
Comme s'empêcher en effet de faire le rapprochement entre un fugitif en cavale aux Philippines et l'assassin présumé d'un préfet de la République, en fuite depuis trois ans et aujourd'hui encore introuvable ?
Comme le souligne Mme Erignac, retrouver l'assassin de son mari devrait être une cause sacrée et nous en sommes tous d'accord. Tout ce qui touche à l'assassinat d'un préfet de la République, grand serviteur de l'Etat, qui a donné son sang pour la Corse, devrait représenter une priorité dans les affaires de l'Etat. Or, jusqu'à présent, rien. Yvan Colonna court toujours et passe à travers un filet aux mailles apparemment bien larges. Ce n'est pourtant pas faute de donner signe de vie. Nous avons tous en mémoire sa lettre adressée à la presse où il se déclarait innocent. S'il voulait parler, il aurait pu se présenter à la justice.
Ma question s'impose donc d'elle-même: alors que M. Sirven a été arrêté à l'autre bout de la planète, pourquoi ne sommes-nous pas capables de le faire pour Colonna ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) Vous vouliez arrêter M. Sirven, vous l'avez fait parce que vous y avez mis les moyens. Par conséquent, je m'interroge sur les raisons de votre inefficacité en ce qui concerne Colonna. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Déployez-vous tous les moyens possibles pour arrêter cet homme, assassin présumé d'un préfet de la République ? Si ce n'est pas le cas, pourquoi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Jean-Paul Bret. C'est nul !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Lionel Jospin, Premier ministre. Monsieur le député, puisque vous avez choisi de faire un rapprochement, d'établir un parallèle, alors je m'y inscrirai.
Tout d'abord je me réjouis qu'apparemment les polémiques à propos du retour - proche, du moins je le pense - de M. Sirven en France, se soient éteintes.
J'ai été conduit, sur la base des propositions des juges, de l'analyse de la chancellerie et des conseils de notre diplomatie à prendre moi-même, en tant que représentant du pouvoir exécutif, des décisions et à faire un choix. Vendredi matin, alors j'étais dans mon canton, on m'a appelé pour me demander de prendre en un quart d'heure la décision soit de mettre M. Sirven dans l'avion de la Lufthansa, puisqu'il n'avait pas été possible en raison d'une absence de papier d'un policier philippin de le mettre dans le vol d'Air France, soit d'attendre quarante-huit heures le prochain vol d'Air France, ou au moins vingt-quatre à vingt-huit heures un avion spécial que nous avions déjà affrété. J'ai dû choisir entre le risque maximum de voir M. Sirven disparaître aux Philippines et le risque minimum de voir les autorités judiciaires allemandes, dans le plein respect de leurs lois - respect que je confirme ici - retenir M. Sirven quelques jours à Francfort. Oui, j'assume parfaitement la décision que j'ai prise. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.) Et quand j'entends les commentaires souvent extravagents a faits à propos du simple respect du droit. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie français-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants)... Mais je ne parle pas forcément de l'opposition, mesdames et messieurs !
M. Richard Cazenave. Répondez à la question !
M. le Premier ministre. La façon dont s'est exprimé M. Debré à propos d'une péripétie, parce que c'est une péripétie, dans le respect du droit et des règles de l'espace judiciaire européen, m'a convenu. Mais, et je ne pense pas seulement à l'opposition, des commentaires véritablement extravagants ont été faits. Imaginez ce qui se serait produit si, comme nous pouvions le craindre, c'était des Philippines que M. Sirven avait disparu sans que nous puissions le retrouver ! J'assume pleinement ma décision.
M. Maurice Leroy. Heureusement !
M. le Premier ministre. Je remercie les autorités philippines d'avoir arrêté M. Sirven. Je respecte les formes que prennent les autorités allemandes, dans l'espace judiciaire européen, pour nous renvoyer M. Sirven.
M. Jean-Louis Idiart. Absolument !
M. le Premier ministre. La conclusion à tirer, c'est que cet homme, qui était parti, vous l'avez dit vous-même, il y a six ans à l'étranger, nous l'avons recherché, nous avons mis en oeuvre tous les moyens de la police au service de la justice. Il a été retrouvé et il sera traduit devant ses juges. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
Je comprends parfaitement que, trois ans jour pour jour après l'assassinat du préfet Erignac, des questions puissent être posées. D'ailleurs, ce matin, aux côtés de Mme Erignac et de ses enfants, Daniel Vaillant, le ministre de l'intérieur, comme l'avait fait son prédécesseur, a apporté de nouveau, place Beauvau, son témoignage de solidarité. Je vous confirme ce que je vous ai toujours dit: retrouver tous les assassins présumés du préfet Erignac est un objectif central pour l'Etat. Je rappelle, parce qu'on l'oublie souvent, que six d'entre eux ont déjà été arrrêtés.
Et puisque vous établissez un parallèle, je le suivrai jusqu'au bout. La République ayant montré que son bras était long et pouvait retrouver quiconque mérite d'être traduit devant sa justice, comme en témoigne l'exemple de M. Sirven, pourquoi douteriez-vous de notre volonté et de notre capacité, le moment venu, à faire en sorte que M. Colonna, assassin présumé, puisse être traduit devant la justice française ? (Murmures sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) C'est notre objectif, nous y parviendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Alain Moyne-Bressand

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Collectivités territoriales

Ministère interrogé : Premier Ministre

Ministère répondant : Premier Ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 février 2001

partager