fonctionnement
Question de :
M. Alain Moyne-Bressand
Isère (6e circonscription) - Démocratie libérale et indépendants
Question posée en séance, et publiée le 5 décembre 2001
MAGISTRATURE ET POLICE
M. le président. La parole est à M. Alain Moyne-Bressand, pour le groupe DL.
M. Alain Moyne-Bressand. Madame la ministre de la justice, deux faits viennent à nouveau de défrayer la chronique judiciaire.
A la fin de la semaine dernière, pour des raisons incompréhensibles, un magistrat, juge des libertés et de la détention, a libéré à dix-neuf heures un trafiquant de drogue très connu des services de police.
Plusieurs députés du groupe Démocratie libérale et Indépendants et du groupe du Rassemblement pour la République. C'est une honte !
M. Alain Moyne-Bressand. C'est le même magistrat qui, quelques semaines plus tôt, s'était fait malheureusement remarquer en libérant, sur le fondement de la loi relative à la présomption d'innocence, un homme fortement soupçonné de viol sur enfant.
Dans le même temps, un magistrat, membre du Syndicat de la magistrature, proche de vos idées, publie un véritable brûlot contre la police sous le titre Vos papiers ! Que faire face à la police ? et présentant en couverture une tête de porc avec une fine moustache et un groin, le tout coiffé d'une casquette de policier ! (« Scandaleux ! Honteux ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. Bernard Deflesselles. Que fait le ministre de l'intérieur ?
M. Alain Moyne-Bressand. La conjonction de ces faits contribue à accroître le profond malaise de la police et de la gendarmerie dû, notamment, à l'inconscience de certains juges. Comment faire respecter la loi que nous votons si les autorités chargées de son application, à savoir la police et la gendarmerie, ne sont plus ni craintes ni considérées ? Et ce n'est pas qu'une affaire de moyens, monsieur le Premier ministre ! (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Lucien Degauchy. La loi est mauvaise !
M. Alain Moyne-Bressand. Madame la garde des sceaux, on aura peur de la force publique quand on craindra la justice. Comment réagissez-vous à de tels faits ? Les magistrats sont-ils là pour appliquer la loi ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Marylise Lebranchu, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, vous me demandez comment je réagis : je réagis mal ! (« Ah ! » sur les bancs du groupe Démocratie libérale et Indépendants.) J'aime beaucoup l'humour mais, dans des moments aussi difficiles, quand des policiers ont été tués, alors qu'ils sont là pour garantir la démocratie et l'équilibre de notre pays, je trouve particulièrement malvenu de faire de l'humour et malvenue la couverture que vous venez de décrire.
M. Bernard Accoyer. Quelles sanctions ?
Mme la garde des sceaux. Et je trouve dommage que l'on veuille faire porter toute la responsabilité à l'éditeur car, quand on publie un livre on peut au moins s'enquérir de la couverture. Sans compter qu'à l'intérieur, quelques phrases aussi méritent débat.
M. Jean-Louis Debré. Paroles !
Mme la garde des sceaux. Le ministre de l'intérieur, dès jeudi dernier, m'a saisie de cette publication. Je lui ai fait remarquer qu'il était possible, jusqu'au 30 novembre, de porter plainte.
M. Jean-Louis Debré. Alors, qu'il le fasse !
M. Pascal Clément. Pour l'exemple !
Mme la garde des sceaux. Mais j'ai rencontré fortuitement un représentant d'un syndicat de policiers qui m'a dit que cela ne valait même pas le coup de porter plainte, ce que je comprends parfaitement. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République, du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
Je parle de la réaction de ce policier, messieurs.
M. François d'Aubert. C'est au parquet de porter plainte !
Mme la garde des sceaux. J'ai également répondu au ministre de l'intérieur sur la gravité des faits et j'ai par ailleurs examiné avec le Syndicat de la magistrature ce qu'il est possible de faire maintenant.
Si j'estime que ce fait n'est pas pardonnable, je trouve tout aussi inquiétante l'affaire dite de Versailles que vous avez évoquée au début de votre question. Le jour même, le procureur de la République m'a transmis un dossier m'expliquant pourquoi il faisait appel de la décision du juge des libertés et de la détention. Le juge d'instruction avait estimé que les faits étaient graves et avérés et qu'en dépit de sa situation sociale, il était indispensable de placer la personne concernée en détention provisoire pour s'assurer qu'elle ne pourrait ni prévenir ses complices ni détruire de pièces.
Je trouve absolument regrettable qu'on considère qu'entre dix-sept et dix-neuf heures, c'est déjà la nuit. Dans le cadre de leur mission de service public, les magistrats exercent un grand métier et, sans me prononcer sur le fond, car je n'ai pas le droit de commenter une décision de justice, je déplore que, pour une grave erreur de méthode ou, peut-être, une volonté de ne pas faire, l'ensemble des magistrats soient aujourd'hui montrés du doigt alors qu'à 99,99 % ils font un très bon travail en liaison avec la police et la gendarmerie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, sur plusieurs bancs du groupe communiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)
M. Jean-Louis Debré. Allez-vous saisir le Conseil supérieur de la magistrature ?
Auteur : M. Alain Moyne-Bressand
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : justice
Ministère répondant : justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 5 décembre 2001