Iraq
Question de :
M. Philippe Folliot
Tarn (3e circonscription) - Union pour la Démocratie Française
Question posée en séance, et publiée le 19 mars 2003
IRAK
M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union pour la démocratie française.
M. Philippe Folliot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, l'honneur et la grandeur d'une nation se mesurent à ses capacités de fermeté et de dignité dans des circonstances exceptionnelles.
Derrière le Président de la République, c'est une France rassemblée qui se trouve, dans la crise irakienne, être le symbole du respect du droit international et de la paix. Rien - je dis bien rien - ne saurait justifier qu'un Etat seul se comporte comme un empire, au mépris de la communauté internationale et de ses organes représentatifs, et puisse engager le monde entier dans une tourmente dont nul ne peut à ce jour apprécier les terribles conséquences politiques, stratégiques, économiques, sociales, environnementales et, surtout, humanitaires.
Monsieur le Premier ministre, la politique de la France est juste et nous la soutenons depuis le premier jour. Fidèles à notre tradition, nous avons vocation à être un maillon indispensable dans la chaîne des peuples et des nations pour rapprocher l'Occident du Moyen-Orient, le Nord du Sud. Dans quelques semaines, dans quelques mois peut-être, viendra le temps de la reconstruction. La France s'honorerait d'aider ce peuple irakien qui aura connu, en moins de vingt ans, trois guerres, un embargo, avec leur cortège de souffrances, de morts et de désolation.
Monsieur le Premier ministre, comment et dans quel cadre la France pourra-t-elle jouer le rôle que tous les peuples du monde attendent d'elle pour la future paix, la reconstruction de l'Irak, l'aide à son peuple et le nouvel ordre international ?
Aujourd'hui, le droit international cède devant la force. L'ONU est désavouée et l'Europe écartelée. Quelles initiatives compte prendre le Gouvernement pour ressouder cette Europe en miettes qui ne pèse malheureusement pas dans les affaires du monde ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Permettez-moi, monsieur le président, de vous remercier d'avoir, par cette nouvelle forme de présentation des questions, permis l'expression de l'unité nationale derrière les positions de la France, celles du Président et de notre diplomatie.
La guerre n'est pas déclarée et, jusqu'au bout, nous nous battrons pour la paix, pour les principes et les convictions qui ont guidé la démarche de la France dans ces terribles circonstances. Nous avons entendu l'ultimatum de quarante-huit heures qui a été adressé par le Président des Etats-Unis. Malgré cela, nous continuons à défendre les principes et à affirmer les convictions qui sont celles de la France. C'est le message qu'a formulé, il y a quelques heures, M. le Président de la République, c'est le message de la France, mais c'est aussi, aujourd'hui, celui d'une majorité de nations dans le monde.
C'est d'abord le message de la légalité internationale. Nous voyons combien notre monde a besoin de règles internationales, et qu'elles soient respectées.
L'ONU, qui a été construite, ne l'oublions pas, pour faire en sorte que les générations futures soient préservées du « fléau de la guerre », selon les mots de sa charte constitutionnelle, doit rester le lieu du droit international, et le Conseil de sécurité la seule instance à pouvoir autoriser l'emploi de la force. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Emile Zuccarelli. Très bien !
M. le Premier ministre. C'est pourquoi nous sommes très engagés dans la défense de l'Organisation des Nations unies et du Conseil de sécurité. Nous voulons dire très clairement au monde que, pour la France, il ne peut y avoir d'engagement unilatéral de la force sans risque de fragiliser ce lieu de paix, ce lieu de droit qu'est l'Organisation des Nations unies. C'est un engagement en faveur du droit, en faveur de la légalité internationale.
Deuxième grand principe, deuxième grande conviction, nous pensons que, à l'occasion de cette crise, l'Organisation des Nations unies a trouvé une forme pertinente de lutte contre le terrorisme et contre la prolifération : la démarche des inspections. Nous regrettons profondément qu'elle ne puisse aller à son terme, car elle produit des résultats. Elle a ainsi conduit le dictateur de l'Irak, pour lequel nous n'éprouvons aucune sympathie, à détruire plus de 70 missiles Al-Samoud. Nous avons vu que cette démarche des inspections est la démarche alternative à celle de la guerre : elle produit des résultats. C'est pourquoi la France a proposé, et continue de proposer, que l'on donne du temps aux inspections pour permettre ce désarmement de l'Irak, qui est l'objectif commun. La voie des inspections, redisons-le, est une alternative à la guerre. C'est là un principe, une conviction, que la France a développés et pour lesquels elle a, vous le savez, nourri de nombreuses propositions.
Enfin, je voudrais dire combien il nous paraît dangereux aujourd'hui d'engager la force de manière unilatérale pour trouver, aux yeux des Américains, une réponse au 11 septembre. Pour nous, cette guerre n'est pas la bonne réponse à ces attentats, à l'occasion desquels nous avons partagé la révolte et partagé la solidarité. Mais la guerre qu'il faut aujourd'hui mener, c'est celle contre le terrorisme et la prolifération. Cette bataille-là exige l'unité de la communauté internationale, et elle exige que le Conseil de sécurité soit le lieu du droit. Car, autrement, comment empêcherons-nous que, dans le monde entier, un certain nombre de représentants de causes diverses se sentent, dans la position d'agressés, le droit d'engager des démarches terroristes et de menacer leur monde, le monde, notre monde, d'autant que le terrorisme est aujourd'hui, nous le savons, beaucoup plus dangereux, dans la mesure où les armes sont beaucoup plus accessibles et où il peut avoir une efficacité terrifiante avec des équipes beaucoup plus réduites.
Dans notre lutte contre le terrorisme, nous avons besoin de l'union de tous les peuples et de l'ONU pour vraiment faire en sorte que, partout dans le monde, on mesure les effets de la prolifération. C'est pour cela que, si nous disons clairement que nous n'avons aucune sympathie pour le régime irakien, aucune sympathie pour ce dictateur et que nous voulons la suppression des armes de destruction massive qui sont en Irak, nous pensons que la voie choisie de manière unilatérale n'est pas la voie appropriée à cet objectif de la communauté internationale. La preuve en est que, pour leur démarche, les Etats-Unis n'ont pas réuni une majorité.
Nous voulons continuer dans cette direction qui nous paraît très importante. Je réaffirme ici ce que le Président de la République a dit haut et fort : nous restons les alliés des Etats-Unis. Ce n'est pas parce que nous ne voulons participer à cette guerre que nous sommes en guerre contre les Etats-Unis. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) Nous avons aujourd'hui des désaccords importants, mais l'amitié que nous portons au peuple américain, la gratitude qui est la nôtre pour le sang versé par les Américains...
M. Alain Marsaud. Très bien !
M. le Premier ministre. ... nous autorisent à cette franchise, à cette sincérité qui nous permet de leur dire que cette guerre n'est pas la réponse appropriée à la situation de trouble que connaît le monde. C'est cette amitié qui nous permet de dire aux Américains qu'il faut une alternative à la guerre. Nous le dirons jusqu'à la dernière heure, parce que c'est notre conviction, parce que ce sont nos principes.
Messieurs Bocquet, Douste-Blazy, Ayrault et Folliot, j'ai entendu vos inquiétudes, j'ai entendu le message fort que les uns et les autres partagent au nom de la nation française. J'ai entendu vos inquiétudes pour l'Organisation des Nations unies. Sachez que nous nous battrons pour faire en sorte que si la guerre, hélas ! se fait sans les Nations unies, voire contre elles, la paix, elle, se construise au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. Nous mettrons toute notre énergie pour faire en sorte que ni l'OTAN ni la construction européenne ne soient fragilisées par cette crise mondiale. Vous m'avez interrogé sur les démarches qui avaient été les nôtres et qui seront les nôtres. Nous avons veillé - et j'ai personnellement veillé - à rester en contact permanent avec l'ensemble des Premiers ministres de l'Union européenne, afin de leur faire part de nos divergences sur la situation internationale, mais tout en insistant sur notre volonté de défendre avec conviction notre projet européen. J'espère, et je crois aujourd'hui possible, qu'en ce qui concerne la Convention pour l'avenir de l'Europe, par exemple, un mouvement de rapprochement s'engagera entre la proposition franco-allemande et la proposition hispano-britannique. Nous avons mené des contacts pendant toute cette période pour faire en sorte qu'en aucune façon ni l'Espagne ni le Royaume-Uni n'apparaissent comme des adversaires de la France, malgré nos désaccords sur cette crise. Nous veillons évidemment à ce que la construction européenne puisse trouver dans ces difficultés des forces nouvelles pour assumer son avenir. Mais, nous le savons, ni l'histoire ni la géographie n'ont rendu l'Europe naturelle : c'est la capacité de surmonter les diversités, la capacité de surmonter les difficultés qui ont permis à l'Europe d'affirmer son avenir. C'est dans cette voie que nous nous engagerons, les jours prochains, au Conseil européen.
Notre engagement pour la paix est d'une extrême fermeté. Notre engagement pour l'Europe est d'une égale extrême fermeté. Je tiens à vous dire clairement aujourd'hui que, si la France est déterminée à parler franchement à ses alliés, elle est tout aussi déterminée à ne pas se tromper d'adversaire. La France n'est pas du jour au lendemain devenue militante du pacifisme. La France est militante, comme elle l'a toujours été, des droits de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Philippe Folliot
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 mars 2003