Question orale n° 1381 :
fonctionnement

12e Législature

Question de : M. Thierry Lazaro
Nord (6e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Thierry Lazaro appelle l'attention de M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur l'intercommunalité. Malgré les avancées législatives positives, il est parfois difficile d'appréhender la réalité du fonctionnement de la coopération intercommunale dans notre pays, et ce pour les élus locaux mais encore davantage du point de vue des administrés. Il y a donc nécessité d'avoir enfin une adaptation de notre législation visant à rendre cohérent notre paysage intercommunal jusqu'à présent caractérisé par un enchevêtrement de structures de coopération et une dilution des compétences. Aussi, il lui demande de lui faire part de ses intentions sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 18 janvier 2006

PERSPECTIVES DE REFORME
DE LA COOPERATION INTERCOMMUNALE

M. le président. La parole est à M. Thierry Lazaro, pour exposer sa question, n° 1381, relative aux perspectives de réforme de la coopération intercommunale.
M. Thierry Lazaro. Monsieur le ministre, le récent rapport de la Cour des Comptes, rendu public le 23 novembre dernier par son président Philippe Séguin, a mis en évidence les difficultés que nous connaissons à faire vivre l'intercommunalité en France.
Nos collègues députés, très souvent titulaires de mandats exécutifs locaux, seront d'accord pour constater en effet que nos communes adhèrent à de multiples structures intercommunales aux compétences aussi nombreuses que diverses : SIVOM, SIVU, SIRIOM pour le ramassage et l'incinération des ordures ménagères, syndicats mixtes, communautés urbaines, de communes ou d'agglomération, syndicats d'agglomération nouvelle, et j'en passe. Nous devons admettre, ce que je fais souvent en tant que maire, que les élus ont parfois du mal à appréhender le fonctionnement de la coopération intercommunal, et plus encore les administrés qui se demandent souvent en toute bonne foi qui fait quoi et dans quelles conditions.
Des avancées législatives ont pourtant eu lieu et elles ont permis d'entrevoir une intercommunalité de projet reposant sur l'affirmation d'une identité territoriale plutôt qu'une simple intercommunalité de moyens. Toutefois, le rapport de la Cour des comptes aboutit à un constat préoccupant, s'agissant de la relation que les élus locaux sont censés entretenir avec les populations mais aussi de nos institutions.
Les structures intercommunales existantes, et notamment celles qui disposent de l'autonomie financière, n'ont pu en effet intégrer la totalité des compétences gérées par les anciennes structures. Elles ne se sont pas non plus développées à l'intérieur de périmètres cohérents caractéristiques de leur identité culturelle, géographique, environnementale et correspondant à leur bassin de vie. Je n'évoquerai pas davantage les difficultés qu'elles ont à entrevoir une stratégie pour mettre en oeuvre leurs compétences fiscales. Je relève enfin que le foisonnement de structures diverses, constitue, dans de nombreux cas, une source d'opacité et de coût, pour ne pas dire de surcoût.
Monsieur le ministre, le Gouvernement envisage-t-il une adaptation de notre législation pour rendre définitivement cohérent, comme c'est la cas ailleurs en Europe, notre paysage intercommunal jusqu'à présent caractérisé par un enchevêtrement de structures de coopération et une dilution des compétences ?
Le travail des élus locaux sur le terrain, leur participation aux efforts entrepris en faveur de la cohésion nationale mais aussi les aspirations de chacun à l'amélioration de notre démocratie locale exigent de nouvelles mesures. L'une des mesures phares préconisées par le rapport " Séguin " consiste à confier aux préfets le soin d'établir dans chaque département un schéma de simplification de la coopération intercommunale, soumis à la commission départementale de coopération intercommunale. Cette première mesure va assurément dans le bon sens et elle conduira à mon sens à la suppression de structures inopérantes dont les compétences pourraient être reprises par les structures à fiscalité propre.
Redéfinition des périmètres, redistribution des compétences, mais aussi nouvelle dénomination des EPCI, telles sont en effet les mesures qui peuvent être envisagées. Aux dénominations législatives de communauté de communes, d'agglomération ou de communautés urbaines, ne pourrait-on pas y substituer par exemple, quelle que soit d'ailleurs l'importance de l'entité concernée, la nouvelle dénomination de " communauté territoriale " ?
L'intercommunalité est également confrontée à un problème d'identité et de lisibilité qu'il va bien falloir prendre en compte. Je vous remercie de la réponse que vous voudrez bien nous apporter.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le député, vous avez évoqué un sujet d'actualité très important. Nous en avons débattu, notamment à l'occasion du congrès de l'Association des maires. Si je ne partage pas totalement votre pessimisme, je comprends et partage certaines de vos interrogations.
Le constat est clair : en quinze ans, l'intercommunalité à fiscalité propre s'est à l'évidence imposée dans le paysage administratif. À l'origine, elle paraissait très prometteuse pour parvenir à une nouvelle structuration du territoire.
Vous avez évoqué plusieurs rapports importants qui ont signalé des dysfonctionnements, notamment le rapport du Conseil économique et social, celui, tout récent, de la Cour des comptes, celui d'Hervé Mariton, et celui, plus récent encore, de Patrick Beaudouin et de Philippe Pemezec. Ces rapports ont souligné les limites ou le caractère inachevé de la mise en place de l'intercommunalité.
Plusieurs réponses ont d'ores et déjà été apportées par le ministère de l'intérieur.
Des instructions très précises, signées par le ministre d'État ou par moi-même, ont été adressées aux préfets : elles portent notamment sur quatre améliorations auxquelles procéder dans les meilleurs délais et dans le cadre d'un dialogue efficace et constructif avec les élus locaux. Ces améliorations consistent dans un effort de cohérence en matière de périmètres, dans la définition de l'intérêt communautaire - j'ai accordé un délai supplémentaire d'un an, qui s'achèvera le 18 août 2006 et n'ira pas au-delà -, dans la clarification des relations financières entre les établissements publics et les communes membres et dans des transferts de patrimoine et, j'insiste sur ce dernier point, de personnels, afin d'éviter toute redondance et de dégager des économies d'échelle. Je rappellerai que la fonction publique communale est passée, si je me souviens bien, ces trois dernières années, de 1,041 million à 1,096 million de personnes et que les personnels employés par les établissements publics sont passés durant la même période de 116 000 à 162 000 : ces chiffres révèlent un gonflement manifeste des effectifs des deux fonctions publiques communale et intercommunale, alors qu'il était légitime de s'attendre au phénomène inverse.
Les préfets élaboreront pour la fin du premier semestre 2006 un schéma d'orientation de l'intercommunalité dans leur département, schéma qui affichera les ambitions de simplification à mettre en oeuvre à court terme. Je souhaite, monsieur le député, que les préfets travaillent étroitement avec les élus membres des CDCI. Pour le démontrer, je participerai moi-même à une de ces commissions dans quelques jours à Angers.
En ce qui concerne les éventuelles modifications législatives, je ne veux, là encore, aucune autocensure. Toutes les dispositions qui apparaîtront indispensables pour rationaliser le mouvement intercommunal devront être recensées - je vous remercie d'y contribuer - et évaluées afin d'alimenter, si cela se révèle nécessaire, une initiative du Gouvernement ou du Parlement dans ce domaine.
Je souhaite, pour ma part, engager plusieurs réflexions.
La première, de nature politique, vise à garantir un fonctionnement plus démocratique des EPCI à fiscalité propre. Pour ce faire, il faut tout d'abord faciliter l'accès des citoyens à l'information sur la fiscalité cumulée des communes et des EPCI lorsque ceux-ci sont à fiscalité additionnelle. Ce point n'a pas constitué un sujet de préoccupation majeur lors de débat qui a précédé les élections municipales de 2001 : je suis persuadé qu'il n'en sera pas de même en 2008 pour le citoyen usager et électeur contribuable. Il faut également mettre en place une présentation consolidée par fonction, qui apporte une vue budgétaire d'ensemble, c'est-à-dire relative à toutes les dépenses et à toutes les recettes de la communauté et des communes membres.
La deuxième réflexion, de nature institutionnelle, vise à faciliter le retrait d'une commune en cas de blocage du fonctionnement normal d'un EPCI - je pourrais vous citer un exemple dans le Puy-de-Dôme - ou à proposer de nouvelles compétences obligatoires, notamment pour les affaires scolaires - entretien des bâtiments, transports, gestion des personnels hors éducation nationale, gestion de la carte scolaire - ou encore, c'est d'actualité, pour le déneigement des routes pour les EPCI situées en zone de montagne.
Ma troisième réflexion est de nature financière : elle vise à apporter des réponses concrètes à la question des charges de centralité, ce qui pourrait nous conduire à recommander la mise en oeuvre à titre expérimental d'une DGF " territoriale " - vous avez proposé le mot, monsieur le député, pour dénommer certains niveaux de collectivités -, laquelle regrouperait dans une seule enveloppe les dotations des communes membres et la dotation de fonctionnement de la communauté.
Ces réflexions ne constituent pas encore des intentions mais, si vous y êtes favorable, monsieur le député, elles pourraient préfigurer les contours des solutions à retenir à plus ou moins long terme - il convient d'être prudent.

Données clés

Auteur : M. Thierry Lazaro

Type de question : Question orale

Rubrique : Coopération intercommunale

Ministère interrogé : collectivités territoriales

Ministère répondant : collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 janvier 2006

partager