Question écrite n° 109365 :
Afssaps

13e Législature

Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé, sur la plainte déposée par un syndicat de médecins contre l'Afssaps dans l'affaire du Médiator. Il souhaiterait connaître son avis sur cette plainte et sur les éventuelles défaillances de l'agence du médicament.

Réponse publiée le 11 octobre 2011

L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a, par plusieurs décisions en date du 24 novembre 2009, suspendu les autorisations de mise sur le marché de l'ensemble des spécialités contenant du benfluorex, qui ne sont plus disponibles depuis le 30 novembre 2009. En France, trois spécialités disposaient d'une autorisation de mise sur le marché : Mediator(R) 150 mg, commercialisé par les laboratoires Servier depuis 1976, et deux médicaments génériques mis sur le marché par les laboratoires Mylan et Qualimed. À cet égard, il doit être précisé que les spécialités contenant du benfluorex ont fait l'objet d'une surveillance depuis 1998, consécutivement au retrait de l'Isoméride et du Pondéral en 1997, du fait d'une augmentation du risque d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Ce suivi a notamment conduit l'Agence en 1998 à ne pas accorder au laboratoire Servier une nouvelle indication thérapeutique pour le Mediator(R) dans le diabète de type 2 en première ligne de traitement. En outre, afin d'éviter que le benfluorex ne puisse être utilisé comme coupe-faim en lieu et place de l'Isoméride et du Pondéral après leur retrait, l'utilisation dans les préparations magistrales a été interdite dès 1996. Par ailleurs, une enquête officielle de pharmacovigilance qui avait été confiée en 1998 au Centres régionaux de pharmaco vigilance (CRPV) de Besançon afin d'évaluer le risque d'HATP lié à l'utilisation du benfluorex, n'avait pas permis à cette époque d'identifier ce risque spécifique, compte tenu des très rares observations recensées. Par la suite, une surveillance active a conduit notamment, en 2005, à renforcer les informations sur ses effets neuropsychiatriques. En 2007, une nouvelle évaluation a entraîné la suppression de son indication aux personnes présentant une hypertriglycéridémie (taux élevé de graisse dans le sang). Depuis, les médicaments contenant du benfluorex étaient uniquement indiqués chez les patients diabétiques en surcharge pondérale, en complément d'un régime adapté. Dans un premier temps, les quelques observations d'HTAP recensées avaient été jugées trop rares pour constituer un signal significatif. Mais au printemps 2009, la notification de 5 nouveaux cas d'HTAP et de cas de valvulopathies a conduit à une nouvelle réévaluation du profil de tolérance du benfluorex. Les résultats de l'enquête nationale de pharmacovigilance ainsi que de deux études menées par le CHU de Brest ont mis en évidence une augmentation du risque d'atteinte des valves cardiaques, pouvant évoluer vers une insuffisance cardiaque chez les personnes traitées avec Mediator(R). Une étude ultérieure menée en 2009 par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et faisant ressortir un surrisque d'hospitalisation et d'intervention chirurgicale pour valvulopathie chez les patients diabétiques traités avec le benfluorex, est venue renforcer ces résultats. Aussi, au vu de l'ensemble de ces données I'AFSSAPS a-t-elle suspendu l'autorisation de mise sur le marché des 3 spécialités contenant du benfluorex. Parallèlement, la CNAMTS, à la demande de l'AFSSAPS, a mené une étude complémentaire durant l'été 2010 sur les hospitalisations et les interventions chirurgicales pour valvulopathies ainsi que sur les décès survenus chez les patients qui avaient pris du benfluorex en 2006. Aussi, eu égard au nombre de décès estimés, présentés à l'issue de cette étude, une mission d'enquête et d'évaluation a été confiée à l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales (IGAS). Un premier rapport rendu en janvier 2011 s'est attaché à reconstituer la succession des évènements et des choix concernant le retrait de ce médicament afin d'analyser les mécanismes de prise de décisions en prenant en compte les éléments issus de la pharmacovigilance, l'évolution des connaissances scientifiques, les décisions intervenues dans d'autres pays et les conditions d'utilisation de ce médicament compte tenu du cadre défini par l'autorisation de mise sur le marché. De surcroît, outre l'enquête judiciaire ouverte sur le dossier Médiator, plusieurs missions (deux missions parlementaires, une seconde mission de l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales ainsi que les différents groupes de travail constituant les « Assises du Médicament » dont les rapports ont été rendus public en juin 2011) ont élaboré des propositions de réformes du système sanitaire des produits de santé. L'enjeu principal de rénovation du dispositif sanitaire réside essentiellement dans, la réforme des processus d'évaluation, de décisions, de suivi, d'utilisation et de promotion des produits de santé, afin de garantir une sécurité optimale aux patients, avec pour objectif principal : restaurer la confiance. Dans ce cadre, un projet de loi relatif à la modernisation du système des produits de santé a-t-il présenté en conseil des ministres du 1er août 2011, afin de le soumettre au Parlement dès l'automne prochain. Ce projet s'appuie sur 3 piliers. Le premier pilier repose sur la lutte contre les conflits d'intérêt et la transparence des décisions. Cela passe d'une part par un renforcement de l'effectivité du système de déclaration et de gestion des liens d'intérêts des experts avec notamment la mise en place d'un Sunshine Act à la française (publication, sous la responsabilité de chaque industriel, de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, les sociétés savantes, les associations de patients et les organes de presse spécialisés, et si ces obligations de déclaration ne sont pas respectées, mise en place de sanctions) et d'autre part par l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale. Ensuite, le deuxième pilier de cette réforme s'attache à ce que le doute doit systématiquement bénéficier au patient à chaque étape de la vie du médicament. Dans le cadre de l'AMM, l'octroi de celle-ci devrait désormais être conditionné à la présentation de données comparatives avec les médicaments de référence lorsqu'ils existent. Aussi, en attendant cette évolution au niveau européen, des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité seront-elles mises en oeuvre. Les prescriptions hors-AMM, bien qu'indispensables dans certains cas et devant rester des situations exceptionnelles, doivent être encadrées et leurs risques associés maitrisés. De plus, les outils et méthodes de la pharmacovigilance doivent également être renforcés afin de d'assurer un suivi proactif du médicament tout au long de sa vie. Par ailleurs, le champ des processus d'évaluation et de réévaluation des produits de santé sera élargi, notamment par le développement accru de la pharmaco-épidémiologie, ainsi que par des sanctions effectives des industriels en cas de non-réalisation dans les délais prévus des études post-AMM demandées, ces sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de l'AMM. Dans le même sens, l'évaluation, la prise en charge, et la matério-vigilance des dispositifs médicaux seront également considérablement renforcées, notamment avec un contrôle a priori de la publicité de ces produits. Enfin, le troisième pilier de cette réforme vise à mieux informer les patients et professionnels de santé, ainsi qu'à renforcer la formation de ces derniers.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Santé

Ministère répondant : Santé

Dates :
Question publiée le 24 mai 2011
Réponse publiée le 11 octobre 2011

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