traité instituant une cour pénale internationale
Question de :
M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les enjeux de l'intégration du statut de la Cour pénale internationale en droit français. La Cour pénale internationale est complémentaire des juridictions nationales : elle a une compétence subsidiaire et n'est donc compétente que si les tribunaux nationaux sont dans l'incapacité ou ne manifestent pas la volonté de poursuivre eux-mêmes les responsables des crimes de la compétence de la Cour. L'intégration des dispositions du statut de Rome dans les législations nationales est donc indispensable. La France a activement participé aux travaux de la commission préparatoire en faveur de la création de la CPI. Elle a signé le Traité de Rome dès le 18 juillet 1998 et l'a ensuite rapidement ratifié en juin 2000 (la France a été le douzième pays et le deuxième membre de l'Union européenne à le ratifier). Elle a par la suite adopté la loi de coopération du 26 février 2002. Par ailleurs, un Français (Claude Jorda) a été élu parmi les 18 juges, le greffier est français (Bruno Cathala), et Mme Simone Weil est l'un des membres du Conseil de direction du fonds d'indemnisation des victimes. Or, si la France a ratifié le statut de la CPI le 9 juin 2000, cette seule ratification ne permet pas la mise en oeuvre du statut au niveau national. Il faut qu'une loi intègre dans notre droit interne l'ensemble des dispositions du statut de Rome, permettant ainsi à la France d'exercer pleinement ses droits et obligations suite à la ratification. La loi de « coopération avec la CPI » du 26 février 2002 a ainsi intégré la partie procédurale du statut (coopération avec la CPI pour les enquêtes, arrestations et remises de suspects, exécution des peines et réparation aux victimes). Cependant, le travail législatif ne sera pleinement achevé que lorsque sera votée la loi d'adaptation du traité dans la législation pénale française, permettant aux crimes les plus graves définis dans le traité CPI (génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre) de pouvoir être poursuivis et réprimés en France. Aussi, il la prie de bien vouloir lui indiquer si la France entend prochainement adapter le droit pénal français au statut de la Cour pénale internationale et renoncer à la « déclaration de l'article 124 », article dont la France a été à l'initiative. Cette déclaration a pour effet de suspendre la compétence de la CPI en France pour les crimes de guerre pendant une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur, soit jusqu'au 1er juillet 2009. Du fait de cet article 124, la Cour ne pourrait pas être saisie pour des crimes de guerre commis en France ou commis par des Français. En outre, les tribunaux français qui sont normalement compétents au premier chef, ne pourraient pas, non plus, poursuivre ces crimes puisque que le code pénal français ne prévoit pas ces crimes de guerre. Il souhaiterait par conséquent savoir si elle entend intégrer dans le code pénal les crimes de guerre, tels que définis par le statut de Rome, tout en prévoyant le principe d'imprescriptibilité de ces crimes, tel qu'il est réaffirmé à l'article 29 du statut de Rome.
Réponse publiée le 7 décembre 2010
En adoptant la loi du 26 février 2002 relative à la coopération avec la Cour pénale internationale, la France a respecté tous ses engagements au regard de la convention portant statut de la Cour pénale internationale. En effet, cette convention n'impose aux États qui y sont parties ni la création d'incriminations spécifiques dans leur droit interne pour les crimes qui relèvent de la compétence de cette cour, ni la reconnaissance d'une compétence juridictionnelle élargie. La législation française était donc, avant même l'entrée en vigueur du statut de Rome de la Cour pénale internationale, en parfaite conformité avec les obligations résultant de ce statut. Néanmoins, le Gouvernement a soumis au Parlement un projet de loi comportant toutes les dispositions nécessaires pour incriminer, de la manière la plus complète possible, les comportements prohibés par ladite convention, notamment crimes ou délits de guerre, et prévoyant des règles de complicité élargies. En outre, le Gouvernement a accepté d'instaurer une compétence juridictionnelle élargie pour les tribunaux français, ce qui constitue une avancée incontestable : aucune disposition du statut de Rome n'impose aux États parties de se reconnaître compétents pour juger les génocides, les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre commis à l'étranger, par des étrangers, à l'encontre de victimes étrangères. La France n'a jamais instauré une telle compétence en l'absence de stipulation prévue par une convention internationale. Néanmoins, le Gouvernement a soutenu l'amendement déposé par le rapporteur du Sénat élargissant la compétence des juridictions pénales françaises au-delà de leur compétence habituelle. Depuis 2002, en application des articles 627-4 à 627-15 du code de procédure pénale, qui permettent l'arrestation et la remise à la Cour pénale internationale des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes ou délits de guerre qu'elle ne peut juger en raison de la territorialité des faits, de la nationalité de l'auteur et de la victime, la France peut dénoncer de tels faits à la Cour pénale internationale et en arrêter les auteurs qui se seraient refugiés sur le territoire de la République afin de les remettre à cette Cour. En outre, en application des dispositions adoptées par le Parlement, la France pourrait juger elle-même de tels criminels, dès lors qu'ils résideraient habituellement sur le territoire français. Ce texte, adopté à l'unanimité par le Sénat le 10 juin 2008, a été voté par l'Assemblée nationale le 13 juillet 2010. Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution les dispositions de la loi portant adaptation du droit pénal à l'institution de la Cour pénale internationale contestées par certains députés et sénateurs et la loi a été promulguée le 9 août 2010.
Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Traités et conventions
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice et libertés
Dates :
Question publiée le 15 janvier 2008
Réponse publiée le 7 décembre 2010