armée
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
M. Joël Giraud attire l'attention de M. le secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants sur la situation des vétérans des essais nucléaires. En effet, ces personnes tentent de faire reconnaître par l'État français le préjudice qu'ils ont subi lors de leurs services aux armées, les répercussions sur leur santé et celle de leurs descendants résultant de leur présence sur un site où se sont déroulés des essais nucléaires. Ces vétérans demandent à ce qu'il soit établi la présomption de lien entre le service dans une zone contaminée et la maladie, la mise en place d'une indemnité globale et forfaitaire et un suivi médical gratuit pour le vétéran et sa famille. D'autres nations comme les États-Unis, la Grande-Bretagne, l'Australie, qui ont eu les mêmes activités que la France en termes d'essais nucléaires ont mise en place une reconnaissance de ces préjudices. On comprend mal pourquoi la France ne ferait pas preuve de la même équité envers ceux dont la santé a été sacrifiée au nom de l'indépendance stratégique de notre pays. Par ailleurs, l'éventualité de l'octroi aux victimes de distinctions honorifiques à titre posthume est ressentie par les familles comme l'expression d'un cynisme de mauvais goût qui insulterait la mémoire des défunts. A ce jour, pas moins de trois propositions de loi de différents groupes politiques ont été déposées en vue d'accéder aux réclamations tout à fait légitimes de ces personnes. En attendant leur mise à l'ordre du jour du parlement et leur adoption, les victimes n'ont pas d'autre solution que d'engager de longues procédures dont l'issue reste incertaine. L'établissement par la loi d'une présomption d'imputabilité de la maladie au service dès lors que la présence dans la proximité immédiate des expérimentations est attestée constituerait une solution qui honorerait notre pays. En conséquence, il lui demande s'il n'estime pas du devoir de la France de reconnaître le lien entre les maladies dont sont victimes les vétérans des essais nucléaires avec leur présence sur les sites d'expérimentation nucléaire.
Réponse publiée le 7 octobre 2008
Le suivi sanitaire des essais nucléaires français fait l'objet d'une attention particulière de la part des pouvoirs publics. C'est ainsi qu'un comité de liaison pour la coordination du suivi sanitaire des essais nucléaires français (CSSEN) a été créé en janvier 2004 par décision conjointe des ministres en charge de la défense et de la santé. Ce comité, codirigé par le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et le délégué à la sûreté nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense (DSND), a adressé son rapport final au ministre de la défense et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports, le 3 juillet 2007. Les travaux du CSSEN ont porté notamment sur les risques liés aux rayonnements et se sont donc attachés à définir les pathologies susceptibles d'être radio-induites qu'elles soient néoplasiques ou d'une autre nature. Ces travaux se sont appuyés sur des données reconnues par la communauté scientifique internationale, tant pour ce qui concerne les études des effets des rayonnements ionisants sur la santé, que pour ce qui concerne les études épidémiologiques. Dans le cadre de cette étude, le CSSEN a démontré que les niveaux de doses reçues par la population et les travailleurs sur les sites d'expérimentation étaient faibles et a constaté qu'aucun risque nouveau de cancers radio-induits n'avait été mis en évidence. Il n'est donc pas possible de considérer a priori que tout militaire ayant travaillé sur les sites d'expérimentation, si aucun incident particulier n'est reporté dans son dossier personnel, a été exposé à des rayonnements dangereux. Par ailleurs, le ministère de la défense a commandé une étude épidémiologique sur le risque sanitaire lié à la participation de ses personnels aux campagnes d'expérimentations nucléaires au centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) entre 1966 et 1996. Cette étude, menée actuellement par un organisme extérieur au ministère de la défense, Sépia-Santé, a débuté en janvier 2008 et s'étendra sur une période de 2 ans. L'objectif de cette enquête est d'évaluer l'existence d'une éventuelle surmortalité parmi ces personnels, due en particulier à des pathologies néoplasiques, en comparant, d'une part, la mortalité des vétérans ayant une dosimétrie nulle à celle des vétérans ayant une dosimétrie non nulle et, d'autre part, la mortalité de ces 2 groupes à celle de la population française en tenant compte de l'âge, du sexe et de la période considérée. Un comité de pilotage, constitué des membres du comité scientifique de l'Observatoire de la santé des vétérans, composé d'experts appartenant pour la plupart aux agences et instituts sanitaires civils, est chargé de suivre le déroulement de cette étude et d'en garantir l'indépendance scientifique. Les résultats de cette étude devraient être connus au cours du 1er semestre 2010. D'autre part, d'anciens militaires, personnels civils ou retraités du ministère de la défense ayant séjourné sur les sites d'expérimentations nucléaires français ont fait part au ministre de la défense de leur souhait de bénéficier d'une consultation médicale auprès du service de santé des armées. Le ministre a répondu favorablement à ces demandes en donnant des directives, fin janvier 2008, pour que ces personnels puissent consulter dans les services médicaux des unités des 3 armées et de la gendarmerie. À l'occasion de cette consultation médicale gratuite, réalisée par un médecin généraliste militaire, les intéressés sont informés sur les démarches leur permettant d'accéder à leurs dossiers médical et dosimétrique et, s'ils le souhaitent, un courrier est adressé à leur médecin traitant en vue de la réalisation d'éventuels examens complémentaires. En matière d'indemnisation, il doit être rappelé que tous les militaires et anciens militaires peuvent prétendre à un droit à pension pour les affections reconnues imputables à un fait de service. En effet, le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre permet d'indemniser tout militaire qui, s'il ne peut bénéficier de la présomption d'imputabilité, a la possibilité d'utiliser la démarche d'imputabilité par preuve. Celle-ci peut être admise par tout moyen et à tout moment, sans condition de délai, sachant que la jurisprudence du Conseil d'État admet que la preuve puisse être apportée par un faisceau de présomptions. Ce dispositif permet, dans le cas d'une exposition prolongée à certaines substances, d'admettre l'imputabilité au service des affections en cause dans le cadre des pathologies énumérées sur les listes de maladies professionnelles. Enfin, les civils et les militaires ayant oeuvré sur les sites des essais nucléaires peuvent, de leur vivant, voir la qualité de leur service, ainsi que leur dévouement pris en compte pour l'attribution des ordres nationaux et, pour les seuls militaires, de la médaille militaire.
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question écrite
Rubrique : Défense
Ministère interrogé : Défense et anciens combattants
Ministère répondant : Défense et anciens combattants
Dates :
Question publiée le 29 juillet 2008
Réponse publiée le 7 octobre 2008