Question écrite n° 45809 :
droit du travail

13e Législature

Question de : M. Michel Issindou
Isère (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

M. Michel Issindou attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur les inégalités entre salariés résultant des aménagements récemment apportés au principe de non-discrimination par le législateur ainsi que par la jurisprudence de la Cour de cassation. Dans la droite ligne d'un arrêt de la cour de cassation en date du 17 avril 2008 (Cass. soc. n° 06-45270) l'article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 dispose en effet que le principe de non-discrimination "ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée". Dans le cas de la société civile de droit français ESRF ("european synchrotron radiation facility"), plus connue sous le nom de Synchrotron, basée dans l'agglomération grenobloise, cet aménagement a permis de légitimer une pratique pour le moins injuste consistant en le versement de traitements différenciés à raison de la nationalité des salariés selon qu'ils soient français ou étrangers et ce indépendamment de la nature de leur fonctions et de la réalité effective, ou non, d'une expatriation. Peu importe que le salarié non français vive en France depuis longtemps, voire même y soit né, du moment qu'il est de nationalité étrangère, il perçoit ce versement différencié à raison de sa nationalité. Dans sa délibération du 22 octobre 2007 (n° 2007-272) la HALDE a d'ailleurs estimé que la convention d'entreprise sur laquelle se fondait cette pratique était contraire au code du travail (article L. 122-45) ainsi qu'aux traités communautaires (articles 12 et 39 du traité CE). Dans la déclaration de la HALDE, il est indiqué que l'ESRF n'a fait valoir aucun élément objectif étranger à toute discrimination permettant de justifier la différence de traitement fondée sur l'origine nationale. Constatant qu'il s'agit là d'une atteinte dommageable au principe "à travail égal, salaire égal" et soucieux d'éviter qu'elle ne crée un fâcheux précédent, il se demande s'il ne serait pas opportun de revenir sur les aménagements précités en amendant l'article 2 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 "portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations". Il le remercie de lui faire connaître sa position sur cette question.

Réponse publiée le 3 novembre 2009

La notion d'« exigences professionnelles » portée par les directives européennes 2000-43 relative à la lutte contre la discrimination sur le motif de la race ou de l'origine ethnique du 29 juin 2000 et 2008-78 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail du 27 novembre 2000 a été transposée par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 précitée. En transposant en droit national cette notion d'« exigences professionnelles », le législateur a préféré énoncer les principes qui s'imposent, plutôt qu'une énumération de situations justifiant les dérogations. En ce qui concerne le droit du travail, l'article L. 1133-1 du code du travail encadre les traitements dérogatoires. Cette dérogation ne peut être invoquée que lorsqu'il s'agit d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante, d'un objectif légitime poursuivi par l'employeur et que cette exigence est proportionnée à cet objectif. La notion d'« exigences professionnelles » implique une dérogation au principe de non-discrimination, doit correspondre à une situation particulière appréciée in concreto. Il ne peut y avoir de dérogation générale. La notion « à travail égal, salaire égal » repose sur l'appréciation d'un même travail ou d'un travail de même valeur et d'une égalité de rémunération pour les salariés placés dans une situation identique. Dans l'affaire Synchrotron citée en exemple, la Cour de cassation a reconnu qu'une prime versée aux seuls salariés étrangers, destinée à compenser les inconvénients résultant de l'expatriation du salarié et de la famille, pouvait constituer une raison objective, pertinente, étrangère à toute discrimination prohibée et proportionnée à la création d'un pôle d'excellence scientifique international, conforme à l'objectif poursuivi par les États contractants de la convention de Paris du 16 décembre 1988 relative à la construction et à l'exploitation d'une installation européenne de rayonnement Synchrotron.

Données clés

Auteur : M. Michel Issindou

Type de question : Question écrite

Rubrique : Travail

Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

Ministère répondant : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

Dates :
Question publiée le 31 mars 2009
Réponse publiée le 3 novembre 2009

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