instruction
Question de :
Mme Danielle Bousquet
Côtes-d'Armor (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Danielle Bousquet attire l'attention de Mme la ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur l'expérimentation que serait en train de mener le parquet de Paris dans le cadre d'une enquête préliminaire. En effet, le parquet a annoncé que le procureur veut adresser des éléments de l'enquête aux avocats des personnes mises en cause dans cette enquête avant toute décision de poursuite ou de classement. Elle lui demande de lui indiquer dans quel cadre s'inscrit cette expérimentation sur la procédure pénale, quelles dispositions donnent la possibilité au procureur de la République « d'inventer le droit heure par heure », selon les termes d'une des personnes mises en cause, comment un magistrat, fût-il du parquet, peut-il « préfigurer » une réforme de la procédure, et quelles limites le Gouvernement entend donner aux « expérimentations » du parquet.
Réponse publiée le 26 janvier 2010
En application des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale, « sauf dans les cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». Il résulte de ces dispositions que les personnes qui concourent à l'enquête, notamment le procureur de la République, sont tenues au secret professionnel. Cependant, l'article 11 du code de procédure pénale prévoit la possibilité pour le procureur de la République de rendre publics des éléments objectifs tirés de la procédure afin d'éviter la propagation d'informations inexactes ou parcellaires. De plus, le secret de l'instruction doit s'articuler avec les autres principes fondamentaux de notre procédure exposés notamment dans l'article préliminaire du code de procédure pénale : le respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence. L'article préliminaire du code de procédure pénale prévoit que « Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie... Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur. » La communication par le procureur de la République d'éléments d'une enquête préliminaire aux avocats d'une personne mise en cause répond, dans certaines conditions, à l'exigence d'information de la personne mise en cause dans le cadre d'une procédure. À cet égard, l'article préliminaire du code vise, non seulement les personnes poursuivies, mais aussi les personnes suspectées. L'article 11 du code de procédure pénale précise en outre que le secret de l'enquête est mis en oeuvre « sans préjudice des droits de la défense ». La communication des éléments de l'enquête aux avocats de la défense leur permet de faire valoir les arguments de leur client avant que le parquet ne prenne sa décision sur l'orientation procédurale de l'enquête. La communication ponctuelle d'éléments d'une enquête en cours à des avocats ne constitue donc pas en l'état de notre droit une obligation pour le parquet, mais seulement une faculté. Il appartient au procureur de la République d'apprécier, au cas par cas, si une telle démarche est opportune pour la manifestation de la vérité. Ce renforcement du contradictoire par un accès plus avancé des parties aux pièces du dossier est par ailleurs envisagé dans le cadre de la réforme du code de procédure pénale. En effet, parmi les pistes de travail actuellement étudiées, figure la reconnaissance de la qualité de partie à l'enquête pénale lorsqu'une mesure attentatoire aux libertés est envisagée ou si des éléments tentant à démontrer l'implication d'un suspect sont rassemblés dans le dossier. Cette attribution de la qualité de partie pourrait, au même titre que l'actuelle mise en examen lorsqu'une information judiciaire est ouverte, permettre d'accéder aux pièces du dossier afin de renforcer l'exercice des droits de la défense, pour toutes les enquêtes et avant la phase de jugement.
Auteur : Mme Danielle Bousquet
Type de question : Question écrite
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)
Dates :
Question publiée le 21 juillet 2009
Réponse publiée le 26 janvier 2010