Question écrite n° 65435 :
croissance

13e Législature

Question de : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville sur le récent rapport de la commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social (commission Stiglitz). Il lui demande de bien vouloir lui donner son avis sur ce rapport ainsi que les évolutions que celui-ci pourrait inspirer.

Réponse publiée le 17 août 2010

La commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social (commission Stiglitz-Sen-Fitoussi) a remis son rapport final le 14 décembre 2009 au Président de la République. Ses objectifs étaient les suivants : déterminer les limites du produit intérieur brut (PIB) comme indicateur de la performance économique et du progrès social ; étudier la faisabilité de mesures plus pertinentes du progrès social ; réfléchir sur la manière appropriée de diffuser l'information statistique. En premier lieu, le rapport reconnaît le rôle central du PIB dans la mesure de la performance économique, d'une part parce qu'il s'inscrit dans un cadre comptable et statistique normalisé du point de vue international ; d'autre part, parce qu'il s'agit d'un concept synthétique, largement reconnu et utilisé. Néanmoins, comme indicateur de la performance économique, le PIB est un outil dont la mesure doit être perfectionnée. Il s'agit notamment de prendre mieux en compte le volume des services publics fournis par l'État (éducation, santé, etc.). Des dimensions essentielles de la performance économique ne sont pas intégrées dans le PIB (l'amortissement du capital par exemple). Elles doivent être appréhendées à l'aide d'indicateurs spécifiques (parmi les indicateurs existants, on peut penser au produit intérieur net ou au revenu national disponible net). En second lieu, il préconise une meilleure prise en compte de la perception par les ménages de la performance économique, à travers les notions de revenu disponible des ménages (ou encore celle du pouvoir d'achat) ainsi que par la prise en compte des disparités entre les ménages. En troisième lieu, il invite à ne pas considérer le progrès social sous un angle purement matériel. La qualité de la vie dépend aussi de facteurs non économiques qui doivent faire l'objet d'indicateurs : la santé, les liens sociaux, les conditions environnementales ainsi que la subjectivité de chacun. Enfin, la performance économique et le progrès social doivent être évalués sous l'angle de la soutenabilité, c'est-à-dire à l'aune du bien-être des générations futures. Dans ce cadre, la dimension environnementale est essentielle. Le rapport préconise les quatre orientations suivantes pour assurer la mise en oeuvre de ses conclusions : travailler à l'amélioration de la mesure du PIB (mesure des services publics par exemple) ; utiliser, parallèlement au PIB, des indicateurs alternatifs liés aux dimensions économiques qu'il ne peut refléter, notamment la perception des ménages et les inégalités. Certains de ces indicateurs existent déjà : produit intérieur net, revenu national disponible, revenu disponible des ménages, revenu disponible ajusté, revenu médian. D'autres restent encore intégralement à construire, en particulier ceux qui pourraient intégrer la dimension environnementale ; proposer des indicateurs spécifiques liés aux dimensions non économiques du progrès social, notamment en ce qui concerne la qualité de la vie ; abandonner l'idée d'un indicateur unique de performance économique et sociale pour préférer celle d'un « tableau de bord » : une série limitée d'indicateurs bien choisis, y compris le PIB, couvrant des dimensions multiples et donnant une vision à la fois riche et synthétique de l'état de l'économie et de la société, à l'image du cadran d'une voiture avec ses compteurs (performances) et ses voyants indicateurs de danger (inégalités, soutenabilité). La France s'est engagée à travailler à la mise en oeuvre des recommandations de la commission Stiglitz et à les promouvoir sur la scène internationale. Le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a demandé à l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) de mettre en place des standards méthodologiques internationaux cohérents avec les recommandations du rapport de la commission Stiglitz. Plusieurs institutions internationales (Commission européenne, Organisation internationale du travail) ont indiqué leur volonté d'approfondir leurs travaux dans la continuité des conclusions du rapport. Trois études de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) publiées en novembre reflètent les recommandations du rapport Stiglitz. Ces études suivent l'« approche ménages » recommandée par le rapport (mesurer les écarts de revenu et de consommation pour mieux appréhender le bien-être réellement ressenti) : un point sur les inégalités de revenus et d'épargne entre les ménages ; la fourniture de services publics de santé et d'éducation permet de limiter les inégalités. L'éducation, la santé et les autres services assurés par les administrations représentent 23 % du revenu disponible des ménages. S'il n'y avait pas ces prestations de service public, l'écart entre le revenu disponible des 20 % de ménages les plus modestes et celui des 20 % les plus aisés irait de 1 à 5. Une fois pris en compte ces transferts en nature, l'écart n'est plus que de 1 à 3 ; en France, les bas revenus se sont rapprochés des catégories intermédiaires, les revenus élevés se sont détachés. Entre 1996 et 2007, les bas revenus ont en partie rattrapé les catégories intermédiaires. Les revenus les plus élevés ont augmenté davantage que les revenus intermédiaires. Des travaux ont été programmés par l'Insee en application du rapport Stiglitz : en 2009 l'Insee a surtout travaillé sur les inégalités de revenu des ménages (cf. supra) ; en 2010, les travaux porteront davantage sur les inégalités de patrimoine. L'Insee développera aussi des travaux mesurant les pollutions engendrées par l'activité économique. Enfin, l'Insee publiera des travaux sur le « mal-logement » ; en 2011, des travaux sur la perception des ménages quant à leurs activités (activités professionnelles et domestiques, loisirs, etc.) seront présentés ; à terme, l'Insee prévoit de valoriser la richesse produite par les ménages via leurs travaux domestiques (tâches ménagères, éducation des enfants...). Enfin, l'Insee travaille actuellement à évaluer le capital social et le capital humain.

Données clés

Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Politique économique

Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille, solidarité et ville

Ministère répondant : Économie, industrie et emploi

Dates :
Question publiée le 1er décembre 2009
Réponse publiée le 17 août 2010

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