Médiator
Question de :
M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Lozère (2e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur les récentes alertes concernant le médicament médiator du groupe Servier. Il lui demande de bien vouloir préciser la teneur exacte de ces alertes et de répondre aux interrogations concernant la nocivité du médicament. Il lui demande également de bien vouloir détailler les mesures qui seront prises consécutivement à ces révélations.
Réponse publiée le 4 octobre 2011
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a, par plusieurs décisions en date du 24 novembre 2009, suspendu les autorisations de mise sur le marché de l'ensemble des spécialités contenant du benfluorex, qui ne sont plus disponibles depuis le 30 novembre 2009. En France, trois spécialités disposaient d'une autorisation de mise sur le marché : Mediator (R) 150 mg, commercialisé par les laboratoires Servier depuis 1976, et deux médicaments génériques mis sur le marché par les laboratoires Mylan et Qualimed. À cet égard, il doit être précisé que les spécialités contenant du benfluorex ont fait l'objet d'une surveillance depuis 1998, consécutivement au retrait de l'Isoméride et du Pondéral en 1997, du fait d'une augmentation du risque d'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Ce suivi a notamment conduit l'agence en 1998 à ne pas accorder au laboratoire Servier une nouvelle indication thérapeutique pour le Mediator (R) dans le diabète de type 2 en première ligne de traitement. En outre, afin d'éviter que le benfluorex ne puisse être utilisé comme coupe-faim en lieu et place de l'Isoméride et du Pondéral après leur retrait, l'utilisation dans les préparations magistrales a été interdite dès 1996. Par ailleurs, une enquête officielle de pharmacovigilance, qui avait été confiée en 1998 au CRPV de Besançon, afin d'évaluer le risque d'HATP lié à l'utilisation du benfluorex, n'avait pas permis à cette époque d'identifier ce risque spécifique, compte tenu des très rares observations recensées. Par la suite, une surveillance active a conduit notamment, en 2005, à renforcer les informations sur ses effets neuropsychiatriques. En 2007, une nouvelle évaluation a entraîné la suppression de son indication aux personnes présentant une hypertriglycéridémie (taux élevé de graisse dans le sang). Depuis, les médicaments contenant du benfluorex étaient uniquement indiqués chez les patients diabétiques en surcharge pondérale, en complément d'un régime adapté. Dans un premier temps, les quelques observations d'HTAP recensées avaient été jugées trop rares pour constituer un signal significatif. Mais au printemps 2009, la notification de cinq nouveaux cas d'HTAP et de cas de valvulopathies a conduit à une nouvelle réévaluation du profil de tolérance du benfluorex. Les résultats de l'enquête nationale de pharmacovigilance ainsi que de deux études menées par le CHU de Brest ont mis en évidence une augmentation du risque d'atteinte des valves cardiaques, pouvant évoluer vers une insuffisance cardiaque chez les personnes traitées avec Mediator (R). Une étude ultérieure menée en 2009 par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) et faisant ressortir un surrisque d'hospitalisation et d'intervention chirurgicale pour valvulopathie chez les patients diabétiques traités avec le benfluorex est venue renforcer ces résultats. Aussi, au vu de l'ensemble de ces données l'AFSSAPS a-t-elle suspendu l'autorisation de mise sur le marché des trois spécialités contenant du benfluorex. Parallèlement, la CNAMTS, à la demande de l'AFSSAPS, a mené une étude complémentaire durant l'été 2010 sur les hospitalisations et les interventions chirurgicales pour valvulopathies ainsi que sur les décès survenus chez les patients qui avaient pris du benfluorex en 2006. Aussi, eu égard au nombre de décès estimés, présentés à l'issue de cette étude, le ministre du travail, de l'emploi et de la solidarité a-t-il confié à l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales (IGAS) une mission d'enquête et d'évaluation. Un premier rapport rendu en janvier 2011 s'est attaché à reconstituer la succession des événements et des choix concernant le retrait de ce médicament afin d'analyser les mécanismes de prise de décisions en prenant en compte les éléments issus de la pharmacovigilance, l'évolution des connaissances scientifiques, les décisions intervenues dans d'autres pays et les conditions d'utilisation de ce médicament compte tenu du cadre défini par l'autorisation de mise sur le marché. De surcroît, outre l'enquête judiciaire ouverte sur le dossier Médiator, plusieurs missions (deux missions parlementaires, une seconde mission de l'inspection générale des affaires sanitaires et sociales ainsi, que les différents groupes de travail constituant les « Assises du médicament », dont les rapports ont été rendus public en juin 2011) ont élaboré des propositions de réformes du système sanitaire des produits de santé. L'enjeu principal de rénovation du dispositif sanitaire réside essentiellement dans la réforme des processus d'évaluation, de décisions, de suivi, d'utilisation et de promotion des produits de santé, afin de garantir une sécurité optimale aux patients, avec pour objectif principal : restaurer la confiance. Dans ce cadre, un projet de loi relatif à la modernisation du système des produits de santé sera présenté en conseil des ministres du 1er août 2011, afin de le soumettre au Parlement dès l'automne prochain. Ce projet de loi s'appuie sur trois piliers. Le premier pilier repose sur la lutte contre les conflits d'intérêt et la transparence des décisions. Cela passe, d'une part, par un renforcement de l'effectivité du système de déclaration et de gestion des liens d'intérêts des experts, avec notamment la mise en place d'un Sunshine Act à la française (publication, sous la responsabilité de chaque industriel, de toutes les conventions et rétributions passées entre les laboratoires, les médecins, les experts, les sociétés savantes, les associations de patients et les organes de presse spécialisés, et si ces obligations de déclaration ne sont pas respectées, mise en place de sanctions), et, d'autre part, par l'organisation d'une procédure d'expertise transparente et collégiale. Ensuite, le deuxième pilier de cette réforme s'attache à ce que le doute doit systématiquement bénéficier au patient à chaque étape de la vie du médicament. Dans le cadre de l'AMM, l'octroi de celle-ci devrait désormais être conditionné à la présentation de données comparatives avec les médicaments de référence lorsqu'ils existent. Aussi, en attendant cette évolution au niveau européen, des règles plus exigeantes pour la prise en charge des traitements par la collectivité seront-elles mises en oeuvre. Les prescriptions hors AMM, bien qu'indispensables dans certains cas et devant rester des situations exceptionnelles, doivent être encadrées et leurs risques associés maîtrisés. De plus, les outils et méthodes de la pharmacovigilance doivent également être renforcés afin d'assurer un suivi proactif du médicament tout au long de sa vie. Par ailleurs, le champ des processus d'évaluation et de réévaluation des produits de santé sera élargi, notamment par le développement accru de la pharmacoépidémiologie, ainsi que par des sanctions effectives des industriels en cas de non-réalisation dans les délais prévus des études post-AMM demandées, ces sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de l'AMM. Dans le même sens, l'évaluation, la prise en charge et la matériovigilance des dispositifs médicaux seront également considérablement renforcées, notamment avec un contrôle a priori de la publicité de ces produits. Enfin, le troisième pilier de cette réforme vise à mieux informer les patients et professionnels de santé, ainsi qu'à renforcer la formation de ces derniers. Par ailleurs, concernant des mesures mises en place dans la prise en charge et le suivi des patients ayant consommé du benfluorex, dès novembre 2009, l'AFSSAPS a établi et diffusé sur son site Internet (www.afssaps.fr) des recommandations de suivi afin, d'une part, d'informer les patients ayant consommé du benfluorex de l'importance et de la nécessité de consulter leur médecin traitant afin qu'il recherche à l'interrogatoire et à l'examen clinique, tout symptôme ou signe évocateur d'une atteinte valvulaire et, d'autre part, d'informer les professionnels de santé sur les modalités de suivi et de prise en charge des patients. Aussi, l'AFSSAPS, par l'intermédiaire des caisses primaires d'assurance maladie, a également informé et invité les assurés concernés à consulter leur médecin traitant. S'agissant des professionnels de santé, une première vague de courriers à destination des médecins libéraux (généralistes, cardiologues, spécialistes du diabète) en date des 29 novembre et 1er décembre 2010 leur a rappelé que l'interrogatoire et l'auscultation cardiaque représentent un temps essentiel du dépistage d'une valvulopathie et qu'en cas de suspicion le patient devra être adressé en consultation spécialisée afin que soit éventuellement pratiquée une échocardiographie. En cas d'anomalie valvulaire, il appartiendra au médecin cardiologue de définir la surveillance du patient. Sur ce point, il peut être précisé que la Haute Autorité de santé (HAS) a également publié une fiche sur la prise en charge échocardiographique des personnes exposées au benfluorex, précisant notamment les signes échocardiographiques à rechercher et le suivi recommandé. Enfin, une étude va être menée par l'INSERM, relative au suivi du potentiel évolutif des fuites valvulaires aortiques et/ou mitrales de grade supérieur ou égal à un chez 1 000 patients exposés au benfluorex entre 2006 et 2009.
Auteur : M. Pierre Morel-A-L'Huissier
Type de question : Question écrite
Rubrique : Pharmacie et médicaments
Ministère interrogé : Travail, emploi et santé
Ministère répondant : Travail, emploi et santé
Dates :
Question publiée le 1er février 2011
Réponse publiée le 4 octobre 2011