DOM-ROM : Guadeloupe
Question de :
Mme Jeanny Marc
Guadeloupe (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 18 février 2009
CRISE EN GUADELOUPE
M. le président. La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Jeanny Marc. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, chers collègues, personnellement, depuis le 21 janvier j'ai participé, avec des collègues de tous bords, aux différentes négociations et aux échanges moins officiels pour essayer de maintenir le lien social dans notre pays, la Guadeloupe. (Bruits sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Chers collègues, merci d'écouter la question, je vous en prie.
Mme Jeanny Marc. J'espère que vous vous sentez concernés par les problèmes de la Guadeloupe ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse au Premier ministre, et à personne d'autre.
Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que l'outre-mer, et la Guadeloupe en particulier, traversent une crise sociale historique et que le désespoir et l'exaspération s'expriment aujourd'hui dans la rue.
Pourtant, les Guadeloupéens ont démontré au fil de ces quatre semaines leur détermination à se faire entendre de l'État, cet État français que vous représentez, monsieur le Premier ministre, et auquel l'outre-mer est si attaché.
La plate-forme de revendications, justes et fondées, portée par le mouvement LKP, est le reflet d'un malaise social. Elle est le reflet d'un désintérêt, ou de la désinvolture, d'un État qui, se fourvoyant dans le choix de son émissaire, a rompu le dialogue, a rompu la confiance.
Aveuglé par vos certitudes, sourd aux interpellations des élus de l'outre-mer (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR) et insensible à la détresse de sa population, vous avez fait preuve jusqu'à présent d'un autisme qui a pour résultat d'avoir fait exploser la paix sociale. Vous êtes responsable, aujourd'hui, de cette situation ; vous serez coupable, demain, de vos tergiversations. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Les clichés infantilisants sur l'outre-mer ne sont plus de mise. Les inégalités que nous dénonçons inlassablement ne sont plus acceptables. L'insoutenable dérive des prix a mis le feu aux poudres parce qu'au même titre que les Français de l'Hexagone, nous sommes confrontés aux problèmes d'un pouvoir d'achat en décalage avec la réalité économique.
Votre gouvernement a entamé la confiance des populations d'outre-mer en mettant à mal leur économie déjà fragilisée, en pratiquant une casse sociale brutale. La remise en cause de la défiscalisation, sans évaluation et sans consultation préalable des acteurs économiques des outre-mers, a conduit à une casse fiscale et atteste de l'éloignement du Gouvernement de la réalité des départements d'outre-mer.
Vous dites souvent que l'outre-mer coûte cher à l'État ; on annonce des chiffres de l'ordre de seize milliards d'euros par an. Mais combien coûte la solidarité nationale hors outre-mer ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Votre discours n'est pas juste car il entretient la frustration et l'injustice ; en d'autres termes, il fait le lit de la discrimination. (Protestations et huées sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
Mme Jeanny Marc. Le flou et les aberrations de votre projet électoral pour l'outre-mer avec la création de " Zones franches globales d'activités ", projet devenu en 2007 la LOPOM puis en 2008 la LODEOM, ont également entamé la confiance des entreprises locales. (Brouhaha continu sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vous en prie.
Mme Jeanny Marc. Aujourd'hui, les conséquences sont là : ce sont les départements d'outre-mer qui ont le plus fort taux de chômage.
M. le président. Merci de conclure, madame Marc.
Mme Jeanny Marc. Les pratiques de votre gouvernement ont ébranlé l'outre-mer sans que vous en mesuriez les conséquences. (Cris " La question ! " sur les bancs du groupe UMP et protestations qui couvrent la voix de l'oratrice. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le seul hic, c'est que la grogne et l'insatisfaction ne sont pas une spécificité ultramarine ; c'est l'ensemble des Français qui vous disent " trop, c'est trop ". (Protestations vives et prolongées sur les bancs du groupe UMP. - Mmes et MM les députés des groupes SRC et GDR se lèvent et applaudissent l'oratrice jusqu'à la fin de son intervention.)
Avec vous plus rien n'est possible !
M. le président. Je vous remercie, madame Marc.
Mme Jeanny Marc. Venue spécialement de la Guadeloupe pour vous poser une question, j'ai également des propositions pour sortir de la crise, que je remettrai au chef de l'Etat qui daigne enfin accepter de recevoir à Paris les élus de l'outre-mer, alors que les habitants sont dans la rue.
Monsieur le Premier ministre, devant l'extrême urgence de la situation, avez-vous l'intention et le courage de faire respecter l'engagement de l'Etat ? Avez-vous l'intention d'assumer courageusement les engagements pris par votre secrétaire d'Etat ?
M. le président. Madame la députée, vous avez utilisé le double de votre temps de parole, ce qui risque d'empêcher un autre collègue de poser sa question.
La parole est à M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Courage, fuyons !
M. Pascal Clément. Vous feriez mieux de rendre hommage au secrétaire d'État !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer. Madame la députée, le cri que vous poussez dans l'hémicycle, nous devons l'entendre, et sachez que l'émotion qui est la vôtre est celle que j'ai ressentie sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Bataille. Fuyard !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. Je voudrais vous dire, madame, ce que j'ai écrit ce matin : " Oui, nous avons besoin des outre-mers, oui c'est la chance de la France et c'est la chance de l'Europe. "
M. Jean-Paul Lecoq. Avec 25 % de chômeurs !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État. En effet les outre-mers sont au carrefour de la mondialisation ; ils sont une chance pour notre avenir maritime avec leurs douze millions de kilomètres carrés de zones économiques exclusives. L'outre-mer, c'est le réservoir écologique de la planète que nous devons préserver et mettre en valeur. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Alors que faut-il faire pour répondre au cri que vous lancez avec tant d'émotion, et qui est le cri que poussent nos compatriotes de Guadeloupe ? Il faut apporter des réponses de fond, il faut que nous y travaillions ensemble. Je crois que, après ces trente jours de crise, chacun en est conscient. Oui, il faut mettre des moyens financiers sur la table...
Mme George Pau-Langevin. Absolument !
M. Yves Jégo, secrétaire d'État.... mais chacun sait qu'ils ne sont pas infinis et que nous sommes dans une crise internationale.
Je vous rassure, madame, les engagements qui ont été pris en votre présence seront tenus de la meilleure manière pour soutenir l'économie. Face aux tensions, face aux difficultés, l'outre-mer mérite un débat de fond, dépassionné. A une crise collective, il faut apporter une réponse collective. Je vous rassure, madame Marc, le Gouvernement y travaille avec beaucoup d'ardeur et une grande envie de réussir. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Auteur : Mme Jeanny Marc
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Outre-mer
Ministère répondant : Outre-mer
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 février 2009