Question au Gouvernement n° 103 :
Tchad

13e Législature

Question de : M. Jean-Louis Bianco
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 31 octobre 2007

AFFAIRE DE "L'ARCHE DE ZOÉ"

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Louis Bianco. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre, et je souhaite qu'il veuille bien me répondre personnellement, comme il vient de le faire avec Mme Aurillac. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Lucien Degauchy. Prétentieux !
M. Jean-Louis Bianco. L'affaire dite des enfants de " L'Arche de Zoé " est une affaire grave, d'abord parce que le sort de 103 enfants est en cause. Selon le Haut commissariat aux réfugiés et la Croix-Rouge internationale, ces enfants seraient majoritairement tchadiens et le plus grand nombre d'entre eux, si ce n'est la totalité, ne seraient pas orphelins, ce qui donne à cette affaire un caractère illégal.
C'est aussi une affaire grave parce que seize personnes, dont trois journalistes, sont détenues. Parmi les neuf Français concernés se trouvent certainement des hommes et des femmes de bonne foi - je pense notamment au Dr Van Winkelberg, de Castellane, qui s'est rendu au Tchad sans connaître les dessous de l'opération.
Enfin, c'est une affaire grave dans la mesure où elle risque de mettre en péril l'opération de déploiement d'une force d'interposition au Darfour ainsi que les relations franco-tchadiennes.
Comme cela a été dit à plusieurs reprises, les responsables de l'association " L'Arche de Zoé " ont été reçus par le cabinet de Rama Yade ainsi que par celui de Bernard Kouchner, qui les ont mis en garde. Cependant, dès lors qu'il leur avait été dit que cette opération était illégale, monsieur le Premier ministre, il ne suffisait pas de les mettre en garde, il aurait fallu les empêcher d'entreprendre cette opération ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Lucien Degauchy. Mais oui, monsieur " Y'a qu'à, faut qu'on " !
M. Jean-Louis Bianco. Tout au contraire, le 21 août et le 9 septembre, l'armée française a transporté des membres de l'association ainsi que deux tonnes de matériel.
M. Guy Teissier. Et alors ?
M. Jean-Louis Bianco. La demande de transport a nécessairement dû s'effectuer auprès de l'ambassade. Des informations sur l'opération en cours circulaient d'ailleurs déjà parmi le personnel diplomatique ainsi que dans la communauté expatriée de N'Djamena. Pourquoi, dans ces conditions, n'avez-vous pas empêché cette opération ?
J'en viens à ma deuxième question.
M. le président. Je vous prie de la poser rapidement, monsieur Bianco. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le président, je vous saurais gré de me laisser poser ma question sans m'interrompre. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Prétentieux !
M. Jean-Louis Bianco. L'ambassadeur français a déclaré, de façon précipitée, que nos compatriotes devaient être jugés au Tchad, alors qu'il existe un accord de coopération judiciaire qui ne le prévoit pas. Au-delà des bonnes paroles et des intentions pieuses, monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous porter assistance à nos ressortissants ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme.
Mme Rama Yade, secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Monsieur le député, l'État français a été à la hauteur de la situation (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine) et le restera. Je suis fière de ce Gouvernement qui, dès les premières rumeurs, a préféré l'excès de prudence à l'incrédulité.
Une association a décidé d'ignorer toutes les lois et de passer outre les fermes condamnations formulées par le Gouvernement. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Paul Bacquet. Et les camions militaires ?
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Le ministère des affaires étrangères est allé jusqu'à engager deux procédures rarissimes à l'encontre d'une association : d'une part, dès le 9 juillet, une saisine du tribunal de grande instance de Paris ; d'autre part, la convocation du président de l'association, dont le projet a été unanimement condamné par l'ensemble de la communauté des ONG. À ceux qui voudraient défendre la liberté d'association et l'indépendance des ONG, j'ai envie de poser les questions suivantes.(Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Répondez déjà à celle qui a été posée !
M. Arnaud Montebourg. Répondez !
M. le président. Un peu de correction, monsieur Montebourg !
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Fallait-il emprisonner préventivement les responsables de l'Arche de Zoé ? Non, monsieur le député ! Fallait-il envoyer nos militaires à l'aéroport pour arrêter cette opération ? Non, monsieur le député ! L'Afrique de papa, c'est terminé ! Le Tchad est un État souverain, et la France respecte sa souveraineté.
M. Patrick Roy. Répondez à la question !
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Fallait-il, au mépris des règles, dissoudre l'association sur la seule foi de ses intentions déclarées ? Non, monsieur le député ! La France est un État démocratique, et il est tout à son honneur de s'être comportée comme tel.
M. Jean-Paul Bacquet. Et les avions militaires français ?
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Quelles étaient, en fait, les intentions de L'Arche de Zoé ? Cette association a annoncé une opération au Darfour - où je me suis moi-même rendue, pour aider financièrement les vraies ONG, qui, elles, travaillent à la protection des enfants sur place. Mais - première dissimulation - ce n'est pas au Darfour, mais au Tchad, que l'opération a eu lieu. Une fois au Tchad, l'association a eu recours à un nouveau subterfuge, échangeant son nom contre celui de Children Rescue, et prétendant vouloir créer un centre psychosocial. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. Mes chers collègues, vous serait-il possible d'écouter la réponse du Gouvernement à votre question avec un minimum de respect et de politesse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez la parole, madame la secrétaire d'État.
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Ne vous y trompez pas, monsieur le député : ce qui est en jeu, c'est aussi la responsabilité individuelle. À partir du moment où un responsable associatif décide délibérément, et de manière clandestine, d'agir en dehors des règles, il doit, le moment venu, assumer la responsabilité de ses actes. On ne peut pas, d'un côté, demander la liberté pour les associations, et en même temps, accepter que leurs membres n'assument pas leurs responsabilités. Les philosophes nous ont appris que la contrepartie de toute liberté est la responsabilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Paul Bacquet. Et les avions militaires ?
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Naturellement, la France sera tout de même aux côtés de ses ressortissants. Elle ne les abandonnera pas et fera valoir leurs droits point par point, en particulier en ce qui concerne les journalistes, qui sont au Tchad pour y faire leur métier.
Grâce au Premier ministre, la coordination gouvernementale est maximale. Le Président de la République et Bernard Kouchner se sont d'ores et déjà entretenus avec le Président tchadien et, dès que l'affaire a été connue, les médecins, infirmiers et diplomates se sont rendus auprès des Français.
M. le président. Veuillez conclure, madame la secrétaire d'État.
Mme la secrétaire d'État chargée des affaires étrangères et des droits de l'homme. Je vous propose également de recevoir dès demain, au quai d'Orsay, une délégation de parlementaires, tous partis confondus, afin de faire le point ensemble sur cette situation.
Sachez que, dans cette affaire, nous saurons rester fermes sur nos principes : humains avec nos ressortissants et les enfants, et dignes pour la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Louis Bianco

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères et droits de l'homme

Ministère répondant : Affaires étrangères et droits de l'homme

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 octobre 2007

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