OTAN
Question de :
Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 18 mars 2009
OTAN
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le ministre des affaires étrangères et européennes, depuis 1966, la France a quitté les structures militaires de l'OTAN tout en restant membre des instances politiques de l'Alliance Atlantique. La France est restée amie des Américains sans leur être subordonnée.
Cette position originale, confirmée par François Mitterrand en 1981, fait consensus dans notre pays depuis quarante-trois ans. Elle a permis de garantir la crédibilité de notre dissuasion nucléaire et de préserver notre autonomie de décision diplomatique et militaire. Elle ne nous a pas empêchés de participer à certaines opérations militaires de l'OTAN ni d'obtenir, au Kosovo, un droit de regard sur les frappes aériennes. Enfin et surtout, la France a joué un rôle, très utile, de pont entre l'Alliance et les pays non alignés, en Asie, en Afrique, dans le monde arabe.
La rupture que le Président Sarkozy veut imposer nous fera perdre la position originale et privilégiée qui est la nôtre et ne nous fera rien gagner, au contraire. Car vous n'avez exigé aucune réforme de l'OTAN, vous n'avez obtenu aucune garantie, aucune contrepartie.
La défense européenne, qui n'a fait aucun progrès réel ces dernières années, en sera encore plus fragilisée. Notre influence dans le monde sera diminuée.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Mais non !
Mme Élisabeth Guigou. Pire, nous courrons le risque d'être entraînés, malgré nous, dans des croisades occidentales qui alimentent le choc des civilisations. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Alors, monsieur le ministre, pourquoi, par cette rupture, briser un consensus qui est un atout pour notre pays, pourquoi banaliser la France, pourquoi compromettre l'avenir de la défense européenne...
M. Yves Nicolin. Baratin !
Mme Élisabeth Guigou.... pourquoi lâcher la proie pour l'ombre ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame Elisabeth Guigou, je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit au début.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Alors ?
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Mais je ne suis pas d'accord avec ce que vous avez dit ensuite. Oui, il y a eu un consensus de quarante ans qui, d'ailleurs, suivait un consensus de près de vingt ans. En 1966, le général de Gaulle posa un acte majeur dans un contexte très particulier, celui de la guerre froide, du stationnement, sur notre territoire, d'armées étrangères, et d'une riposte, intégrée, quasi automatique, face au Pacte de Varsovie.
Oui, le général de Gaulle a préservé à ce moment-là notre indépendance. Mais, le monde ayant changé, si nous avions conservé ce dispositif, c'est notre influence qui aurait diminué.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous n'y croyez pas !
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. J'y crois et je l'affirme, ce qui renforce ma croyance. Le monde a changé, le Pacte de Varsovie a été rompu.
Sur le Kosovo, vous n'avez pas tout à fait raison. Nous ne connaissions pas l'origine des plans, parce que nous n'étions pas dans le bureau intégré des plans militaires. Certes, cela ne nous a pas empêché de dire notre désaccord. Mais si nous avions participé au scénario, nous aurions eu l'occasion de le dire neuf mois avant. Voilà ce qui aurait changé !
Il faut un débat : nous allons l'avoir cet après-midi. Ne dites pas que nous avons diminué l'influence de la France. C'est une erreur. Depuis près de deux ans, nous avons entièrement suivi notre propre jugement. Et lorsqu'il fallait s'opposer à nos amis américains, nous l'avons fait.
M. Patrick Lemasle. Pas vous !
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères. Vingt-trois pays européens sont au sein de l'OTAN. Ils nous remercient de les rejoindre et d'être ainsi capables de prendre nos décisions non pas contre eux, mais avec eux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : Mme Élisabeth Guigou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Organisations internationales
Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mars 2009