immigration
Question de :
M. François Hollande
Corrèze (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 4 octobre 2007
TESTS ADN
M. le président. La parole est à M. François Hollande, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. François Hollande. Monsieur le Premier ministre, il y a des sujets...
M. Jacques Myard. Qui fâchent !
M. François Hollande. ...qui dépassent les clivages politiques ordinaires, parce qu'ils touchent à la conception de l'individu, à l'idée de la République et à l'image de la France. C'est pourquoi l'amendement proposant l'utilisation de tests ADN dans les procédures d'immigration a soulevé une émotion légitime et suscité une mobilisation qui va bien au-delà des rangs habituels de la gauche. En effet, il remet en cause trois principes.
Le premier concerne la définition même de la famille, qui, en droit français, n'est pas fondée sur la biologie, mais sur la reconnaissance. La remettre en cause au profit du lien du sang, fût-ce par un amendement, c'est, au-delà même de la question de l'immigration, porter atteinte à nos principes.
La seconde valeur...
M. Lucien Degauchy. Vous n'allez pas nous faire un cours de morale !
M. François Hollande. ...porte sur le rôle de la biologie dans la société française. Notre pays est le seul à avoir légiféré en matière de bioéthique. Dans ce domaine, nos lois prévoient que les tests ADN ne puissent être utilisés que dans deux cas : les procédures judiciaires et les recherches médicales. Vous ouvrez par conséquent une brèche dont les conséquences risquent d'être extrêmement graves.
Le troisième principe concerne le refus de toute discrimination. Pourquoi demanderait-on à un étranger de faire valider par un examen génétique le lien qu'il a avec sa famille, alors que, en tant que Français, nous refuserions, en cas d'expatriation, de nous soumettre à une telle procédure ? Il s'agit d'une discrimination fondée non seulement sur les gênes, mais sur le caractère français ou étranger de la personne.
C'est pourquoi cet amendement a soulevé une grande émotion au-delà même de la France. J'en veux pour preuve l'intervention du Président de la République du Sénégal ou, plus récemment, du président de la commission de l'UEOA
M. le président. Posez votre question, monsieur Hollande. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean-Louis Bianco. Un peu de respect pour l'opposition !
M. Maxime Gremetz. Rendez-nous Debré !
M. François Hollande. Je sais que, sous la pression, des corrections ont été apportées à l'amendement concerné. Mais, en définitive, soit elles le rendront impraticable - dans ces conditions, pourquoi le maintenir ? -, soit elles le limiteront à quelques cas, ce qui introduirait une discrimination encore plus grave.
Monsieur le Premier ministre, quand un amendement suscite tant d'émotion, la sagesse exige, même quand il est corrigé, de le retirer. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. - Applaudissement sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, la France est une nation d'intégration, ce qui signifie que celui qui vient en France adopte la France et que celle-ci l'adopte, en retour, comme l'un des siens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Henri Emmanuelli. Il n'a rien compris !
M. le Premier ministre. Il n'y a donc pas d'intégration sans valeurs communes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Et il n'y a donc pas d'immigration sans contrôle ni sans exigence. (Mêmes mouvements.) C'est la raison pour laquelle nous voulons passer d'une immigration subie à une immigration choisie, et nous entendons nous doter de tous les moyens permettant d'aboutir à ce résultat. (Mêmes mouvements).
Votre rapporteur, Thierry Mariani, a déposé un amendement proposant l'utilisation de tests ADN. Un débat approfondi a eu lieu à l'Assemblée nationale.
M. Michel Vergnier. Et au Sénat !
M. le Premier ministre. Celle-ci a adopté l'amendement par quatre-vingt-onze voix contre quarante-cinq. Le débat se poursuit en ce moment même au Sénat.
Certains sénateurs ont émis des interrogations.
M. Jean Glavany. Même Pasqua !
M. le Premier ministre. D'autres ont fait des propositions.
M. Bruno Le Roux. Dites que vous refusez l'amendement, monsieur le Premier ministre !
M. le Premier ministre. Telle est la logique de nos institutions. De grâce, évitons sur le fond les polémiques et les caricatures. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Personne ne propose de mettre en place je ne sais quel fichage génétique ni de porter atteinte aux lois de bioéthique.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Mais si !
M. le Premier ministre. Il s'agit seulement de donner aux demandeurs d'un titre de séjour qui ne parviennent pas à prouver leur filiation, faute de documents d'état civil, un moyen de le faire. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Douze pays démocratiques utilisent ce type de tests pour permettre aux demandeurs de visa de prouver leur filiation.
M. Bruno Le Roux. C'est faux !
M. Frédéric Cuvillier. C'est inadmissible !
M. le Premier ministre. Je ne prétends pas qu'il faille procéder à l'identique, mais je pense que rien ne justifie de rejeter d'emblée un système mis en pratique par les travaillistes britanniques (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), les socialistes espagnols, la gauche italienne et la coalition démocrate-chrétienne et social-démocrate allemande. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Jean Glavany. Et la spécificité française ?
M. le Premier ministre. Il s'agit en réalité de donner un droit nouveau aux étrangers de bonne foi (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine), dans un cadre offrant toutes les garanties de respect des principes de notre droit.
Ce texte suscite non seulement des passions, mais aussi des interrogations, que le Gouvernement a voulu entendre. La rédaction initiale continue d'être amendée afin que les garanties de procédure soient renforcées. Le débat se déroule en ce moment même au Sénat et le Gouvernement en tirera toutes les conséquences.
M. Bruno Le Roux. Quel est votre avis, monsieur le Premier ministre ? Prononcez-vous !
M. le Premier ministre. Mais sachez, monsieur Hollande, que le Gouvernement est décidé, en tout état de cause, à utiliser les techniques modernes de biométrie au service d'une politique maîtrisée de l'immigration. Agir autrement relèverait de la naïveté ou de l'inconséquence. Ce serait donc contraire à l'intérêt général. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Bruno Le Roux. Qu'en pense Fadela Amara ?
Auteur : M. François Hollande
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Étrangers
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 octobre 2007