La Poste
Question de :
M. François Brottes
Isère (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 7 octobre 2009
VOTATION CITOYENNE SUR LA POSTE
M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. François Brottes. Monsieur le Premier ministre, la consultation citoyenne concernant la privatisation annoncée de La Poste a été un immense succès de mobilisation populaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Pourtant, il en aura fallu du courage aux maires, pour résister aux pressions des préfets, aux assignations devant les tribunaux - j'imagine sur ordre du Gouvernement. Sachez, monsieur le Premier ministre, que cette forme de délit d'entrave - j'ose prononcer le terme - de la part de l'État a choqué beaucoup de Français, même parmi ceux qui soutiennent votre Gouvernement.
Tout faire pour éviter de donner la parole au peuple ! Sachez que le mépris, la terreur ou l'intimidation n'arrêtent jamais le combat pour une cause juste et bien comprise ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Cette cause aura rassemblé une soixantaine d'organisations politiques, syndicales et associatives qui n'ont pas ménagé leur peine pour expliquer et mobiliser.
La Poste, c'est peut-être le dernier service public qui vient chez vous tous les jours, auquel vous pouvez toujours vous adresser, quelle que soit votre condition sociale.
Changer son statut, c'est irrémédiablement changer sa nature et trahir ses missions. Les précédents ne manquent pas : Gaz de France a ainsi été privatisé récemment, alors que Nicolas Sarkozy promettait de ne jamais le faire.
Vous savez pertinemment, monsieur le Premier ministre, que ce changement de statut n'est pas imposé par qui que ce soit, que La Poste peut continuer son développement en restant un établissement public.
Vous contestez les résultats de la consultation, vous tournez en dérision l'attachement des Français aux services publics. Jamais dans vos engagements électoraux vous n'avez évoqué la privatisation de La Poste ! Alors oui, il faut consulter les Français dans la clarté.
Le groupe socialiste, dès le 15 octobre prochain, prendra ici une nouvelle initiative pour autoriser officiellement un référendum à ce sujet.
La question est simple : votre gouvernement entend-t-il, dans nos villes et nos campagnes, une colère républicaine franche, le refus du rouleau compresseur et de l'arrogance ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Vous avez par deux fois déjà reculé l'échéance. Quelle va être votre attitude en réponse à la mobilisation citoyenne contre la privatisation de La Poste ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, monsieur François Brottes, qui parle de privatisation ? (" Nous ! " sur les bancs des groupes SRC et GDR.) La gauche ! Et pourquoi la gauche parle-t-elle de privatisation ? Parce qu'elle a une grande expérience en la matière ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
En effet, il faut que les Français se souviennent que c'est la gauche qui, en 1997, a ouvert le capital de France Télécom, une première fois à hauteur de 21 %, et une deuxième fois, un an plus tard, à hauteur de 13 % ! (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe UMP.)
C'est la gauche qui a ouvert le capital de Thomson, du Gan, du CIC, de la CNP, d'Eramet, d'Air France, du Crédit Lyonnais, de l'Aérospatiale et, pour finir, des Autoroutes du sud de la France. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Brottes. Ce ne sont pas des services publics !
M. François Fillon, Premier ministre. Alors, vous avez beaucoup à vous faire pardonner, mais ce n'est pas une raison pour travestir la vérité et pour refuser d'accompagner un grand service public dans sa modernisation.
Privatiser, c'est vendre une partie du bien public. Avec le changement de statut, ce que le Gouvernement propose au Parlement, c'est d'apporter 2,7 milliards d'euros de fonds publics à La Poste, afin qu'elle puisse se moderniser et faire face aux changements de notre économie (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Tout le monde sait que l'activité de courrier diminue et qu'elle ne va cesser de décroître, parce qu'elle est remplacée par le courrier électronique. En même temps, tout le monde sait que le développement de l'internet va provoquer une croissance exponentielle de l'activité de messagerie.
Si l'on ne fait rien pour La Poste - ce que vous proposez-, celle-ci va voir son coeur de métier disparaître...
M. Christian Eckert. N'importe quoi !
M. François Fillon, Premier ministre. ...et ce seront des étrangères - par exemple la poste allemande - qui viendront sur le territoire français distribuer les colis commandés par les Français via internet.
Eh bien, nous ne voulons pas de cela ! Nous voulons que La Poste soit un grand service public stratégique,...
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. ...qu'elle soit présente sur l'ensemble du territoire. Pour cela, La Poste a besoin de fonds publics, afin d'investir dans une nouvelle chaîne de logistique, dans des TGV, des avions, de nouveaux centres de tri.
M. Roland Muzeau. Elle n'a pas besoin de changer de statut pour cela !
M. François Fillon, Premier ministre. Le débat a eu lieu à l'intérieur de l'entreprise. La commission à laquelle vous avez participé, monsieur Brottes, et qui était présidée par M. Ailleret, a démontré qu'il était nécessaire de changer le statut de La Poste, de la faire évoluer et de lui donner les moyens d'investir.
Eh bien, maintenant, la parole va être aux représentants du peuple,...
M. Christian Bataille. Le peuple s'est exprimé !
M. François Fillon, Premier ministre. ...puisque le projet de loi du Gouvernement sera examiné par le Sénat au début du mois de novembre, et par l'Assemblée nationale en décembre. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Auteur : M. François Brottes
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Postes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 7 octobre 2009