politique fiscale
Question de :
M. Jérôme Cahuzac
Lot-et-Garonne (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 7 avril 2010
BOUCLIER FISCAL
M. le président. La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)M. Jérôme Cahuzac. Ma question s'adresse à François Baroin ; elle est relative au bouclier fiscal.
M. Richard Mallié. À quoi sert une question sur ce sujet ?
M. Jérôme Cahuzac. Monsieur le ministre, ce dispositif fait aujourd'hui l'objet dans l'opinion d'une incompréhension massive, pour ne pas dire d'une hostilité certaine. Des voix fortes s'élèvent, y compris parmi vos amis politiques, pour en demander la suppression.
M. Patrick Roy. Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac. Lors de sa campagne électorale, en 2007, le Président de la République avait déclaré qu'il ne voulait pas que les Français travaillent plus d'un jour sur deux pour l'État. La justification du bouclier fiscal tient toute entière dans cette promesse.
Or nous savons que ce bouclier ne profite qu'à moins de 0,01 % de nos concitoyens. (Approbation sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) La promesse du Président de la République ne s'adressait donc pas aux Français, mais à une infime minorité de nos concitoyens, à laquelle près de 550 millions d'euros sont consacrés chaque année.
Pendant cette même campagne, le Président de la République avait également promis qu'il baisserait les impôts, et il répète sans cesse qu'il n'a pas été élu pour les augmenter. Le problème, monsieur le ministre, c'est qu'aujourd'hui, entre taxes nouvelles et déremboursements, les Français paient 5 milliards d'euros d'impôts de plus qu'en 2007. (Approbation sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les seuls dont les impôts ont baissé sont justement les bénéficiaires du bouclier fiscal, qui paient plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de milliers d'euros de moins ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le ministre, le Président de la République avait promis de réhabiliter la valeur travail. Or le bouclier fiscal protège non le travail, mais la rente. En maintenant le bouclier fiscal et en protégeant la rente, vous vous obligez donc à taxer le travail.
Enfin, on prétendait que le bouclier fiscal permettrait le retour des émigrés fiscaux. Or les seuls qui sont revenus l'ont fait parce qu'ils ont été licenciés par les banques londoniennes à cause de la crise. Monsieur le ministre, combien d'émigrés fiscaux sont véritablement revenus ?
Je le répète, des voix fortes s'élèvent au sein de votre majorité. Monsieur le ministre, ferez-vous le même choix que trois anciens premiers ministres librement choisis par Jacques Chirac ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Michel Ménard. Et Johnny, il revient ?
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État. Monsieur le président Cahuzac, c'est avec un grand bonheur que, répondant à votre invitation, je viendrai tout à l'heure devant la commission des finances au nom du Gouvernement.
M. Patrick Lemasle. N'exagérons pas ce bonheur !
M. François Baroin, ministre du budget. Le Gouvernement est à la disposition du Parlement. Nous évoquerons alors tous ces sujets.
Il est faux de dire que l'idée du bouclier est d'invention récente. Je le disais la semaine dernière en répondant à M. Hollande, et je le répète bien volontiers devant vous : c'est un gouvernement socialiste qui a acté le principe selon lequel, en France, l'impôt ne saurait être spoliateur. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Lemasle. Ce n'est pas vrai !
M. François Baroin, ministre du budget. Il s'agissait du gouvernement de Michel Rocard, avec lequel j'ai du reste déjeuné tout à l'heure, et qui était très fier de cette décision. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. - Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Le bouclier fiscal s'est ensuite développé, atteignant un plafond de 60 % sous la présidence de Jacques Chirac. Sous celle de Nicolas Sarkozy, la majorité s'est engagée à l'appliquer à 50 % des revenus. En ce qui me concerne, je ne m'éloigne pas de cet engagement majoritaire. En voici la raison : la France est malade de son instabilité fiscale. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Roland Muzeau. Elle est malade de l'UMP !
M. Patrick Lemasle. Elle est malade de son Président !
M. François Baroin, ministre du budget. Afin d'être compétitifs d'un point de vue économique et de présenter avantageusement nos dispositifs fiscaux, nous devons inscrire ces derniers dans la durée. C'est cet esprit qui doit animer le débat sur le bouclier fiscal.
Vous avez raison et il faut être honnête, monsieur Cahuzac : plus de 50 % des bénéficiaires du bouclier fiscal ne paient pas l'ISF ; moins de 50 % l'acquittent.
M. Maxime Gremetz. Ah !
M. Roland Muzeau. Mais ils ont gagné plus de vingt années de SMIC !
M. François Baroin, ministre du budget. Certes, ils bénéficient des retombées du bouclier à hauteur de plus de 500 millions d'euros ; mais ils paient à la société près d'un milliard d'euros d'impôts. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Plusieurs députés SRC agitent leur mouchoir.) Ils participent donc à l'effort constitutif du financement de nos politiques publiques.
Voilà pourquoi la stabilité fiscale, le maintien de l'esprit du bouclier et le message que nous adressons doivent être analysés à l'échelle du quinquennat, et non pour pousser son avantage au lendemain d'une victoire aux élections régionales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. Jérôme Cahuzac
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôts et taxes
Ministère interrogé : Budget, comptes publics et réforme de l'État
Ministère répondant : Budget, comptes publics et réforme de l'État
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 7 avril 2010