Constitution
Question de :
M. Dominique Perben
Rhône (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 29 avril 2010
CONTRÔLE DE CONSTITUTIONNALITÉ PAR LE CITOYEN
M. le président. La parole est à M. Dominique Perben, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Dominique Perben. Madame la garde des sceaux, lors de la récente réforme de la Constitution, nous avons souhaité, les uns et les autres, donner de nouveaux droits à nos concitoyens et, en particulier, leur permettre de soulever, à l'occasion de toute affaire devant un tribunal, une question prioritaire de constitutionnalité. Il s'agit ainsi de donner à chaque citoyen la possibilité de faire vérifier par le Conseil constitutionnel la conformité d'une loi à la Constitution.
Cette réforme est aujourd'hui applicable. Or le 16 avril dernier, la Cour de cassation a rendu un arrêt surprenant, transmettant à la Cour de justice de l'Union européenne un cas dont elle était saisie pour faire vérifier la compatibilité de notre dispositif constitutionnel et législatif avec le droit communautaire. Chacun se souvient pourtant que la nouvelle question préalable de constitutionnalité n'entame en rien le droit et le devoir des juridictions de veiller au respect du droit communautaire.
M. Jean-Pierre Soisson. Très juste !
M. Dominique Perben. Lors de nos débats, tous les orateurs, sur tous les bancs, l'avaient souligné. Dès lors comment interpréter un tel arrêt ?
La Cour de cassation met en cause une réforme constitutionnelle...
M. Jean-Pierre Soisson. Bravo !
M. Dominique Perben. ...qui a créé un droit nouveau pour nos concitoyens en laissant penser à la Cour de justice de l'Union que ladite réforme serait contraire au droit communautaire, ce qui, à l'évidence, est inexact.
M. Guy Geoffroy. Tout à fait !
M. Dominique Perben. Cette affaire pose la question de savoir si les juges peuvent s'arroger le droit de faire obstacle à la volonté du législateur. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Cette décision de la Cour de cassation pose le problème de la séparation des pouvoirs et soulève une grave question constitutionnelle.
Madame la garde des sceaux, comment envisagez-vous les suites de cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Perben, vous le savez pour avoir exercé ces fonctions, le ministre de la justice n'a pas le pouvoir de commenter un arrêt de la Cour de cassation.
M. Roland Muzeau. Mais ?...
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Cela ne m'empêchera pas de rappeler quelques réalités.
La première de ces réalités, c'est que la question de constitutionnalité ouvre un droit nouveau et considérable à nos concitoyens. Tout Français devant une juridiction a la possibilité de lui demander qu'une loi qui ne serait pas conforme aux garanties et aux libertés prévues par la Constitution non seulement ne soit pas applicable à son cas, mais même soit abrogée.
M. Maxime Gremetz. On le sait déjà !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La deuxième réalité, c'est que si les juridictions judiciaires et administratives sont les seuls juges du fond, lorsqu'une question de constitutionnalité apparemment sérieuse et nouvelle est soulevée, la Cour de cassation ou le Conseil d'État doivent la transmettre au Conseil constitutionnel. Le Conseil d'État l'a déjà fait à cinq reprises.
La troisième réalité, c'est que ces nouvelles dispositions ne font pas du tout obstacle à l'application du droit communautaire, conformément à la volonté du législateur. Il est clair que le législateur souverain a voulu clairement rendre prioritaire l'examen par le Conseil constitutionnel.
Plusieurs députés du groupe SRC. Deux minutes !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. L'arrêt de la Cour de cassation ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la question de constitutionnalité.
M. Jean Mallot. Nous non plus !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. La loi constitutionnelle est et sera respectée, monsieur le député. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le président. Mes chers collègues, l'importance de la réponse de Mme la garde des sceaux sur un sujet touchant à la primauté de notre Constitution justifiait que je lui accorde quelques secondes supplémentaires.
Auteur : M. Dominique Perben
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)
Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 29 avril 2010