DOM-ROM : Guyane
Question de :
Mme Christiane Taubira
Guyane (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 29 avril 2010
SCHÉMA MINIER EN GUYANE
M. le président. La parole est à Mme Christiane Taubira, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Christiane Taubira. Ma question concerne le schéma minier en Guyane, seul territoire aurifère de la République. Je l'adresse à M. le Premier ministre, car la mise en oeuvre de ce schéma nécessitera des arbitrages interministériels entre le ministère de l'industrie, qui a plutôt la culture de l'exploitation des ressources partout où elles existent, celui de l'environnement et du développement durable, qui devrait se préoccuper des écosystèmes fragiles, celui des finances, qui sera inévitablement sollicité pour des exonérations fiscales, celui des affaires sociales, qui, face aux indicateurs économiques et sociaux désastreux, notamment le taux de chômage, poussera certainement à l'exploitation, et le ministère de l'outre-mer, enfin, qui fera mine d'avoir tout compris avant les autres. (Sourires.)
Le schéma minier, élaboré par un préfet dépêché par le Président de la République l'an dernier, fera l'objet à partir de demain d'une enquête publique. Il laisse en suspens les questions importantes que le Gouvernement a refusé de trancher lors du Grenelle 1, et qui se poseront de nouveau avec l'examen du Grenelle 2.
Une telle méthode ne permet pas de saisir la stratégie du Gouvernement en matière d'exploitation minière, l'État étant propriétaire, en Guyane, de la totalité du sous-sol et de 90 % du sol. Afin d'y voir plus clair, j'aimerais savoir si vous comptez procéder à l'inventaire des autres ressources naturelles, comme le préconise le schéma, et, si oui, avec quel budget et selon quel calendrier, sachant que l'inventaire du BRGM, le Bureau de recherches géologiques et minières, a duré presque vingt-cinq ans.
Comment seront articulés le schéma d'aménagement régional et le schéma minier, sachant que la hiérarchie des normes n'est pas claire et que cette question détermine le fait de savoir qui, de l'État ou de la région, donnera l'impulsion économique ?
Selon quels principes traiterez-vous les conflits d'usage au sein des territoires entre l'exploitation minière d'une part, les lieux, les modes de vie, les servitudes sur l'eau et les inventaires naturalistes, de l'autre ? Le code minier n'apporte pas de réponses suffisantes, compte tenu des dérogations substantielles déjà accordées.
Enfin, quelles garanties apporterez-vous sur les mesures compensatoires d'intérêt général et sur la prise en compte de l'avis des habitants qui résident dans des zones directement exposées à l'exploitation minière, mais n'ont pas la culture de l'enquête publique ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.
Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie. L'élaboration du schéma minier a été décidée, madame Taubira, après la décision du Président de la République d'interdire l'exploitation d'une mine d'or dans la montagne de Kaw, au motif que celle-ci est un réservoir de biodiversité exceptionnel. À l'époque, les acteurs locaux nous avaient dit que de tels motifs environnementaux ne justifiaient pas que l'on mette l'ensemble du territoire guyanais, en effet exceptionnel de ce point de vue, sous cloche ; d'où l'idée de ce schéma destiné à définir, pour les ressources minières, les zones d'exploitation autorisées, sachant que les zones interdites ne le sont pas toujours pour des motifs seulement environnementaux.
Comme vous l'avez rappelé, le schéma sera soumis à la consultation publique pendant deux mois, ainsi qu'à une concertation avec les collectivités, puis avec les chambres consulaires. Nous espérons donc qu'il sera définitivement arrêté, par un décret en Conseil d'État, avant la fin de l'année.
Reste que ce schéma ne règle pas tout. Je pense par exemple aux ressources minières en mer, pour lesquelles nos connaissances sont aujourd'hui insuffisantes ; il s'agira donc d'une deuxième étape.
Par ailleurs, nous répétons souvent que la biodiversité est une source de développement, mais il nous faut encore le prouver pour la Guyane car le schéma ne règle pas cette question ; aussi souhaitons-nous relancer une nouvelle mission sur le sujet, puisque la première n'avait pas été concluante.
Troisième point : nous ne réussirons à développer l'orpaillage légal qu'en luttant contre l'orpaillage illégal. Tel est le but de l'opération Harpie, plan de lutte permanent décidé par le Président de la République qui mobilise sur le terrain, sous l'autorité de Brice Hortefeux, plus de 950 militaires et gendarmes.
Beaucoup de questions restent donc posées, mais nous sommes ouverts au dialogue pour le développement par la biodiversité.
Auteur : Mme Christiane Taubira
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Écologie
Ministère répondant : Écologie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 29 avril 2010