déficits publics
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 12 mai 2010
SITUATION ÉCONOMIQUE
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Marc Ayrault. Vendredi dernier, monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé un plan de rigueur sans précédent. L'expression n'est pas de moi, elle est du président du groupe UMP, Jean-François Copé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Michel Herbillon. Il n'a jamais dit ça !
M. Jean-Marc Ayrault. Vous entendez trouver 100 milliards sur trois ans pour réduire la dette de la France, qui représentera près de 100 % du PIB en 2013.
M. Richard Mallié. Arrêtez de vous auto-persuader !
M. Jean-Marc Ayrault. La vérité, c'est que la crise grecque n'y est pas pour grand-chose. Si vous en êtes réduit à imposer un plan de rigueur aux Français, c'est justement parce que le Gouvernement n'a pas été très rigoureux et que sa politique fiscale a vidé les caisses au profit d'une poignée de privilégiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La dette, c'est une mauvaise manière faite aux générations futures et, de ce point de vue, la situation catastrophique de nos finances publiques exige une réponse sérieuse.
M. Michel Herbillon. Elle ne viendra pas de vous !
M. Jean-Marc Ayrault. La question est de savoir sur qui vous comptez faire porter l'effort. Pour ne pas compromettre la sortie de crise, avant de demander aux Français de se serrer la ceinture, vous devez examiner toutes les autres recettes que nous pouvons mobiliser. Votre plan d'austérité ne doit pas étouffer la croissance, accroître les inégalités et conduire à une hausse du chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question est donc très claire : accepterez-vous enfin de supprimer le bouclier fiscal ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Accepterez-vous enfin de revenir sur l'essentiel du paquet fiscal, qui pèse si lourd sur nos finances publiques ? Accepterez-vous de raboter vraiment les niches fiscales au-delà de 2,5 milliards par an alors qu'elles coûtent 75 milliards au budget de l'État ?
Monsieur le Premier ministre, accepterez-vous de ne pas sacrifier la croissance et la justice sociale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur Ayrault, j'aurais aimé que vous commenciez votre question en vous félicitant du rôle de la France dans l'articulation d'une solution à la crise européenne (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC), mais vous êtes, sur ce sujet, dans la caricature permanente.
M. Christian Paul. On jugera aux résultats !
M. François Fillon, Premier ministre. Il y a quelques jours, vous avez indiqué que vous souteniez le plan d'austérité mis en oeuvre par le Premier ministre grec. Vous soutenez, j'imagine, celui du Premier ministre socialiste portugais, sans doute aussi celui du Président du gouvernement socialiste espagnol, mais, dès qu'il s'agit de la France, c'est la facilité et la démagogie. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Au moment où le monde entier a les yeux rivés sur la zone euro et sur notre capacité à conduire une politique responsable, la première secrétaire du parti socialiste, sortant de mon bureau ce matin, a déclaré qu'il fallait mettre en oeuvre une nouvelle politique d'emplois jeunes et distribuer 200 euros à 16 millions de ménages en atténuation de la TVA au motif qu'il fallait relancer la consommation. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Le parti socialiste est absolument inguérissable !
Il y a quelques mois, pour faire face à la crise financière, il nous avait déjà proposé de baisser massivement la TVA : il fallait que nous nous inspirions de la politique de Gordon Brown, dont on a vu les résultats économiques sur le pouvoir d'achat des Britanniques. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Non, monsieur Ayrault, nous n'emprunterons pas le chemin que vous avez suivi avec le tournant de la rigueur en 1983. Nous n'augmenterons pas massivement les impôts. Nous ne bloquerons pas les salaires et les prix pour provoquer une baisse massive du pouvoir d'achat des Français.
Nous allons continuer et amplifier une politique économique qui nous donne aujourd'hui les meilleures prévisions de l'ensemble de la zone euro. Nous allons la poursuivre en soutenant les investissements d'avenir, comme je l'ai fait la semaine dernière en débloquant les sept premiers milliards destinés à soutenir la croissance. Nous allons le faire en continuant à soutenir les politiques de l'emploi, comme le Président de la République l'a annoncé hier devant l'ensemble des partenaires sociaux. Nous allons continuer à soutenir une politique de compétitivité avec la suppression de la taxe professionnelle (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC) et la diminution d'un certain nombre de contraintes qui pesaient sur nos entreprises.
Oui, nous allons mettre en oeuvre une politique de réduction des déficits, parce que nous nous y sommes engagés,...
M. Jean Glavany. Vous n'avez cessé de les aggraver !
M. François Fillon, Premier ministre. ...parce que c'est la crédibilité de l'euro qui est en cause, ainsi que notre indépendance nationale.
M. Henri Emmanuelli. Supprimez le bouclier !
M. François Fillon, Premier ministre. J'ai signé ce matin les lettres de cadrage à l'ensemble des membres du Gouvernement : elles comportent les mesures que j'ai annoncées jeudi dernier. Nous allons geler les dépenses publiques pendant trois ans, parce que leur niveau est l'un des plus élevés dans le monde. Nous allons continuer à réduire le nombre des emplois publics.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Et le bouclier fiscal ?
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons aussi réduire de 5 milliards les niches fiscales en deux ans, et je suis sûr que vous aurez à coeur de nous y aider.
M. Henri Emmanuelli. Et le bouclier ?
M. François Fillon, Premier ministre. Telle est, mesdames, messieurs, la politique que nous allons conduire. Franchement, j'attendais autre chose du parti socialiste, mais il est vrai que, comme vient de le déclarer Jack Lang, son programme est pâle, décevant et tristounet. (Mesdames et messieurs les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent vivement.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Finances publiques
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 mai 2010