réforme
Question de :
M. Jean-Louis Bianco
Alpes-de-Haute-Provence (1re circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 20 mai 2010
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Louis Bianco. Monsieur le Premier ministre, ma question porte sur la réforme des retraites. C'est, à l'évidence, un sujet important et un sujet difficile, et je souhaiterais, monsieur le Premier ministre, qu'il soit abordé, ici, en respectant l'opposition, non en méprisant ses propositions ou en y répondant par l'insulte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Je n'énonce qu'un fait !
Quel est le but à atteindre ? Il s'agit de mettre en place une réforme juste, efficace, durable et négociée, avec trois objectifs.
Le premier est de conforter le niveau des pensions, en faisant un effort prioritaire pour la revalorisation des petites retraites et des retraites des femmes.
Le deuxième est de faire une réforme juste, c'est-à-dire une réforme qui mette à contribution tous les revenus, y compris le capital, et qui les mette vraiment à contribution, non à doses homéopathiques. Cela passe par le maintien de l'âge légal de la retraite à soixante ans, car c'est une garantie pour ceux qui ont atteint le nombre d'annuités requis et c'est une protection pour les salariés usés par le travail et qui souhaitent partir.
Le troisième est de permettre, dans le cadre de garanties collectives, davantage de choix individuels.
Quel sera le besoin de financement ? Le Conseil d'orientation des retraites prévoit un déficit de 45 milliards d'euros en 2025. Si nous étions capables d'une croissance un peu plus forte à partir de 2012, un demi-point de croissance supplémentaire permettrait de régler la moitié du problème.
Même sans cela, nous formulons des propositions : la mise à contribution des revenus du capital à hauteur de 19 milliards d'euros ;...
M. Patrick Roy. Très bien !
M. Jean-Louis Bianco. ...une augmentation modérée et étalée dans le temps des cotisations patronales et salariales à partir de 2012 ;...
M. Patrick Roy. Très bien !
M. Jean-Louis Bianco. ...l'abondement du fonds de réserve des retraites, auquel serait affecté un prélèvement sur les banques. (" Très bien ! " et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Bien entendu, il faut aussi des mesures enfin efficaces en faveur de l'emploi des seniors et une majoration des annuités ouvrant droit à la retraite pour le travail pénible.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous vraiment discuter sérieusement ces propositions ou préférez-vous, comme d'habitude, traiter l'opposition par le mépris ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Je vous remercie, monsieur Bianco, de me permettre de commenter ici, immédiatement, le projet du parti socialiste concernant la réforme des retraites.
M. Marcel Rogemont. Et le projet du Gouvernement ?
M. François Fillon, Premier ministre. Ce projet comporte tout d'abord deux bonnes nouvelles.
La première est que le Parti socialiste valide enfin le principe de l'allongement de la durée de cotisation décidé en 2003. Après nous avoir expliqué qu'il fallait revenir à 37,5 annuités, après s'être engagé à revenir sur la réforme s'il revenait au pouvoir, aujourd'hui, le Parti socialiste reconnaît qu'il était nécessaire d'allonger la durée de cotisation, puisqu'il ne propose plus de revenir dessus.
La seconde bonne nouvelle est que le Parti socialiste s'appuie sur les chiffres du Conseil d'orientation des retraites, même s'il ne prend que la meilleure des trois hypothèses envisagées par le COR.
M. Marcel Rogemont. Il prend l'hypothèse moyenne !
M. François Fillon, Premier ministre. Non, la meilleur hypothèse, pas l'hypothèse moyenne !
C'est une bonne nouvelle parce que l'on nous expliquait, il y a quinze jours, que le rapport du COR était bien trop alarmiste et qu'il était destiné à dramatiser la situation pour permettre de demander de nouveaux sacrifices.
Un député du groupe SRC. C'est vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. Pour le reste, mesdames et messieurs les députés, la vérité, c'est que, comme vous continuez de refuser d'accepter le principe d'un allongement de la durée de travail proportionnel à l'allongement de la durée de la vie, allongement suggéré par le COR et choisi par tous les autres pays européens,...
M. Christian Paul. Pas tous !
M. François Fillon, Premier ministre. ...vous en êtes réduits à proposer toute une série d'expédients pour tenter de proposer un sauvetage de notre système des retraites. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous proposez tout d'abord une avalanche d'impôts nouveaux, en particulier des impôts nouveaux pesant sur les classes moyennes. (" Hou ! " sur les bancs du groupe UMP.) Ce sont, en premier lieu, trois milliards d'euros - je cite vos chiffres - de prélèvements sur l'intéressement et la participation ; l'intéressement concerne un tiers des salariés français, la participation 44 % d'entre eux. Vous proposez une augmentation de la CSG sur les produits du capital ; c'est un nouvel impôt sur les classes moyennes et les vingt millions de contrats d'assurance-vie souscrits dans notre pays. (" Hou ! " sur les bancs du groupe UMP.) Comme si cela ne vous suffisait pas, il vous faut aussi inventer des recettes virtuelles. Par exemple, vous prenez deux milliards d'euros sur les stock-options et les bonus - deux milliards d'euros, mesdames et messieurs les députés, sur une assiette de 2,7 milliards d'euros, soit une imposition au taux de 70 %.
M. Jean-Louis Bianco. Mais non !
M. François Fillon, Premier ministre. Autant dire que vous percevrez cette recette une fois, une année, et pas deux !
Vous proposez ensuite, vous venez de le dire, de relever de 15 % l'impôt sur les sociétés sur les banques, et vous dites que cela rapportera trois milliards d'euros. Vous vous êtes juste trompés d'un zéro : cela rapporte 300 millions d'euros !
M. Alain Gest. Exactement !
M. François Fillon, Premier ministre. Pour obtenir un produit de trois milliards d'euros, le taux de l'impôt sur les sociétés sur les banques devrait être porté à 66 %. Inutile de vous dire les conséquences que cela aurait sur les taux d'intérêt des emprunts des particuliers et des entreprises !
Le sommet est atteint avec les dix milliards d'euros que vous espérez trouver grâce à la notion de retraite à la carte. Vous nous dites : " en augmentant de cinq à huit points la surcote, nous allons convaincre un grand nombre de Français de travailler plus longtemps ", ce qui montre, au passage, que vous n'êtes pas si attachés que cela à la retraite à soixante ans. La seule chose que vous refusez de calculer, c'est que les cotisations supplémentaires que vous percevrez grâce à l'allongement de la durée du travail, vous allez les perdre avec l'augmentation de 8 % des pensions induite par la surcote.
M. Maurice Leroy. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. Cette proposition ne fait donc pas gagner un euro !
Voilà la réalité ! La réalité, c'est que, après avoir proposé, la semaine dernière, un chèque de 200 euros pour 16 millions de ménages, après avoir proposé de revenir à la politique des emplois subventionnés, vous continuez sur la voie du déni de réalité et de la démagogie.
Je suis convaincu que les Français ne vous suivront pas dans cette impasse. (MMes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)
Auteur : M. Jean-Louis Bianco
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 mai 2010