réforme
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 27 mai 2010
RÉFORME DES RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, Nicolas Sarkozy s'est cru autorisé à dire que la France aurait moins de problèmes si, en 1983, François Mitterrand n'avait pas ramené l'âge légal du départ à la retraite de soixante-cinq à soixante ans. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cette mesure a bénéficié à 16 millions de Françaises et de Français, dont beaucoup nous regardent cet après-midi. (" Et alors ? " sur les bancs du groupe UMP.) La moitié d'entre eux perçoivent moins de 1 200 euros par mois. Sont-ils des privilégiés, monsieur le Premier ministre ? Croyez-vous qu'une majorité d'entre eux aurait fait confiance à l'actuel chef de l'État si celui-ci n'avait pas affirmé, en 2007, que le droit à la retraite à soixante ans devait demeurer ? Aujourd'hui, il est en rupture avec ses propres engagements. À la faveur de la crise, il promet du sang et des larmes et appelle les Français à l'effort et au courage. Mais le courage ne consiste pas à raboter les droits sociaux du plus grand nombre et à refuser, dans le même temps, d'abroger le bouclier fiscal et les niches fiscales. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Le courage ne consiste pas à en finir avec la retraite à soixante ans, mais à protéger celles et ceux qui, ayant commencé jeunes, ont eu les carrières les plus longues et sont usés par le travail. Le courage, monsieur le Premier ministre, ce n'est pas l'injustice, et nous sommes fiers de François Mitterrand et de la majorité de gauche qui a voté le droit à la retraite à soixante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Les Français sont en train de comprendre ce qui se joue aujourd'hui dans leur pays. Si l'on en croit un sondage paru ce matin dans Les Échos, nos concitoyens considèrent que le projet socialiste sur les retraites est plus juste, plus crédible, plus efficace que celui du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, je vous conseille de ne pas recommencer la caricature des points de vue socialistes à laquelle vous vous êtes livré la semaine dernière. (Huées sur les bancs du groupe UMP.) Acceptez-vous, oui ou non, un débat projet contre projet sur les retraites devant les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, depuis environ un quart de siècle, dans tous les pays européens sans exception...
Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Parlez de la France !
M. François Fillon, Premier ministre. ...il a été choisi de répondre à l'allongement de la durée de la vie par l'augmentation de la durée d'activité.
M. Maxime Gremetz. Ce n'est pas vrai ! (" Si, c'est vrai ! " sur les bancs du groupe UMP.)
M. François Fillon, Premier ministre. Dans presque tous les pays européens, cette décision a été, le plus souvent, prise dans le cadre d'un accord consensuel entre la gauche et la droite, voire, parfois, entre les partenaires sociaux et les gouvernements. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Quand, dans certains cas, cet accord consensuel n'a pu être trouvé, aucune majorité n'a jamais remis en cause les décisions qui avaient été prises sur la retraite par les précédentes.
M. Maxime Gremetz. C'est bien dommage !
M. François Fillon, Premier ministre. Le seul pays où la gauche refuse de regarder la réalité, c'est la France. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe UMP.)
M. André Schneider. Hélas !
M. François Fillon, Premier ministre. Et ce n'est pas nouveau : vous avez bien voulu rappeler la décision prise en 1983 par le parti socialiste de ramener à soixante ans l'âge légal de la retraite, fixé à soixante-cinq ans depuis les décisions du général de Gaulle et du Conseil national de la résistance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Permettez-moi de citer Michel Rocard, qui a déclaré, sur ce sujet : " Tous les ministres compétents en économie, Jacques Delors, moi-même et quelques-uns, nous étions catastrophés. Nous savions très bien que cette mesure n'était pas compatible avec l'évolution de la démographie française. " (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Par la suite, vous avez multiplié les conseils, les critiques, les rapports, vous avez juré que vous abrogeriez toutes les décisions qui ont été prises.
M. Yves Nicolin. Comme d'habitude !
M. François Fillon, Premier ministre. Mais quelle est la vérité ? En 1993, c'est le gouvernement d'Édouard Balladur qui a porté à quarante annuités la durée de cotisation dans le régime général. Alors que vous vous étiez engagés à abroger cette mesure, vous n'avez pas trouvé le temps de le faire entre 1997 et 2002 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
En 2003, lorsque le Gouvernement a décidé d'harmoniser la durée de cotisation entre le public et le privé et d'engager l'augmentation progressive de la durée de cotisation, vous avez répété maintes fois, ici même, que, lorsque vous seriez au pouvoir, vous abrogeriez cette décision.
M. Yves Nicolin. Toujours des promesses !
M. François Fillon, Premier ministre. Or, le projet que vous avez présenté la semaine dernière consacre l'allongement de la durée de cotisation, et il n'y est plus question de revenir sur l'harmonisation du secteur public et du secteur privé. (" Eh oui ! " et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) En 2007, lorsque cette majorité vous a proposé de voter la réforme des régimes spéciaux, vous avez voté contre, mais je note qu'aucune de vos propositions n'a pour objet de revenir sur la réforme des régimes spéciaux.
M. Patrick Roy. Quelle caricature !
M. François Fillon, Premier ministre. La vérité, mesdames et messieurs les députés, c'est que le parti socialiste s'est constamment trompé sur la question des retraites. Il n'est pas trop tard : vous pouvez encore participer activement, concrètement, à la consolidation des régimes de retraite de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) En le faisant, vous ne vous trahiriez pas, vous ne trahiriez pas Laurent Fabius, ministre de l'économie, qui déclarait, le 20 mars 2002 : " Puisque l'espérance de vie augmente de trois mois, cela veut dire que les actifs doivent financer chaque année des retraités qui vivront trois mois de plus. Comment voulez-vous qu'il n'y ait pas un ajustement ? Bien sûr, qu'il y aura un ajustement ! " (" Fabius ! Fabius ! " sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. le président. Allons ! Je vous en prie, mes chers collègues !
M. François Fillon, Premier ministre. En faisant cela, vous seriez fidèles à Dominique Strauss-Kahn, qui déclarait fort opportunément, il y a quelques jours, que, lorsque l'on vivrait jusqu'à cent ans, il n'y aurait pas de raison de maintenir la retraite à soixante ans. Surtout, en faisant cela, vous seriez fidèles à Mme Aubry, qui déclarait, le 17 janvier dernier : " On va aller, on doit aller à soixante et un ou à soixante-deux ans ". (Mmes et MM. les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement. - " C'est nul ! " sur les bancs du groupe SRC.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 mai 2010