Question au Gouvernement n° 2365 :
évasion fiscale

13e Législature

Question de : M. Jean Mallot
Allier (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 23 juin 2010

AFFAIRE BETTENCOURT

M. le président. La parole est à M. Jean Mallot, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean Mallot. Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, la presse nous apprend que Mme Bettencourt, deuxième fortune de France (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), a décidé de " procéder à la régularisation de l'ensemble de ses avoirs placés à l'étranger ", dans des paradis fiscaux. Il s'agirait de comptes, en Suisse notamment, et de la propriété d'une île aux Seychelles ; mais on ne sait pas tout.
Allez-vous, monsieur le ministre, faire procéder à une analyse complète de la situation fiscale de Mme Bettencourt ? Sa fortune est estimée à une vingtaine de milliards d'euros. Même mal géré, un tel capital doit produire au moins un milliard de revenu annuel. L'intéressée précise qu'elle a payé au cours des dix dernières années 400 millions d'euros d'impôt, soit 40 millions par an. Ce qui fait un taux d'imposition de 4 %... Difficile de faire moins... C'est encore plus fort que le bouclier fiscal !
Je ne sais pas si Mme Bettencourt était présente en décembre dernier à l'hôtel Bristol lorsque le Président Sarkozy, Président de la République et président de l'UMP, et M. Woerth, trésorier de l'UMP, ont reçu leurs soutiens financiers pour les remercier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Elle aurait pu donner des leçons d'optimisation fiscale à ses collègues généreux donateurs !
M. Lucien Degauchy. Jaloux !
M. Jean Auclair. Pauvre type !
M. Jean Mallot. La décision de Mme Bettencourt de régulariser sa situation fiscale n'a pas été prise de son plein gré, mais sous la pression des médias. Par ailleurs, le dispositif de régularisation mis en place l'an dernier par le ministre Woerth - encore lui - prévoyait une date limite de rapatriement des comptes au 31 décembre 2009. Mme Bettencourt est donc a priori passible de sanctions fiscales et pénales.
Monsieur le ministre du budget, pouvez-vous nous assurer qu'en l'occurrence, la loi s'appliquera dans toute sa rigueur ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Courage Fillon !
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, le ministre du budget aura certainement au cours de cette séance l'occasion de répondre précisément à votre question, mais je voudrais reprendre certains de ces sous-entendus.
M. Bernard Roman. Il n'y a pas de sous-entendus, il y a une question !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons tous ici, hommes publics, un devoir d'exemplarité. Sur le chemin de l'exemplarité et de la transparence, depuis le début de la République, les uns et les autres, nous avons fait des progrès.
Mme Aurélie Filippetti. Surtout les uns !
M. François Fillon, Premier ministre. Je voudrais rappeler qu'il n'y a pas si longtemps que les fonds secrets servaient encore à financer les revenus des membres du Gouvernement, de gauche comme de droite. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je veux rappeler qu'il n'y a pas si longtemps que la présidence de la République, celle de Charles de Gaulle, celle de François Mitterrand ou celle de Jacques Chirac, ne faisait l'objet d'aucun contrôle financier.
Nous avons fait des progrès, mais nous avons encore des progrès à faire.
M. Régis Juanico. C'est évident !
M. François Fillon, Premier ministre. J'aurai l'occasion, dans les prochains jours, avec le Président de la République, de prendre de nouvelles décisions dans cette direction.
Sur ce chemin de la transparence et de l'exemplarité, il y a aussi eu des défaillances. Ces défaillances doivent être sanctionnées fermement.
M. Patrick Bloche. Et alors ?
M. François Fillon, Premier ministre. Enfin, sur ce chemin, il y a un long cortège de dénonciations anonymes, de calomnies, de corbeaux, de petits calculs politiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pour ma part, depuis le début de ma vie publique, je me suis toujours interdit de hurler avec les loups. Je n'ai jamais accepté de jeter aux chiens l'honneur d'un homme politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) D'ailleurs, lorsque Dominique Strauss-Kahn a été injustement accusé en 1999, j'ai pris publiquement sa défense, parce que les procès instruits sur la rumeur, ce n'est pas ma conception de la République, ce n'est pas ma conception de la démocratie, ce n'est pas ma conception de l'honneur. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Ceux qui, sur la base de quelques informations non vérifiées, glanées ici où là dans la presse, s'érigent en procureurs, ceux-là manquent aux lois fondamentales de notre République, celles qui protègent la dignité et la liberté de chacun d'entre nous, comme l'a si bien écrit François Mitterrand.
M. Daniel Goldberg. Répondez à la question !
M. François Fillon, Premier ministre. Éric Woerth est un homme intègre. Éric Woerth n'a commis aucune faute. Éric Woerth n'a donné aucune instruction concernant la situation fiscale de Mme Bettencourt (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)...
M. le président. Je vous en prie !
M. François Fillon, Premier ministre. Éric Woerth sera sans doute l'un des ministres de la Ve République qui aura le plus fait pour lutter contre la fraude fiscale et contre les paradis fiscaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Éric Woerth a toute ma confiance, et j'ajoute aujourd'hui devant vous : toute mon amitié, dans l'épreuve qu'il traverse. Je ne laisserai pas son honneur traîné dans la boue pour quelques misérables petits calculs politiques. Je ne laisserai pas la démocratie s'égarer sur le chemin des règlements de compte. (Les députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent longuement.)

Données clés

Auteur : M. Jean Mallot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôts et taxes

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 23 juin 2010

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