journalistes
Question de :
Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 15 septembre 2010
SOURCES DES JOURNALISTES
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.Mme Élisabeth Guigou. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Dans l'affaire Bettencourt-Woerth, dont le journal Le Monde est maintenant victime (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), ce sont plusieurs valeurs et principes fondamentaux de la République qui sont attaqués.
Premier principe, violé : la liberté de la presse, un des piliers de toute démocratie (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), et la protection des sources des journalistes, qu'une loi de janvier 2010 a renforcée et qui est aujourd'hui violée. (" C'est faux ! " sur les bancs du groupe UMP.)
M. Jacques Grosperrin. Et Mitterrand ?
Mme Élisabeth Guigou. Deuxième principe, bafoué : l'égalité de tous les citoyens, garantie par l'indépendance de la justice et le contrôle de la justice sur les enquêtes de la police.
Troisième principe, piétiné : l'impartialité de l'État et la protection des citoyens contre les abus du pouvoir, qui sont normalement garantis par des lois et des règles très strictes, qu'il s'agisse de l'utilisation de moyens exceptionnels comme les écoutes téléphoniques ou de l'examen de ce que l'on appelle les " fadet ", c'est-à-dire les listes d'appels téléphoniques.
Je rappelle que les services secrets ne peuvent mener leurs enquêtes que dans le cadre de la loi. (" Eh oui ! " sur les bancs du groupe UMP.) Ils ne peuvent procéder à des écoutes téléphoniques ou avoir accès aux listes d'appels que sur ordre du Premier ministre, qui décide sur demande écrite de seulement trois ministres - ceux de l'intérieur, de la défense ou des finances -, et après avis de la Commission nationale indépendante. Or celle-ci ne donne un avis favorable que pour les atteintes les plus graves à la sécurité nationale.
Monsieur le Premier ministre, je vous demande donc de répondre à plusieurs questions.
Les services secrets ont-ils enquêté dans le cadre légal que je viens de rappeler ou ont-ils été utilisés par le pouvoir pour protéger des intérêts particuliers ?
Qui a autorisé cette enquête menée en dehors de tout contrôle judiciaire ?
Qui a déclenché les écoutes ? (" Mitterrand ! Mitterrand ! " sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Élisabeth Guigou. Les avez-vous ordonnées, monsieur le Premier ministre, dans le cadre de la loi de 1991 ? (Les députés du groupe UMP continuent de scander : " Mitterrand ! Mitterrand ! ")
M. le président. S'il vous plaît, mes chers collègues !
Mme Élisabeth Guigou. Allez-vous accepter qu'un juge d'instruction indépendant soit désigné pour faire toute la lumière sur cette affaire et garantir que les moyens de l'État ne sont pas confisqués au profit du pouvoir ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Christian Paul. Voici le cabinet noir !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame Elisabeth Guigou, permettez-moi d'abord de rappeler une règle de droit essentielle pour le fonctionnement de l'État : en vertu de l'article 26 de la loi de 1983, tout fonctionnaire est soumis à une obligation de respect du secret professionnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Lemasle et M. Patrick Bloche. Ce n'est pas la question !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Que s'est-il passé ? Une information est parvenue aux services de police, selon laquelle un fonctionnaire, magistrat, travaillant à la Chancellerie, aurait divulgué et diffusé des procès-verbaux d'enquête en cours d'instruction. Donc je vous le dis, mesdames et messieurs les députés : il était du devoir de la direction du renseignement intérieur de vérifier cette affirmation. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Patrick Bloche. C'est faux !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Dans le cadre de la mission de protection de la sécurité, des vérifications techniques ont effectivement eu lieu, semblant corroborer cette information communiquée à la police.
Dès lors, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, qui s'impose à chacun, le directeur central du renseignement intérieur a transmis cette information au procureur de Paris et je vous précise que le parquet a ouvert parallèlement une information judiciaire pour violation du secret de l'enquête.
Cela signifie très simplement, mesdames et messieurs les députés, qu'il n'y a eu aucune consigne, (Exclamations et huées sur les bancs des groupes SRC et GDR.) aucune demande de l'Élysée à quelque niveau que ce soit. Il n'y a eu aucune demande d'écoute téléphonique et il n'y a eu aucune écoute, ne serait-ce que parce qu'elles sont effectivement autorisées par une commission dans laquelle siège un parlementaire membre de votre groupe, M. Daniel Vaillant.
Mais, puisque vous posez cette question d'une telle manière, je me permets aussi de souligner que nous sommes bien loin d'une époque où il y avait un cabinet noir à l'Élysée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)...
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Vous feriez mieux de vous taire !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. ...qui, en toute illégalité, procédait à de très nombreuses écoutes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. - Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
Auteur : Mme Élisabeth Guigou
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Presse et livres
Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 septembre 2010