Question au Gouvernement n° 2472 :
journalistes

13e Législature

Question de : Mme Aurélie Filippetti
Moselle (8e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 15 septembre 2010

SOURCES DES JOURNALISTES

M. le président. La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Aurélie Filippetti. Monsieur le ministre de l'intérieur, j'ai sous les yeux une dépêche qui indique : " La procédure invoquée pour obtenir des données téléphoniques afin d'identifier une source du Monde n'est pas valable juridiquement, a fait valoir lundi la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité. " (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Mais ma question s'adresse au Premier ministre. Sans liberté de la presse il n'y a pas de démocratie, et sans protection des sources des journalistes, il n'y a pas de liberté de la presse. Ces principes fondamentaux de la République, vous devriez les rappeler à l'Élysée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Non, en démocratie, on n'entrave pas la libre investigation des journalistes pour tenter d'étouffer une affaire touchant aux intérêts particuliers d'un de ses ministres - et de l'UMP tout entière.
M. Christian Paul. Il aurait dû démissionner !
Mme Aurélie Filippetti. Déjà, cet été, des attaques indignes envers le site d'information Mediapart (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) montraient que l'Élysée voulait imposer sa version officielle de l'affaire Woerth-Bettencourt et faire taire toutes les autres.
C'est d'autant plus grave que la justice elle aussi est maintenue sous le boisseau et que nous attendons toujours un juge d'instruction.
Cette fois, c'est le contre-espionnage français qui fouille dans les listings téléphoniques pour identifier les sources d'un journaliste du Monde, jusque dans les cercles les plus proches de Mme la ministre d'État.
M. Christian Paul. Quelle honte !
Mme Aurélie Filippetti. S'il y a eu trafic d'influence, nos concitoyens ont le droit de le savoir, les journalistes le droit de l'écrire, et vous n'avez pas le droit de les en empêcher ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
L'ironie de l'histoire, c'est que nous avons débattu il y a moins d'un an d'une loi sur la protection des sources des journalistes, qui dispose : " Il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que [pour] un impératif prépondérant d'intérêt public ". Où est l'intérêt public ici, si ce n'est l'intérêt de l'Élysée à étouffer ce qui prend les allures d'un Watergate à la française ? (Rires sur les bancs du groupe UMP. Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement.
M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement. Madame Filippetti, la manoeuvre est un peu grosse. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous voudriez faire croire aux Français que le Gouvernement viole la liberté de la presse. (" Oui ! Oui ! " sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement. Mais j'ai une question à vous poser : qui a mis en place les états généraux de la presse écrite pour sauver nos journaux (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.), dont le modèle économique est menacé ? C'est le Gouvernement de François Fillon.
Qui a proposé une loi pour renforcer la protection des sources des journalistes... (Exclamations continues sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Bloche. Elle a été violée !
M. le président. Monsieur Bloche, taisez-vous !
M. Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement. ...que vous n'avez pas votée, madame Filippetti ? C'est cette majorité !
Et, madame la députée, dans l'affaire que vous signalez, je dois vous dire que jamais - je dis bien : jamais - le Gouvernement n'a entravé la liberté de la presse. Jamais le Gouvernement n'a porté atteinte à la protection des sources des journalistes. (" C'est faux ! " sur les bancs du groupe SRC.)
Il est normal, il est naturel que les journalistes enquêtent et travaillent avec des informateurs et, encore une fois, c'est notre Gouvernement, notre majorité qui ont voulu l'inscrire dans la loi.
M. Christian Bataille. Qu'est-ce que vous en faites ?
M. Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement. Mais, de la même manière, et comme Brice Hortefeux l'a rappelé à l'instant, il est absolument inadmissible qu'un haut fonctionnaire, membre d'un cabinet, puisse divulguer des informations confidentielles, violant par là même le secret professionnel et le secret de l'enquête. Vous ne pouvez pas cautionner cela, madame Filippetti. (" Guéant ! Guéant ! " sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie ! !
M. Luc Chatel, porte-parole du Gouvernement. La vérité, c'est que personne n'est dupe de cette manoeuvre de diversion : en cette rentrée des classes, Mme Aubry, dans une conférence de presse, nous annonçait une " rafale de propositions ". Eh bien, on a vu la rafale, mais on attend encore les propositions ! (" Bravo ! " et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Données clés

Auteur : Mme Aurélie Filippetti

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Éducation nationale

Ministère répondant : Éducation nationale

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 septembre 2010

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