Question au Gouvernement n° 2554 :
Pakistan

13e Législature

Question de : M. Bernard Cazeneuve
Manche (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 14 octobre 2010

ATTENTAT DE KARACHI

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Bernard Cazeneuve. Monsieur le Premier ministre, les familles des victimes de l'attentat de Karachi veulent la vérité sur le drame qui les a cruellement frappées le 8 mai 2002. Nombre d'entre elles vivent cette épreuve, depuis maintenant huit ans, avec courage et dignité, mais elles ont aussi le sentiment aujourd'hui que la vérité est pour elles définitivement entravée.
Elles ressentent cette entrave lorsque le Président de la République, à partir de Bruxelles, qualifie de fable l'hypothèse d'une piste politico-financière avancée par un juge d'instruction, alors que nous attendrions du Président de la République, garant du fonctionnement des institutions et de l'indépendance de la justice, qu'il s'interdise un tel commentaire sur une instruction en cours.
M. Bernard Roman. Très bien !
M. Bernard Cazeneuve. Lorsque nous lisons le rapport des magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'État qui ont examiné les comptes d'Édouard Balladur, nous nous demandons si cette fable, comme toutes les fables d'ailleurs, ne comporterait pas une part de vérité.
Ces familles vivent ainsi comme une entrave le refus du Gouvernement de transmettre à l'Assemblée nationale les documents dont elle avait besoin pour permettre à sa mission d'information parlementaire d'aller au bout de ses investigations, pour favoriser l'avènement de la vérité.
Elles vivent comme une entrave la décision du procureur de la République, il y a quelques jours, de faire appel de l'ordonnance prise par le juge Van Ruymbeke, juge indépendant, le 6 octobre dernier, par laquelle il se proposait d'instruire la plainte déposée par les familles devant le doyen des juges d'instruction au mois de juin dernier, plainte pour corruption et entrave à la justice.
Monsieur le Premier ministre, y a-t-il dans ce pays deux justices (" Ouf ! Ouf ! sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Maxime Gremetz. Oui : une justice de classe !
M. Bernard Cazeneuve. ...avec, d'un côté, des procureurs qui engagent systématiquement l'action publique lorsqu'il s'agit de constater les infractions pénales des plus faibles et, de l'autre, des procureurs qui, au contraire, font appel des instructions des juges lorsqu'elles peuvent mettre en cause les plus puissants ? Allez-vous enfin donner les moyens à la justice de faire toute la lumière sur cette affaire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur divers bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, je connais malheureusement bien le drame qui s'est produit à Karachi en mai 2002.
M. Henri Emmanuelli. Vous y étiez ?
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Oui, j'y suis allée.
Je tiens, tout particulièrement pour les victimes et leurs familles, à ce que toute la lumière soit faite sur ce dossier.
M. Henri Emmanuelli. On ne dirait pas !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je vous rappelle qu'une information judiciaire est ouverte depuis le 27 mai 2002. Les juges d'instruction travaillent sur le dossier. Aucune piste n'est écartée et toutes les hypothèses sont envisagées. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
La semaine dernière, un juge d'instruction a décidé d'enquêter sur d'éventuels abus de biens sociaux. Le cadre juridique choisi n'a pas paru être le plus approprié pour cette enquête (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), non pas sur le fond mais sur la forme. (Mêmes mouvements.)
M. le président. Je vous en prie, chers collègues !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Je vous indique, monsieur le député - ce que vous ne savez peut-être pas -, qu'une enquête préliminaire est en cours depuis le début de l'année sur ces mêmes soupçons, sur ces mêmes faits.
En tout état de cause, la chambre de l'instruction, composée, je vous le rappelle, de magistrats indépendants, se prononcera sur la procédure ; c'est à elle qu'il reviendra de dire si le parquet a eu raison ou non d'estimer que le choix procédural retenu n'était pas le bon.
M. Maxime Gremetz. Arrêtez !
M. Patrick Lemasle. Justice à deux vitesses !
Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux. Vous le voyez, à la fois cette procédure et l'enquête préliminaire en cours, montrent qu'il n'y a, dans cette affaire aucune entrave à la justice, et il n'y en aura aucune. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP. - Exclamations sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.)

Données clés

Auteur : M. Bernard Cazeneuve

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Justice et libertés (garde des sceaux)

Ministère répondant : Justice et libertés (garde des sceaux)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 14 octobre 2010

partager