Question au Gouvernement n° 2570 :
Président de la République

13e Législature

Question de : Mme Pascale Crozon
Rhône (6e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 20 octobre 2010

LAÏCITÉ

M. le président. La parole est à Mme Pascale Crozon, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Pascale Crozon. Monsieur le Premier ministre, la France est une république laïque ; c'est l'article 1er de la Constitution. Elle garantit l'égalité de tous, indépendamment des convictions religieuses ou philosophiques, et elle suppose la neutralité des agents de l'État, qui ne peuvent manifester d'appartenance religieuse dans l'exercice de leur fonction. Le Président de la République ne saurait échapper à cette règle fondatrice de notre vivre ensemble.
Que le Président de la République rencontre le pape, c'est sa responsabilité de chef d'État. Que Nicolas Sarkozy pratique en privé la religion catholique, c'est sa liberté de conscience. Mais lorsqu'une visite officielle revient à faire pénitence, prévoit un " moment de prière " (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP)...
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues !
Mme Pascale Crozon. ...et que le chef de l'État se signe devant les caméras de télévision, nous sommes alors face à un dangereux mélange des genres. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Cette visite n'a d'autre objectif qu'un symbole à visée électorale. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Il est particulièrement choquant de se représenter la nation comme une juxtaposition d'électorats communautaires, comme il est particulièrement choquant de croire qu'il suffit d'instrumentaliser une foi pour recueillir des suffrages. (Mêmes mouvements.)
Mais ce qui est en cause, monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas seulement les démonstrations de foi. Ce qui choque les Français, et pas seulement les catholiques, c'est la morale : c'est le climat des affaires, la collusion avec les milieux d'argent et, parallèlement, le sort réservé aux plus fragiles, la suspicion, surtout, qui pèse sur les étrangers, ou le traitement réservé aux Roms. (Mêmes mouvements.)
Monsieur le Premier ministre, ma question est simple : comment comptez-vous faire respecter le principe constitutionnel de laïcité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe GDR. - Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Madame la députée Pascale Crozon, vous vous référez à juste titre à l'article 1er de notre constitution, mais la laïcité, ce n'est pas le rejet, ce n'est pas le refus, ce n'est pas la négation des autres religions. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean Glavany. Elle l'a dit !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Le principe de séparation des pouvoirs ne signifie pas que la République ignore les cultes et les religions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Garantir une laïcité apaisée, c'est respecter et faire respecter ceux qui croient au ciel comme ceux qui n'y croient pas.
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est ce qu'elle a dit !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. C'est la raison pour laquelle, en tant que ministre des cultes, j'entretiens un dialogue permanent et régulier avec les différentes autorités religieuses.
Il était normal que le Président de la République réponde à l'invitation du pape Benoît XVI à se rendre, le 8 octobre, au Vatican.
M. Jean Glavany. C'est ce qu'elle a dit !
M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur. Cela s'inscrit dans la tradition suivie par les chefs d'État de la Cinquième République. Souvenez-vous que le général de Gaulle s'est rendu au Vatican en 1959 pour une visite d'État et qu'il s'est agenouillé devant le pape Jean XXIII. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Tradition poursuivie par les présidents Giscard d'Estaing, Mitterrand (" Non ! " sur les bancs du groupe SRC) et Chirac. Ils se sont tous rendus au Vatican pour s'entretenir avec le pape Jean-Paul II.
Qu'y a-t-il donc de choquant à ce que le Président de la République se soit rendu au Vatican ? Est-ce parce qu'il a effectué un signe de croix ? Lorsqu'un président, un ministre, un député ou un maire se rend dans une synagogue, ne porte-t-il pas une kippa ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Quand il se rend dans une mosquée, ne prend-il pas la précaution d'ôter ses chaussures ? (Mêmes mouvements.) Il faut éviter les polémiques d'un autre âge qui offrent le visage d'une intolérance que la France d'aujourd'hui ne peut pas accepter ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. Plusieurs députés de l'UMP se lèvent pour applaudir.)
Plusieurs députés du groupe SRC. À genoux !

Données clés

Auteur : Mme Pascale Crozon

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : État

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 20 octobre 2010

partager