gouvernement
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 17 novembre 2010
REMANIEMENT MINISTÉRIEL
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, il aura fallu six mois de réflexion au Président de la République pour qu'il vous confirme finalement dans vos fonctions. (" Et alors ? " sur les bancs du groupe UMP.) Six mois pour aboutir à un gouvernement " resserré ", c'est-à-dire débarrassé de ses ministres d'ouverture et replié sur le vieux carré RPR, au détriment des principaux dirigeants centristes. Six longs mois pour assister, en fin de compte, à un simple jeu de chaises musicales, alors que les Français attendent un changement de politique.
Les Français attendent la justice sociale, des retraites qui ne soient pas financées exclusivement par les revenus du travail, une fiscalité qui ne protège pas les grandes fortunes et la rente au détriment du travail et de l'emploi. Les Français attendent le retour à une politique de sécurité qui ne s'égare pas dans la stigmatisation de l'autre, l'immigré ou le Rom. Les Français attendent le respect des règles républicaines, le respect de la liberté de la presse (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), le respect de l'indépendance de la justice.
Ce que les Français redoutent, à l'inverse, c'est un gouvernement qui s'enferme orgueilleusement dans la justification de ses échecs. Aussi, monsieur le Premier ministre, je voudrais vous poser une question finalement très personnelle. Les commentaires de presse vous ont présenté comme le grand vainqueur de ce remaniement et ont noté que vous aviez su vous imposer, avec le soutien des parlementaires UMP ; un grand quotidien du soir a d'ailleurs titré sur le " nouveau rapport de forces " entre l'Élysée et Matignon.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous dire, devant la représentation nationale, quel changement politique se concrétisera avec cette nouvelle autonomie qui vous est prêtée ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, je ne suis pas surpris de constater que ce remaniement ne correspond pas tout à fait à vos attentes et à celles du parti socialiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) J'ai le regret de vous décevoir en vous disant qu'en choisissant de me renommer, le Président de la République a choisi la cohérence et la continuité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Glavany. Dans l'échec !
M. François Fillon, Premier ministre. La cohérence, parce que le projet sur lequel il s'est engagé devant les Français en 2007 doit être mis en oeuvre jusqu'à son terme. C'est le respect de la démocratie et des Français qui l'exige.
M. Jean-Patrick Gille. La baisse du chômage !
M. François Fillon, Premier ministre. Le Président de la République a également choisi la continuité, parce que nous avons besoin, pour moderniser notre pays, de conduire dans la durée les politiques initiées. Il est vrai, monsieur Ayrault, que nous ne sommes pas en 1983 : à une politique imprévoyante ne va pas succéder une politique de rigueur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Pour ce qui est du respect de nos institutions, je veux vous dire que j'ai toujours défendu le respect strict des institutions de la Ve République - rien que les institutions de la Ve République, toutes les institutions de la Ve République !
M. Henri Emmanuelli. Non !
M. François Fillon, Premier ministre. Dans ces institutions, vous savez bien que le chef de l'État conduit la Nation : c'est à lui que les Français ont fait confiance pour conduire notre pays et il est normal que, comme cela a toujours été le cas durant la Ve République - que ce soit avec le général de Gaulle, avec Valéry Giscard d'Estaing, avec Georges Pompidou, avec François Mitterrand et avec Jacques Chirac -, le Président de la République fixe les orientations et les présente lui-même aux Français, ce qu'il va faire ce soir à la télévision, en expliquant ses choix.
Il est normal que le Gouvernement, que le Premier ministre vienne ensuite devant la représentation nationale pour solliciter la confiance de l'Assemblée nationale sur la feuille de route qui sera celle du Gouvernement pour les dix-huit prochains mois. C'est là une lecture classique des institutions de la Ve République. Je reconnais que tout le monde n'a pas toujours eu cette lecture : j'ai constaté, en regardant la liste des gouvernements depuis le début de la Ve République, que nombre d'entre eux - notamment de gauche - n'avaient pas engagé leur responsabilité devant l'Assemblée nationale, ni au début du septennat ou du quinquennat, ni à l'occasion d'un remaniement.
Je comprends, monsieur Ayrault, que vous soyez impatient d'entendre le Premier ministre présenter les orientations du Gouvernement pour lui apporter votre soutien. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J'espère que la semaine qui va s'écouler ne vous fera pas changer d'avis ! (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 novembre 2010