Question au Gouvernement n° 2718 :
tabacs manufacturés

13e Législature

Question de : M. Richard Mallié
Bouches-du-Rhône (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 24 novembre 2010

LIBÉRALISATION DES ACHATS DE TABAC À L'ÉTRANGER

M. le président. La parole est à M. Richard Mallié, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Richard Mallié. Monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, sous la pression aveugle de Bruxelles, le projet de loi de finances rectificative pour 2010 prévoit de supprimer les limitations légales à l'achat de tabac à l'étranger. Une telle mesure est extrêmement inquiétante pour des raisons tenant aussi bien à la santé publique qu'aux finances publiques.
Actuellement, la législation française limite à cinq le nombre de cartouches qu'un résident français peut rapporter d'un pays de l'Union européenne. La Commission européenne, considérant que " cette situation n'est pas conforme aux principes de libre circulation ", exige de la France un assouplissement de sa réglementation.
Cette restriction, mise en place en 2006, a permis de limiter les achats transfrontaliers, qui vont pourtant jusqu'à atteindre près de 25 % du tabac consommé, ce qui se traduit par un manque à gagner fiscal de 3,5 milliards d'euros pour l'État, auquel s'ajoutent évidemment 200 millions d'euros d'aides aux buralistes dans le cadre du contrat d'avenir.
Si, demain, cette limitation à cinq cartouches devait être abolie, nous assisterions à une explosion des achats transfrontaliers. Soyons réalistes : dans les vingt-deux départements limitrophes, quel sera l'intérêt d'acheter un paquet de cigarettes à 5,40 euros alors qu'à quelques kilomètres, on pourra trouver ce même paquet 2 euros moins cher ? Il sera même avantageux de se rendre tous les mois ou tous les deux mois de l'autre côté de la frontière pour faire des provisions personnelles et rapporter des cartouches à sa famille et à ses amis.
Plutôt que d'exiger de la France un tel assouplissement, la Commission européenne aurait eu autant de légitimité à réfléchir à une harmonisation de sa législation relative à la circulation du tabac au sein de l'Union, voire à proposer une convergence des taxes sur le tabac.
La législation européenne et la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes ne s'opposent pas à ce que les États fixent des règles qui leur sont propres. Celles-ci peuvent fort bien concerner le contrôle du commerce de certains produits sur le territoire national, pour des raisons de santé publique et d'intérêt général.
M. le président. Posez votre question, monsieur Mallié. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Plusieurs députés du groupe SRC. C'est fini !
M. Richard Mallié. N'apparaît-il pas légitime et cohérent, monsieur le ministre, qu'un État membre puisse limiter de manière transparente, sanctions à l'appui...
M. le président. La parole est à ...
Mes chers collègues, si M. Mallié a bénéficié d'un temps supplémentaire, c'est qu'il n'a pas pu commencer à intervenir dès que je lui ai donné la parole ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Maxime Gremetz. Les questeurs ont des privilèges !
M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Monsieur le député, il est des décisions qui n'enchantent guère les responsables publics et politiques. Ainsi nous sommes obliger d'appliquer celle de la Commission de Bruxelles que vous évoquez, faute de quoi la France sera sans aucun doute condamnée par la Cour de justice des Communautés européennes.
Cette décision, croyez-le bien, enchante encore moins le ministre de la santé qui a obtenu l'interdiction de fumer dans les lieux de publics. Je tenais à le rappeler.
Bien sûr, cette décision est l'application du principe de libre circulation, mais le tabac n'est pas un produit comme un autre.
M. Renaud Muselier. Bien sûr !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est notamment responsable chaque année de la mort de 60 000 de nos concitoyens. Nous ne devons pas diminuer nos efforts en matière de santé publique, particulièrement pour ce qui est de la lutte contre les méfaits du tabagisme (Applaudissements sur divers bancs des groupes UMP et NC), qu'il s'agisse des campagnes de prévention, de la réglementation des prix, des dispositifs d'arrêt ou du respect du système d'interdiction.
Il a bien fallu adapter notre droit. Nous devons la disposition restreignant les achats de tabac à l'étranger à votre collègue Yves Bur, qui a voulu ainsi limiter les achats transfrontaliers. Je tiens à lui rendre hommage.
François Baroin a fait au mieux pour adapter, dans le projet de loi de finances rectificative, ce dispositif européen. Nous devrons aussi veiller, par des contrôles, à ce que cette possibilité d'achat ne soit pas détournée. Certains d'entre vous, je le sais, souhaiteraient mettre en place un système de proportionnalité. Je ne sais pas s'il serait vraiment facile à mettre en oeuvre.
Ce dispositif, contre lequel les militants de la santé publique mais aussi les buralistes des zones frontalières sont vent debout, nous devons l'appliquer car il nous faut prendre nos responsabilités. Cela ne nous empêchera pas de faire de la lutte contre le tabagisme un enjeu de santé publique prioritaire. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : M. Richard Mallié

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Agroalimentaire

Ministère interrogé : Travail, emploi et santé

Ministère répondant : Travail, emploi et santé

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 24 novembre 2010

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