Question au Gouvernement n° 2766 :
garde à vue

13e Législature

Question de : M. Jean-Paul Garraud
Gironde (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 8 décembre 2010

RÉFORME DE LA GARDE À VUE

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Jean-Paul Garraud. Monsieur le Président, ma question s'adresse à monsieur le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Le 23 novembre dernier, la Cour européenne des droits de l'Homme a rendu l'arrêt Moulin, du nom de cette avocate qui avait été privée de liberté pendant cinq jours en vertu d'un mandat d'amener délivré par un juge d'instruction dans un dossier de violation du secret de l'instruction et de complicité d'infraction à la législation sur les stupéfiants.
En effet, la Cour ne considère pas comme une véritable autorité judiciaire le procureur adjoint de Toulouse qui a fait exécuter ce mandat d'amener et donc privé de liberté Mme Moulin. À ses yeux, le statut des procureurs en France ne satisfait pas aux conditions d'indépendance visa vis de l'exécutif. Ce n'est d'ailleurs pas la première fois qu'elle le dit.
M. Jean-Paul Lecoq. Et à juste titre !
M. Jean-Paul Garraud. Au moment où le Gouvernement prépare d'importantes réformes de la procédure pénale, il y a lieu de s'interroger sur l'impact de cette décision sur les projets en cours, et ce d'autant plus que le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation nous imposent également de réformer les régimes de garde à vue avant le 1er juillet 2011.
Les répercussions de cet arrêt pourraient être multiples : la remise en cause du statut des procureurs, ce qui nécessiterait une révision constitutionnelle ; la remise en cause de la suppression du juge d'instruction et du juge des libertés et de la détention remplacés par le juge de l'enquête et des libertés ; la remise en cause de l'accroissement des pouvoirs d'enquête des procureurs, et celle de la présence des juges et des procureurs dans un corps unique de la magistrature.
M. Jean-Paul Lecoq. Enfin une bonne nouvelle !
M. Jean-Paul Garraud. Le risque est de créer une véritable insécurité juridique qui pourrait bénéficier aux délinquants et se répercuter sur la sécurité de nos concitoyens, en particulier pour ce qui touche au projet de loi sur la garde à vue.
Quelles peuvent être, monsieur le ministre, les répercussions de cette décision de la Cour européenne sur vos projets de réforme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur Jean-Paul Garraud, il faut replacer l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme que vous mentionnez dans l'ensemble de la jurisprudence de cette cour. On s'aperçoit alors qu'il ne comporte pas de véritable novation.
Le projet de loi portant réforme de la garde à vue qui sera discuté à l'Assemblée nationale en janvier tiendra compte de cette jurisprudence de la cour de Strasbourg dans le cadre fixé par le Conseil constitutionnel et par la chambre criminelle de la Cour de cassation.
Il faut évidemment examiner chacun des alinéas et la portée globale de l'arrêt de la Cour de Strasbourg. Je ferai simplement trois observations.
Pour commencer, la Cour rappelle qu'il ne lui appartient pas de prendre position dans le débat sur le lien de dépendance effective entre le ministre de la justice et le ministère public en France, ce débat relevant des autorités du pays. Dont acte.
Ensuite, l'arrêt France Moulin ne revient pas sur une jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l'homme qui, par l'arrêt Brogan de 1988, a fixé une règle très simple : la privation de liberté avant présentation au juge ne doit pas excéder quatre jours. Or le droit français en vigueur prévoit la présentation au juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures. Le projet que nous défendrons en janvier n'est donc pas affecté.
Enfin, un amendement devrait être déposé sur ce projet relatif à la garde à vue quant aux règles relatives au mandat d'amener pour préciser que la présentation à un juge est nécessaire même si la personne est privée de liberté à la suite d'un mandat délivré par un autre juge, ce qui était le cas de Mme France Moulin. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Paul Garraud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice et libertés

Ministère répondant : Justice et libertés

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 8 décembre 2010

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