Question au Gouvernement n° 2773 :
jugements

13e Législature

Question de : Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 15 décembre 2010

CRITIQUE DE DÉCISIONS DE JUSTICE

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Élisabeth Guigou. Un principe fondamental de notre droit et de notre démocratie interdit de commenter, encore plus de critiquer, les décisions de justice. Ceux qui ne respectent pas ce principe de séparation des pouvoirs risquent une peine de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Or, ces principes et ces lois ont été piétinés par ceux-là même qui ont la responsabilité de les faire respecter.
M. François Grosdidier. Et M. Huchon ?
Mme Élisabeth Guigou. Vendredi dernier, nos concitoyens ont assisté, effarés, à un spectacle désolant et choquant après une décision du tribunal de Bobigny condamnant sept policiers qui ont tourné le dos à leur mission en fabriquant des preuves contre un innocent, faute gravissime qui aurait pu faire condamner cet innocent à la prison à perpétuité.
Le métier de policier est difficile, spécialement en Seine-Saint-Denis, alors que les policiers subissent les réductions d'effectifs et la politique du chiffre du Gouvernement. Mais il est inadmissible que le ministre de l'intérieur ait, une fois de plus, critiqué la justice et confirmé ses propos, après la réaction pourtant bien prudente et tardive du garde des sceaux.
La sécurité est un problème grave dans notre pays. Ceux qui attisent les oppositions entre police et justice sont irresponsables, et nuisent à la sécurité de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre des mesures concrètes pour laisser la justice travailler et exiger des représentants de l'État qu'ils respectent la loi de la République ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Avant de répondre à votre question, je voudrais, au nom du Gouvernement, rendre hommage aux forces de l'ordre qui ont permis l'issue heureuse de deux prises d'otages, l'une à Besançon hier, et l'autre ce matin à Mulhouse. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, ainsi que sur les bancs du groupe SRC.)
Ma responsabilité est de veiller au bon fonctionnement de nos institutions, et donc au respect de la justice. Mais ma responsabilité est aussi d'essayer de comprendre ce qui a pu pousser des fonctionnaires de police, et leurs organisations syndicales, à manifester comme ils l'ont fait leur désarroi et leur colère devant une décision de justice.
Nous savons tous que la situation en Seine-Saint-Denis est difficile. Nous savons tous que les forces de l'ordre y affrontent chaque jour une violence qui rend leur mission très éprouvante. C'est dans ce contexte que sept policiers ont été condamnés pour des faits, je le répète devant l'Assemblée nationale, injustifiables. (Applaudissements sur tous les bancs).
Ces faits ont d'ailleurs été révélés par la hiérarchie du commissariat d'Aulnay-sous-bois, qui a donc fait son devoir conformément à la déontologie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Mesdames et messieurs les députés, l'honneur de la police exige un comportement exemplaire, et sur ce sujet, le ministre de l'intérieur Brice Hortefeux n'a jamais été complaisant, lui qui a déclenché l'enquête de l'Inspection générale des services sur cette affaire. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le parquet a fait appel de cette décision, estimant la peine trop sévère. Madame Guigou, attendons ensemble sereinement que la justice tranche.
Passé l'émotion, je ne peux pas admettre que des magistrats et des policiers donnent le sentiment de se dresser les uns contre les autres. À qui profite cet affaiblissement de l'État ? Certainement pas aux magistrats, ni aux policiers, et encore moins aux citoyens. Finalement, cela ne profite qu'aux délinquants et aux criminels.
Michel Mercier et Brice Hortefeux ont toute ma confiance et celle du Président de la République pour assurer la protection de nos concitoyens. Avec le garde des sceaux, je dis que le respect de la justice est un des fondements de l'État. Avec le ministre de l'intérieur, je dis que nous ne progresserons de manière décisive dans la lutte contre la criminalité et la délinquance que si la chaîne pénale tout entière montre sa cohérence, ce qui n'est pas toujours le cas.
Policiers, magistrats, élus de la République, nous devons tous ensemble garantir l'ordre public et l'État de droit.
Mesdames et messieurs, la justice est rendue au nom du peuple français. Le peuple français attend que la République soit forte face à la délinquance. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : Mme Élisabeth Guigou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Justice

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2010

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