Question au Gouvernement n° 2776 :
Pakistan

13e Législature

Question de : M. Bernard Cazeneuve
Manche (5e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 15 décembre 2010

ATTENTAT DE KARACHI

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Bernard Cazeneuve. Ma question, qui s'adresse à M. le garde des sceaux, concerne la complexe et difficile affaire de Karachi.
Si l'on s'en tient au discours du Gouvernement sur cette affaire, celui-ci dit vouloir favoriser l'avènement de la vérité. Si l'on regarde les faits, les choses sont un peu plus compliquées. Je prendrai à cet égard deux exemples très concrets.
Lorsqu'au mois d'octobre dernier le juge van Ruymbeke se propose d'instruire la plainte déposée par les familles près du doyen des juges d'instruction pour corruption et entrave à la justice, le parquet, dans les heures qui suivent, fait appel de cette ordonnance - comme pour envoyer le signal qu'un juge d'instruction indépendant ne saurait instruire sur cette affaire.
Plus récemment, le juge van Ruymbeke a demandé à pouvoir instruire sur le contrat Sawari, car il disposait d'éléments montrant que les contrats Agosta et Sawari étaient liés et qu'il était légitime qu'il puisse instruire sur cette affaire. Plutôt que de l'autoriser à ouvrir un réquisitoire supplétif - qui aurait garanti que le juge van Ruymbeke puisse continuer à instruire -, le parquet a préféré donner la possibilité à une autre instruction de s'ouvrir, ce qui veut dire que l'on prépare aujourd'hui le dessaisissement du juge van Ruymbeke de ce dossier. (" Quelle honte ! " sur les bancs des groupes SRC et GDR. - " Et les frégates de Taïwan ? " sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Or les contrats Agosta et Sawari sont liés - le rapport parlementaire l'a montré - parce que les mêmes intermédiaires ont été mobilisés et que le même dispositif occulte et complexe de commissions a été mis en place. Et ces deux contrats - Dominique de Villepin lui-même l'a indiqué à la télévision - voient peser sur eux de forts soupçons de rétrocommissions.
L'argument selon lequel les affaires seraient différentes ne tient pas.
Quels sont les éléments de droit qui conduisent à ouvrir une nouvelle instruction plutôt que d'ouvrir un réquisitoire supplétif ?
Allons-nous, enfin, arrêter le saucissonnage de cette instruction, qui est de nature à empêcher l'avènement de la vérité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Quel paradoxe, monsieur le député ! Il y a quelques instants, Mme Guigou appelait à la stabilité des institutions, à la mesure dans les commentaires d'une décision de justice...
M. Henri Emmanuelli. Ne noyez pas le poisson !
M. François Baroin, ministre. ...au respect de l'État de droit, à la séparation des pouvoirs et à la volonté d'avoir un exécutif stable et un organe législatif qui poursuit son travail de commission parlementaire, alors que vous, monsieur Cazeneuve, vous vous jetez à corps perdu dans l'addition d'insinuations, de rumeurs et peut-être de contrevérités. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pourtant, en tant que représentant parlementaire responsable et sérieux, vous savez fort bien que, seule, la justice pourra in fine établir les faits.
Nous sommes dans un État de droit et notre premier objectif est d'abord le respect de la douleur des familles des victimes (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) auxquelles nous devons la vérité et la sérénité.
M. Maxime Gremetz. Il faut de la transparence ! Demandez au président de l'Assemblée nationale !
M. François Baroin, ministre. Pour créer les conditions de la sérénité, personne - pas même vous, monsieur Cazeneuve - ne doit porter un regard subjectif sur les modalités d'application du code de procédure pénale dont le Parquet a décidé en toute souveraineté, s'agissant de la saisine d'un nouveau juge d'instruction qui accompagnera les autres magistrats instructeurs dans la définition des conditions de la manifestation de la vérité.
M. Henri Emmanuelli. Pas glorieux !
M. François Baroin, ministre. Et ce n'est pas l'addition des commentaires de presse et des commentaires politiques qui " entravera " - selon votre expression - la manifestation de la vérité.
M. Henri Emmanuelli. C'est de l'obstruction !
M. François Baroin, ministre. La position du Gouvernement est claire, simple et définitive : aucun obstacle ne s'opposera à la manifestation de la vérité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Maxime Gremetz. Demandez à Accoyer !
M. François Baroin, ministre. Nous la devons aux victimes, aux familles des victimes qui sont dans la douleur ainsi qu'à une certaine idée du respect de l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Marcel Rogemont. Scandaleux.

Données clés

Auteur : M. Bernard Cazeneuve

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l'État

Ministère répondant : Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l'État

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2010

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