Niger
Question de :
M. François Loncle
Eure (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 12 janvier 2011
OTAGES ASSASSINÉS AU NIGER
M. le président. La parole est à M. François Loncle, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. François Loncle. Monsieur le président, comme vous venez de le rappeler avec une émotion que nous partageons unanimement, avec l'enlèvement - en plein centre de Niamey, la capitale du Niger -, puis, très probablement, l'assassinat de deux jeunes compatriotes, Antoine de Léocour et Vincent Delory, auxquels nous rendons un hommage unanime, notre pays vient de connaître un nouveau drame consécutif à l'action terroriste d'Aqmi au Sahel : méthodes barbares, horreur des enlèvements, horreur des conditions de détention, horreur enfin des exécutions de sang-froid.
Monsieur le Premier ministre, dans le cadre du dialogue que vous avez bien voulu nouer avec des représentants du Parlement, nous sommes convenus hier soir que la responsabilité, la solidarité, l'unité des Français et de leurs représentants politiques doivent en ces circonstances prévaloir sur toute démarche polémique ou politicienne.
Mais cela ne doit pas empêcher le nécessaire questionnement ; c'est le rôle en particulier des parlementaires. C'est pourquoi je vous poserai deux questions.
La France, à travers votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a-t-elle changé de stratégie dans le traitement extrêmement délicat des prises d'otages ? De la libération de M. Camatte, en novembre 2009, à l'action militaire entreprise avec la Mauritanie en juillet dernier, action qui a précédé l'assassinat de M. Germaneau, puis à la capture de cinq Français d'Areva à Arlit, et enfin à l'opération des 7 et 8 janvier, y a-t-il une évolution dans la stratégie, un changement dans l'attitude du gouvernement français ?
Ma seconde question porte sur le niveau de coopération, de coordination avec les pays concernés, avec nos partenaires européens et avec les Américains, eux aussi présents au Sahel. Vous jugiez vous-même, en juillet dernier, que la coopération était insuffisante et inefficace. Qu'en est-il aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, la France est bouleversée par l'assassinat de Vincent et d'Antoine, deux jeunes Français généreux, heureux de vivre et de partager. Ils s'étaient réunis en vue du mariage d'Antoine avec Rakia, une jeune Nigérienne : quel symbole ! celui d'une humanité rassemblée, celui d'un monde sans frontières ethniques et sans frontières culturelles. Je présente aux familles et aux proches des victimes le témoignage de la compassion et de l'amitié fraternelle de la nation tout entière.
Monsieur François Loncle, je vous remercie, ainsi que toutes les formations politiques de notre pays qui ont choisi, comme vous, de faire preuve de solidarité dans l'épreuve que nous traversons. Je vais être clair : quand on prend une décision aussi lourde que celle que nous avons prise, le Président de la République, le ministre de la défense, les responsables de nos armées et moi-même, et qu'à l'issue de sa mise en oeuvre, nous connaissons le drame que nous venons de connaître, cela fait chaud au coeur d'entendre, dès dimanche matin, plusieurs responsables de l'opposition manifester un grand sens des responsabilités et de l'intérêt général. Il aurait été tellement facile d'exploiter une telle situation. Vous et vos collègues ne l'avez pas fait, c'est tout à votre honneur, tout à l'honneur des responsables politiques, tout à l'honneur de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)
M. André Gerin. Très bien !
M. François Fillon, Premier ministre. J'ajoute que c'est la meilleure réponse à apporter à la violence des terroristes car ce qui est visé dans leurs attaques, ce n'est pas le gouvernement français : c'est la France et, plus largement, la démocratie, les valeurs que nous représentons. En faisant preuve d'une grande unité nationale, nous contribuons beaucoup à combattre ce terrorisme et à accroître la sécurité de nos concitoyens à travers le monde.
Monsieur François Loncle, je vais vous répondre aussi clairement que je l'ai fait hier : nous n'avons pas changé de stratégie. La France se refuse à entrer dans une logique binaire. À chaque prise d'otage, nous étudions donc les possibilités de monter une opération de sauvetage, et à chaque fois nous essayons d'évaluer quelles sont les chances de réussir. Je tiens à vous rappeler que nous sommes parmi les premiers à avoir conduit des opérations de sauvetage contre les pirates somaliens. Lorsque les deux journalistes ont été enlevés en Afghanistan, nous avons, pendant plusieurs jours, mis en place les moyens nécessaires pour conduire une opération de sauvetage, que, malheureusement, nous n'avons pas pu réaliser en raison de la situation. Lorsque des Français ont été enlevés à Arlit, nous avons préparé une opération de sauvetage, mais n'avons pas pu repérer les véhicules des ravisseurs, qui se sont évanouis dans le désert, et l'opération n'a donc pas pu être menée à bien.
Vous le voyez, pour nous, il n'est pas possible de s'en tenir à une attitude de principe. Bien sûr, nous défendons d'abord les valeurs qui ont les nôtres et nous refusons le chantage des terroristes. Mais, en même temps, nous sommes attachés à la vie de nos concitoyens, et chaque fois que c'est nécessaire, nous engageons les discussions pour assurer leur sécurité.
Enfin, s'agissant de la coopération avec les pays de la région, je souligne que l'attitude du gouvernement nigérien est exemplaire. C'est d'ailleurs une des raisons qui nous a conduits à décider de cette opération, conformément à la demande du gouvernement nigérien. Il faut aider les gouvernements de cette région, qui ont énormément de difficultés à faire face, en raison notamment de la pauvreté. Il faut les aider à consolider l'État de droit parce que, si les forces terroristes gagnent du terrain au Sahel, c'est la souveraineté même de ces États, c'est-à-dire leur existence, qui est menacée. Nous avons donc entrepris, avec l'Union européenne, une démarche commune pour augmenter notre effort en matière de développement et de sécurité auprès de ces pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC et SRC.)
M. Maxime Gremetz. C'est bien.
Auteur : M. François Loncle
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 12 janvier 2011