garde à vue
Question de :
M. Sébastien Huyghe
Nord (5e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 19 janvier 2011
RÉFORME DE LA GARDE À VUE
M. le président. La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Sébastien Huyghe. Monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, la jurisprudence de la Cour de cassation, de la Cour européenne des droits de l'homme et la décision du Conseil constitutionnel nous imposent de réformer notre procédure de garde à vue.
La réforme dont nous commencerons l'examen tout à l'heure doit trouver un étroit chemin entre divers intérêts souvent contradictoires. Elle doit tout d'abord donner les moyens de mener l'enquête sans entraves afin de permettre la manifestation de la vérité. Elle doit également admettre que le mis en cause puisse exercer ses droits légitimes à la défense. Elle doit en outre accorder à la victime les moyens d'être respectée et protégée, et veiller à ce que, dans les faits, celle-ci n'ait pas le sentiment que les rôles sont inversés.
Par ailleurs, notre marge de manoeuvre est très étroite entre deux risques majeurs. Le premier risque serait de mettre en oeuvre des règles de procédure de garde à vue si contraignantes qu'elles pourraient être une véritable entrave à l'enquête, nuire à l'efficacité de la police et, par conséquent, de la justice. Mes chers collègues, nous ne pouvons pas prendre le risque de donner un coup de frein à la lutte contre la délinquance. Ce serait un mauvais signal pour les Français qui nous disent tous les jours leur besoin de sécurité.
Le second écueil que nous devons éviter, c'est celui d'une réforme de la garde à vue pour rien. Je veux dire par là que nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en place un dispositif qui pourrait encourir, dans les mois qui viennent, de nouvelles sanctions de la Cour européenne des droits de l'homme ou du Conseil constitutionnel.
La commission des lois a voulu supprimer le dispositif de l'audition libre. Elle a également instauré un délai de carence de deux heures avant le début des auditions, afin de permettre à l'avocat de se rendre sur place. Elle a, enfin, à une très courte majorité, substitué le juge des libertés et de la détention au procureur de la République dans le contrôle de la garde à vue. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer la position du Gouvernement sur ces trois points majeurs ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, nous allons entrer, pour un peu plus d'une semaine, dans un débat qui vaut la peine d'être mené sur la réforme de la garde à vue. Il s'agit de construire un nouvel équilibre entre deux exigences de valeur constitutionnelle identique : celle de la sécurité et de la sûreté, qui est due aux personne et aux biens, et celle du respect des droits de la défense, des libertés constitutionnellement garanties. Bâtir ce nouvel équilibre est le but du projet de loi dont vous allez débattre à partir de cet après-midi.
Vous m'avez demandé d'apporter des précisions sur trois points essentiels, et je le fais bien volontiers.
S'agissant de l'audition libre, le Gouvernement a entendu les arguments exprimés par la commission des lois. Ces arguments lui ayant semblé pertinents et convaincants, le Gouvernement a décidé de ne pas déposer d'amendement visant à rétablir l'audition libre.
Ensuite, vous m'avez demandé quelle était ma position vis-à-vis du délai de carence. Il est évident qu'il faut laisser un délai entre le moment où l'avocat est averti et celui où il peut arriver auprès de son client qui fait l'objet d'une garde à vue. Vous avez voté un délai de carence de deux heures ; il faut que nous discutions des modalités et je fais confiance au débat pour que nous parvenions à un bon résultat.
Enfin, vous m'avez demandé ce que le Gouvernement souhaitait faire pour le contrôle de la garde à vue dans les quarante-huit premières heures. Nous souhaitons très clairement confier au procureur de la République la direction de la garde à vue pendant ces quarante-huit premières heures, conformément à la décision de la chambre criminelle du 15 décembre 2010. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. Sébastien Huyghe
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Droit pénal
Ministère interrogé : Justice et libertés
Ministère répondant : Justice et libertés
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 janvier 2011