fonctionnement
Question de :
M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 9 février 2011
FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le Premier ministre, nous avons la République en partage, elle est notre héritage commun (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), elle est notre fierté et notre identité dans le monde entier. Lorsque la République est malmenée, c'est l'image de la France qui est abîmée, aux yeux du monde comme à nos propres yeux.
M. Richard Mallié. Alors pourquoi mettez-vous la pagaille ?
M. Jean-Marc Ayrault. Le Président de la République étant le garant de nos institutions, c'est à lui qu'il revient, au premier chef, d'assurer et d'assumer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics. Or, aujourd'hui, c'est précisément le chef de l'État qui, par ses propos, alimente les polémiques, la division et la paralysie de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Huées sur les bancs du groupe UMP.)
Toutes les fonctions régaliennes de l'État sont en crise. La façon dont est conduite la réforme des armées n'est plus acceptée par les militaires. (" Ce n'est pas vrai ! " sur les bancs du groupe UMP.) Les CRS se mettent en grève, les magistrats, les policiers, les gendarmes, les agents de probation, les personnels pénitentiaires, expriment leur colère, et les diplomates sortent de leur réserve pour signifier leur malaise.
Le Président de la République, élu pour assurer l'autorité de l'État, est en train de la détruire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Monsieur le Premier ministre, qui est excessif ? Le Président, ou ceux qui manifestent ? Nous connaissons déjà votre réponse, c'est toujours la faute des autres : les fonctionnaires, les magistrats, les journalistes, l'opposition !
M. Guy Teissier. Les socialistes !
M. Jean-Marc Ayrault. Pourtant, force est de constater que l'exemplarité des comportements n'est plus de mise aujourd'hui à la tête de l'État. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le Premier ministre, la grandeur de votre fonction est d'assumer les pouvoirs que les Français vous ont confiés et pour lesquels vous devez leur rendre des comptes. Qu'allez-vous faire pour mettre un terme à la situation actuelle et remettre enfin la République à l'endroit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président Ayrault, la République est notre bien commun et il nous appartient à tous de faire respecter l'autorité de l'État. Cela ne consiste pas à fuir les responsabilités, à refuser de regarder les réalités en face.
Le martyre de Laëtitia a ému toute la France, et je veux dire, avant toute chose, que c'était le devoir du Président de la République que de se faire l'écho de cette émotion, avec coeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On peut avoir des débats sur les responsabilités, sur la question des moyens de la justice, mais je ne comprends pas qu'au sujet de cette affaire, l'ensemble des acteurs ne fassent pas preuve d'une compassion unanime à l'égard de la victime ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Il suffit d'un mot pour exprimer sa compassion, mais je ne l'ai pas entendu ! (Les députés du groupe SRC se lèvent et continuent à protester.)
Pour ce qui est du fonctionnement de la justice, le présumé coupable, du moins le principal auteur présumé, qui a été mis en examen dans cette affaire, est bien connu de la justice et a passé de longues années en prison. Il était prévu qu'il soit suivi à sa sortie, ce qui n'a pas été le cas. C'est un dysfonctionnement, personne ne peut le nier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Bloche. La justice n'a pas assez de moyens !
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons diligenté des enquêtes qui diront si les fautes commises sont des fautes personnelles ou des fautes liées à l'organisation de notre système judiciaire. Chacun doit assumer ses responsabilités. S'il y a eu des fautes personnelles, elles doivent être sanctionnées ; s'il y a des fautes dans l'organisation même de l'appareil judiciaire, alors c'est au Gouvernement, au garde des sceaux, au ministre de l'intérieur et à la justice de proposer les corrections pour y remédier.
M. Daniel Vaillant. C'est votre faute !
M. François Fillon, Premier ministre. C'est d'ailleurs tout le sens du communiqué publié en commun, il y a quelques jours, par le ministre de la justice et le ministre de l'intérieur, qui donnait les premières pistes des mesures à prendre pour que cette situation ne se reproduise pas.
Je connais parfaitement la lourdeur de la tâche des magistrats (" Ils manquent de moyens ! " sur les bancs du groupe SRC) et je sais les difficultés auxquelles ils sont confrontés. Sur la question des moyens, je vous invite à faire preuve de modestie, car, lorsque vous étiez aux affaires, vous n'avez pas donné les moyens nécessaires à la justice. (" Qu'avez-vous fait en neuf ans ? " sur les bancs du groupe SRC.) Nous essayons de rattraper le retard, mais il y a beaucoup à faire. C'est une responsabilité collective !
La lourdeur de la mission des magistrats, leur responsabilité écrasante, ne doit pas conduire, comme c'est le cas aujourd'hui, à ce que l'ensemble de nos concitoyens soient victimes de leur mouvement de protestation. (Les députés du groupe UMP se lèvent et applaudissent longuement.)
Auteur : M. Jean-Marc Ayrault
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 9 février 2011