liberté de culte
Question de :
M. Hervé de Charette
Maine-et-Loire (6e circonscription) - Nouveau Centre
Question posée en séance, et publiée le 2 mars 2011
LAÏCITÉ
M. le président. La parole est à M. Hervé de Charette, pour le groupe Nouveau Centre. (Applaudissements sur les bancs du groupe NC.)M. Hervé de Charette. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Depuis quelques semaines, on nous annonce avec insistance, dans les cercles du pouvoir, l'ouverture d'un débat public sur la place de l'islam en France.
Mme Martine Billard. Et c'est reparti !
M. Hervé de Charette. Cette annonce suscite controverses, inquiétudes et interrogations. D'abord, il est bien étrange que, dans le pays de la laïcité, les responsables politiques organisent un débat sur la pratique d'une religion, fût-ce la religion musulmane. (" Très bien ! " et applaudissements sur certains bancs du groupe SRC.)
Que dirait-on si les instances politiques se mêlaient d'organiser un débat public sur la place de la religion catholique ou de la religion protestante ou de la religion juive en France ? (" Très bien ! " et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Ne peut-on laisser les musulmans de France pratiquer leur religion en paix, au nom de la loi de 1905 sur la laïcité, qui fait de la religion une affaire privée et non publique ? (Mêmes mouvements.)
Que reprochent aux musulmans les organisateurs de ce débat malsain, si ce n'est d'être musulmans ? Qu'ont-ils fait qui contrevienne aux principes de la laïcité ?
M. Christian Paul. Très bien !
M. Hervé de Charette. Tout fait craindre que ce débat ne conduise à stigmatiser les musulmans de France, à les montrer du doigt. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.) Tout montre les dangers d'un débat dont on redoute qu'il conduise, non pas à comprendre mais à inquiéter, non pas à rassembler mais à opposer les Français entre eux.
On entend même dire que, dans la perspective de l'élection présidentielle à venir, il faudrait opposer la droite et la gauche sur cette question de la place de l'islam en France. Faut-il donc prendre en otage les musulmans de France pour je ne sais quel obscur calcul politicien ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Enfin, est-il bien venu de lancer ce débat au moment où le monde arabe s'est mis en mouvement, dans un élan historique vers la liberté et la démocratie ? Est-il bien venu que la France s'isole dans une attitude renfrognée, quand il faudrait qu'elle se tourne vers ces peuples en mouvement pour leur tendre la main ? Ne vaudrait-il pas mieux tout simplement abandonner l'idée de ce débat ? (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes NC, SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean Mallot et M. Patrick Lemasle. Ce n'est plus lui, le Premier ministre, c'est Juppé !
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur de Charette, le débat qu'il y a lieu d'ouvrir dans notre pays, c'est celui sur la laïcité.
La laïcité est un des principes fondateurs de notre République. La laïcité française est ouverte. La laïcité est, d'une certaine façon, une déclinaison du principe même de liberté.
La laïcité, c'est d'abord la liberté de vivre sa foi tranquillement et dignement.
M. Jean Glavany. Ou de ne pas en avoir !
M. François Fillon, Premier ministre. La laïcité, c'est ensuite la liberté de ne pas croire.
M. Daniel Vaillant. Ce n'est pas la même chose !
M. François Fillon, Premier ministre. La laïcité, c'est la neutralité de l'État.
M. Jean-Pierre Brard. Ça, c'est vrai !
M. François Fillon, Premier ministre. La laïcité, c'est, enfin, le respect des autres, c'est-à-dire le respect des règles du pacte républicain, qui permettent de vivre en harmonie.
M. Daniel Vaillant. Tout cela, c'est réglé !
M. François Fillon, Premier ministre. Est-il nécessaire de réévaluer le principe de laïcité et son application pour tenir compte des évolutions de la société française ?
M. Christian Bataille. Non !
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas la question !
M. François Fillon, Premier ministre. La réponse que nous apportons à cette question est oui. (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Patrick Lemasle. C'est de la provocation !
M. François Fillon, Premier ministre. En particulier parce qu'il faut tenir compte d'un fait : l'augmentation du nombre de nos concitoyens de confession musulmane. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Il est nécessaire qu'ils puissent vivre leur foi librement et dignement.
M. Patrick Lemasle. Allons bon !
M. Jean Glavany. C'est seulement en 2011 que vous découvrez ?
M. Christian Bataille. Ne touchez pas à la loi de 1905 !
M. François Fillon, Premier ministre. Or chacun sait ici que ce n'est pas toujours le cas, que ce n'est pas vrai partout sur le territoire de la République.
M. Jean-Louis Bianco. Cela n'a rien à voir avec la laïcité !
M. François Fillon, Premier ministre. La question des lieux de culte est donc légitime ; nous avons le devoir d'aider nos concitoyens d'origine musulmane à résoudre ce problème.
M. Daniel Vaillant. Mais on le fait !
M. Jean Mallot. D'abord, qu'est-ce que ça veut dire, " d'origine musulmane " ?
M. François Fillon, Premier ministre. Et pour ce qui est du respect du pacte républicain, qui n'est pas compatible avec le communautarisme, la question doit être posée sans tabou et sans stigmatisation, comme nous l'avons fait d'ailleurs en prenant nos responsabilités sur le problème du voile intégral.
Célébrer, monsieur de Charette, les mérites de la laïcité au moment où souffle un vent de liberté dans le monde arabe, c'est en réalité être utile à tous ceux qui souhaitent dégager un équilibre entre le temporel et le spirituel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Débattre de la laïcité, ce n'est pas être à contre-courant de l'histoire ; c'est au contraire apporter des réponses à la quête d'identité et de liberté des peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. Hervé de Charette
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Cultes
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 2 mars 2011