organisation
Question de :
M. Jean Glavany
Hautes-Pyrénées (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 17 janvier 2008
LAÏCITÉ
M. le président. La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Jean Glavany. Monsieur le président, mes chers collègues, après le discours de Constantine, en Algérie, après celui de Latran, voici donc le discours de Ryad. Un discours du Président de la République où Dieu n'est plus cité à chaque page mais à chaque ligne, créant désormais un problème de fond dans la République.
Entendons-nous bien : il n'est pas question ici de relancer les guerres de religion. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elles ont fait assez de mal comme cela. Non, il s'agit surtout de vérifier, avec nos collègues de la majorité et avec le Gouvernement, si nous parlons toujours de la même République et de ses mêmes principes. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) D'où mes questions.
Premièrement, la loi de 1905, dite de séparation des églises et de l'État, interdit-elle, parallèlement et conjointement, aux religieux de s'immiscer dans la sphère politique et aux politiques de s'immiscer dans la sphère religieuse ? Si oui, n'est-elle pas violée en la circonstance ?
M. Bernard Roman. Eh oui !
M. Jean Glavany. Deuxièmement, quand le Président de la République s'est adressé aux étudiants de Constantine en disant " nous ", nous pensions benoîtement qu'il se référait aux Français. Pas du tout : il voulait dire " nous, les chrétiens " ! Et les autres ? Les juifs français, les musulmans français, les athées et les agnostiques sont-ils encore représentés par le président de tous les Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Troisièmement, le Président de la République affirme qu'" un homme qui croit est un homme qui espère ", comme si l'espérance était réservée aux croyants. Et Guy Môquet, mes chers collègues ? Était-il bien nécessaire d'honorer la mémoire du jeune résistant communiste, qui a transcendé la peur de mourir pour une belle espérance nommée liberté, pour l'humilier aussitôt de la sorte ? (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A-t-on le droit d'espérer en France, sans être croyant ? A-t-on le droit à une spiritualité sans Dieu, comme Spinoza, comme Camus, comme Sartre et bien d'autres ?
Le Président de la République dit enfin que, dans la transmission des valeurs et l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé...
M. le président. Posez votre question, monsieur Glavany. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Jean Glavany. ... parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance. D'où ma quatrième question : cette nouvelle hiérarchie, qui place l'instituteur, fonctionnaire de la République assumant une mission de service public, sous le prêtre, n'est-elle pas une insulte au dévouement exemplaire des instituteurs de la République depuis plus d'un siècle et une nouvelle violation de la loi de 1905 ?
M. le président. Monsieur Glavany...
M. Jean Glavany. Je conclus. Mes questions peuvent se résumer en une seule : dans cette nouvelle hiérarchie des valeurs qui s'esquisse, ces millions de Français et de Françaises qui ne sont pas croyants...
M. le président. Merci...
M. Jean Glavany. ...pratiquants, mais qui pensent tout simplement... (M. Glavany tente de poursuivre son propos, mais son micro est coupé.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. (Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche se lèvent et protestent vivement.)
Monsieur Glavany, vous avez parlé une minute de plus que le temps imparti. Le chronomètre en atteste.
M. Jean Glavany. Je me suis chronométré moi-même ! Vous êtes un menteur !
M. le président. Madame le ministre, vous avez la parole.
Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Glavany, oui, la laïcité est une grande et belle valeur de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. le président. Je vous en prie, chers collègues !
Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Nous pouvons nous retrouver sur ce point. Là où nous divergeons, c'est sur le sens que nous lui donnons. Nous, nous souhaitons reconnaître le rôle de la spiritualité, de toutes les spiritualités, dans notre pays. (Brouhaha persistant sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. le président. Madame le ministre, permettez-moi de vous interrompre un instant !
Je m'adresse à M. le président du groupe socialiste pour lui dire très simplement que je vérifie le temps de temps de parole, ici - et il l'a vu -, avec ce chronomètre. M. Glavany a parlé trois minutes et trente secondes. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
M. Jean Glavany. C'est faux !
M. le président. M. Glavany est un expert : il a annoncé une minute à l'avance qu'il allait poser sa question.
M. Henri Emmanuelli. Arrêtez, c'est grotesque !
M. le président. C'est pour cela que je l'ai laissé poursuivre. Je le répète : il a parlé trois minutes trente.
M. Jean Glavany. C'est un mensonge !
M. le président. Le sens de sa question est très clair, et c'est l'essentiel.
Madame le ministre de l'intérieur, vous avez la parole ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mme la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Monsieur Glavany, pour notre part, nous souhaitons reconnaître le rôle de la spiritualité sous toutes ses formes dans notre pays. Les Français y sont attachés. D'ailleurs, un ancien président de la République n'avait-il pas parlé des " forces de l'esprit ", en disant qu'il y croyait ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
À partir de là, nous en tirons les conclusions et, très logiquement, nous voulons aider toutes les spiritualités, sous toutes leurs formes, religieuses ou non religieuses, y compris donc celles qui sont fondées sur l'athéisme ou sur le rationalisme.
Nous croyons aussi, comme l'a dit le Président de la République à Riyad, à la richesse et à la diversité des religions et des cultures, de toutes les religions et de toutes les cultures.
Monsieur Glavany, il y a quelques jours, vous avez souhaité que l'on vous explique ce que pourrait être la laïcité négative. Je suis en mesure de vous répondre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) C'est l'attitude sectaire, fermée à l'égard des courants de pensée qui donnent leur sens et leur grandeur à notre pays. C'est votre attitude aujourd'hui. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre. - Vives protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Auteur : M. Jean Glavany
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : État
Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Ministère répondant : Intérieur, outre-mer et collectivités territoriales
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 janvier 2008