Question au Gouvernement n° 3063 :
immigration

13e Législature

Question de : M. Marcel Rogemont
Ille-et-Vilaine (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 10 mars 2011

PROPOS DE CHANTAL BRUNEL

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Marcel Rogemont. Égypte, Tunisie, Libye sont des noms qui aujourd'hui sonnent comme l'ouverture d'un printemps des peuples du Maghreb, printemps de peuples qui ont vécu des années durant, trop d'années, sous la férule de régimes autoritaires.
Une volonté de liberté porte les peuples à construire un autre avenir, où le mot de démocratie ne sera plus un gros mot, où il sera simplement la vie, la vie de tous les jours.
Devant cet immense espoir, la France est restée longtemps, trop longtemps, sans voix, sans réaction. La France a pris un grand retard dans la prise en compte de cette situation nouvelle et pourtant porteuse d'espoir. Et voici que, pour des raisons de politique intérieure, le thème de l'immigration prospère dans les propos des plus hautes autorités de l'État !
La peur de l'étranger est instillée, ce qui autorise le ministre de l'intérieur à déclarer en substance, à propos de l'arrivée de Tunisiens en Italie : " Que l'Italie se débrouille seule ! " Comme si cette question ne relevait pas aussi de la solidarité des pays européens et de l'Union européenne !
M. Maxime Gremetz. Ah, il est vraiment bon, ce ministre !
M. Marcel Rogemont. Cela autorise ensuite Chantal Brunel à affirmer : " Nous, on a des solutions, remettons-les dans les bateaux ! " Voilà une réponse qui signale qu'aucune politique fiable et durable n'est proposée !
Ainsi la politique extérieure de la France est-elle ballottée au gré de considérations intérieures qui forment le terreau sur lequel prospèrent des idées extrêmes.
Monsieur le ministre d'État, ne pensez-vous pas qu'il est de notre devoir de nous écarter de ces propos pour imaginer au Maghreb des citoyens heureux qui n'auront plus jamais à fuir leur pays et gonfler, ainsi, les rangs des clandestins ? Quelles propositions la France peut-elle faire ? Quelles actions entendez-vous proposer à l'Union européenne pour que le nom de la France soit synonyme de dignité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le député, les révoltes dans les pays arabes suscitent de grands espoirs. Elles ont aussi des conséquences en termes migratoires, que nous devons affronter et gérer avec humanité, mais aussi avec clarté.
Au moment où l'Égypte, la Tunisie et la Libye ont entamé une marche vers la démocratie et vers le progrès social, qui peut être difficile, au moment où elles ont besoin de tous les talents de leur jeunesse, ce serait un paradoxe que d'accepter une immigration massive, non contrôlée, en provenance de ces pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C'est la raison pour laquelle la France a demandé la réunion exceptionnelle d'un Conseil européen, qui se tiendra vendredi. Figurera à l'ordre du jour la réponse collective que l'Europe doit apporter à la question de la régulation de ces flux migratoires. Il s'agit d'apporter des réponses en Tunisie, en Égypte et en Libye, notamment en créant, en Libye, des zones humanitaires qui permettent d'accueillir les populations déplacées pour éviter qu'elles ne deviennent des populations immigrées, alors même qu'elles ont vocation à rester sur leurs territoires respectifs. Il s'agit aussi, pour l'ensemble des pays européens, de prendre en charge collectivement l'accueil, sur notre territoire, de populations qui seraient en danger et que notre tradition humaniste nous conduit à accueillir. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Derrière chaque migrant, il y a une destinée humaine qui doit être respectée. Chantal Brunel a tenu des propos que nous n'approuvons pas (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP, du groupe NC, du groupe SRC et du groupe GDR) et dont elle s'est excusée. Je tiens cependant à déplorer que l'opposition se saisisse de ces quelques phrases pour se donner bonne conscience et pour faire des amalgames douteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais bien que, depuis quelques jours, c'est l'extrême droite qui fixe le calendrier médiatique et politique. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Eh bien, cela doit cesser, mais, pour que cela cesse, chacun doit prendre ses responsabilités ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs. - Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons la responsabilité collective d'élever le débat républicain et d'engager la prochaine campagne présidentielle projet contre projet, et pas invectives contre invectives ! Nous avons la responsabilité collective de refuser la démagogie, qu'elle vienne de l'extrême droite ou de l'extrême gauche.
M. Henri Emmanuelli. Et Nicolas Sarkozy ?
M. François Fillon, Premier ministre. Nous avons la responsabilité d'aborder froidement les difficultés que rencontrent nos concitoyens, les angoisses qu'ils éprouvent, mais nous avons surtout la responsabilité, mesdames et messieurs les députés, d'offrir à nos concitoyens une autre image de la France, parce qu'à force de présenter la France sous ses traits les plus sombres...
M. Henri Emmanuelli. Et Nicolas Sarkozy, que fait-il ?
M. François Fillon, Premier ministre. ...nous condamnons les forces d'espérance, qui sont nombreuses dans notre pays. (Mmes et MM. députés des groupes UMP et NC se lèvent et applaudissent.)

Données clés

Auteur : M. Marcel Rogemont

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 mars 2011

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