Question au Gouvernement n° 3071 :
énergie nucléaire

13e Législature

Question de : M. Jean-Marc Ayrault
Loire-Atlantique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 16 mars 2011

CATASTROPHE NATURELLE AU JAPON

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Jean-Marc Ayrault. Mes premiers mots sont des mots d'amitié et de solidarité vis-à-vis du peuple japonais qui connaît un malheur immense et traverse cette épreuve avec une dignité qui force l'admiration du monde entier.
À l'heure où nous parlons, une catastrophe nucléaire est, hélas, probable. Nous devons éviter toute polémique sur un sujet qui alimente les inquiétudes de l'ensemble des nations. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC et sur quelques bancs du groupe SRC.)
Nos compatriotes s'interrogent. Une catastrophe est-elle possible dans notre pays ? Depuis soixante ans, les majorités successives ont partagé le choix du nucléaire. C'est ainsi que nous avons réduit notre dépendance énergétique et développé une filière industrielle d'excellence qui a nourri la croissance et créé des millions d'emplois. Mais le maintien de la confiance repose sur plusieurs conditions.
La première est la transparence. Nous souhaitons que le rapport Roussely sur la nouvelle architecture de la filière nucléaire, actuellement classé secret défense, soit immédiatement rendu public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La seconde condition est la sécurité, qui passe par la maîtrise à 100 % du nucléaire par le secteur public. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Les enjeux sont trop lourds pour abandonner le secteur à la recherche du profit. Nous vous demandons donc, monsieur le Premier ministre, de reconsidérer votre autorisation d'implantation du réacteur ATMEA qui ne satisfait pas ces conditions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La sécurité passe également par l'adoption de normes internationales. Les risques de dumping peuvent se révéler criminels. Nos exportations devraient aussi être contrôlées. Je pense, par exemple, au projet heureusement inabouti de vente d'une centrale nucléaire à la Libye.
Dans l'attente d'un retour des leçons à tirer sur ces accidents tragiques au Japon, nous demandons un moratoire, non pas sur la recherche, mais sur le développement de capacités nucléaires supplémentaires en France. Nous demandons également un audit public sur la sécurité de chacune de nos centrales et de chacun de nos réacteurs et sur la prolongation éventuelle de leur durée de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Enfin, monsieur le Premier ministre, je demande que soit organisé dans notre pays, sans oublier la dimension européenne, un grand débat national sur la politique énergétique.
Sur tout cela, il est important que notre pays puisse débattre de façon responsable et lucide et en transparence pour assurer la confiance de nos concitoyens dans l'avenir de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. La parole est à M. François Fillon, Premier ministre. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, messieurs les présidents de groupe, le Japon vient de subir l'un des quatre plus puissants tremblements de terre de l'histoire humaine, suivi d'un tsunami d'une violence extrême, qui a sans doute causé des dizaines de milliers de morts. Cinq cent mille personnes vivent actuellement dans des refuges provisoires, manquent d'eau, de nourriture, de médicaments. C'est tout un pays qui tente de surmonter la pire tragédie de son histoire depuis 1945.
Je veux d'abord adresser, au nom de la France tout entière, un message de solidarité, d'affection et de fraternité à la nation japonaise. (Applaudissements sur tous les bancs.) La France salue le courage du peuple japonais, qui se tient debout avec une dignité et un sang-froid qui forcent notre respect.
L'urgence est d'abord humanitaire. Cent quatorze personnels de la sécurité civile française sont sur place pour appuyer les secours. À la demande des autorités japonaises, nous préparons, depuis ce matin, l'envoi des équipements nécessaires à l'assistance aux personnes sans abri. La France, qui préside le G20, prendra, dans les prochaines heures, sous l'autorité du Président de la République, des initiatives pour venir en aide au Japon.
Cependant, vous l'avez souligné, l'urgence est maintenant aussi nucléaire. L'Autorité de sûreté nucléaire française vient de classer l'accident de Fukushima au niveau 6 sur une échelle qui en compte sept. L'enceinte de confinement d'un des réacteurs de Fukushima semble bien avoir été endommagée. Les piscines de stockage de combustible usé sont également vulnérables. La radioactivité sur le site rend très difficiles et très dangereux les travaux nécessaires à la reprise en main de la situation. Le relâchement de gaz radioactifs dans l'atmosphère, jusqu'alors volontaire pour gérer les surpressions dans les réacteurs, pourrait prendre des proportions beaucoup plus importantes. Les vents soufflent désormais vers le sud, et Tokyo se trouve déjà exposé à une augmentation anormale de la radioactivité, même si les données ne sont pas encore inquiétantes.
Notre premier devoir est celui de la solidarité avec le Japon. Des spécialistes de radioprotection partiront pour Tokyo dans les heures qui viennent. Nous avons proposé au gouvernement japonais des matériels de secours et d'assistance, et des experts de la sécurité nucléaire sont disponibles pour apporter leur concours à leurs homologues japonais.
Notre deuxième obligation est envers nos compatriotes vivant au Japon. Il y en a, en temps normal, près de 5 000 dans l'agglomération de Tokyo, sans doute un peu plus de 2 000 aujourd'hui : 280 parmi les personnes prioritaires, notamment les enfants, vont rentrer avec l'avion qui transportait les agents de la sécurité civile et les 10 000 pastilles d'iode destinées à nos ressortissants au cas où la situation justifierait leur emploi.
Nous avons proposé à ceux de nos compatriotes qui ne sont pas astreints à rester à Tokyo de rentrer en France ou de partir vers le sud du Japon dès maintenant. Le Gouvernement a demandé à Air France de mobiliser des avions se trouvant en Asie pour répondre sans délai à la demande de nos ressortissants.
Enfin, nous avons renforcé la surveillance des retombées radioactives outre-mer et sur le territoire métropolitain. Toutes les balises de détection et de mesure de l'IRSN sont activées, et j'indique à nos concitoyens que les résultats en sont disponibles en continu sur le site internet de l'IRSN. Enfin, l'Agence internationale pour l'énergie atomique mutualisera les informations utiles.
La situation au Japon suscite un débat sur notre politique nucléaire. Alors que les Japonais se battent contre la catastrophe, j'en appelle à la responsabilité et à la retenue. Il y a un temps pour chaque chose : aujourd'hui, c'est le temps du soutien et de la solidarité avec le peuple japonais. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur de nombreux bancs des groupes SRC et GDR.) Il y aura ensuite le temps du retour d'expérience. Nous devrons tirer tous les enseignements de cette catastrophe pour renforcer la sécurité de notre parc nucléaire. C'est l'un des plus sûrs, c'est l'un des plus vérifiés, c'est l'un des plus transparents.
M. Yves Cochet. Non !
M. François Fillon, Premier ministre. Il est tout aussi absurde d'affirmer que le nucléaire est condamné par cet accident que d'affirmer qu'il ne nous concerne pas. Nous n'éluderons aucune des questions posées par cette catastrophe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur quelques bancs des groupes SRC et GDR.)
Que s'est-il passé au Japon ? Deux catastrophes naturelles coup sur coup : un tremblement de terre d'une puissance inégalée, plus un tsunami. Si les centrales ont résisté au tremblement de terre, le tsunami a eu raison des systèmes de refroidissement. Nous devons tenir compte de ce qui s'est passé au Japon. À quelle force de tremblement de terre peut résister chacune de nos centrales ? À quel niveau d'inondation peuvent-elles faire face ? Nous allons contrôler tout cela et nous le ferons en toute transparence. Comme vous venez de le demander, les démonstrations de sûreté de chaque centrale en France seront contrôlées à la lumière des enseignements tirés de la catastrophe de Fukushima, et les résultats de ces contrôles seront rendus intégralement publics. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC, et sur divers bancs des groupes SRC et GDR.)
Mesdames et messieurs les députés, la catastrophe de Fukushima nous rappelle à l'exigence d'une gestion toujours plus professionnelle de nos risques industriels et à celle d'une totale transparence dans leur gestion, mais elle nous rappelle aussi à une solidarité humaine qui transcende les frontières. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP, NC, SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)

Données clés

Auteur : M. Jean-Marc Ayrault

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2011

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