Bangladesh
Question de :
M. Jérôme Chartier
Val-d'Oise (7e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 31 mars 2011
SITUATION DE MUHAMMAD YUNUS AU BANGLADESH
M. le président. La parole est à Jérôme Chartier, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.M. Jérôme Chartier. Monsieur le ministre des affaires étrangères, l'économie sociale et solidaire est un secteur particulièrement développé en France. Il tire son origine d'une intuition, celle du professeur Mohammad Yunus qui a fondé, en 1983, au Bangladesh, la Grameen Bank, une banque qui a deux particularités : la première est d'accorder des microcrédits pour les familles à revenu extrêmement faibles ; la seconde est de faire des emprunteurs des actionnaires de la banque à 95 %, les 5 % restants étant détenus par l'État du Bangladesh.
Le microcrédit tel qu'il est pratiqué par la banque Grameen est unanimement reconnu. Il a inspiré la France. C'est l'une des plus belles réussites concrètes en termes de lutte contre la pauvreté, et ce succès a d'ailleurs valu au professeur Yunus le prix Nobel de la paix en 2006.
Or, depuis plusieurs semaines, le professeur Yunus est remis en cause par le gouvernement du Bangladesh. Les raisons présentées masquent mal le principal reproche qu'on lui fait : son extraordinaire popularité auprès des Bangladais. En fait, beaucoup craignent que l'objectif recherché soit de mettre la main sur la Grameen Bank elle-même car les profits qu'elle a stockés depuis des années pour constituer l'épargne des neuf millions de familles pauvres aiguisent bien des appétits. Leur mauvaise utilisation pourrait conduire à ruiner un quart de la population du Bangladesh.
Monsieur le ministre d'État, face à une telle situation et alors qu'une grande partie de la communauté internationale s'est mobilisée, il est important que la voix de la France se fasse entendre. Ma question est simple : quelle est la position de la France devant les difficultés que rencontre le professeur Yunus et quelle vigilance souhaite-t-elle manifester s'agissant de l'avenir de la Grameen Bank ? (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes. Monsieur Chartier, ainsi que vous l'avez rappelé, Muhammad Yunus est l'inventeur du microcrédit, le fondateur de la Grameen Bank, et le prix Nobel de la paix lui a été attribué en reconnaissance de l'action qu'il a menée dans la lutte contre la pauvreté. Cette technique de crédit, dont vous avez donné la définition, est en effet l'une des armes les plus efficaces contre la pauvreté.
Un conflit est né entre la Banque centrale du Bangladesh et la Grameen Bank et la première a exigé la démission de M. Yunus. Le conflit a été porté en justice. La Cour suprême du Bangladesh doit se prononcer dans les prochains jours. Vous comprendrez que le Gouvernement français ne puisse s'immiscer dans les procédures judiciaires bangladaises. Cela étant, nous avons bien entendu fait savoir que nous veillerons à ce que M. Yunus bénéficie d'un procès équitable.
Mme Lagarde va recevoir son homologue bangladais dans quelques jours. Celui-ci a préconisé publiquement un règlement amiable de ce conflit.
En toute hypothèse, vous avez eu raison de le rappeler, le microcrédit restera une magnifique réalisation. Il permet, par exemple, de financer des initiatives de femmes dans des pays en développement - en Inde, en Afrique sub-saharienne et en Afrique du Nord -, et il a été transposé en France où beaucoup d'institutions du même type permettent à des personnes en situation de précarité de créer des entreprises et ainsi d'accéder à un niveau de vie meilleur. C'est en tout cas une réalisation qui restera attachée au nom de Muhammad Yunus. (Applaudissements sur divers bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. Jérôme Chartier
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes
Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 31 mars 2011