montant
Question de :
M. David Habib
Pyrénées-Atlantiques (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 13 avril 2011
RÉGIME FISCAL DE TOTAL
M. le président. La parole est à M. David Habib, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. David Habib. Je voudrais d'abord dire à M. Frédéric Lefebvre que, même si le projet socialiste n'a pas l'ambition d'égaler les écrits de Voltaire, il devrait lui consacrer davantage de temps lorsqu'il veut en faire l'exégèse ! (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ma question s'adresse au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. Le prix de l'énergie a augmenté de 15 % en un an : 6 % pour l'électricité et 20 % pour le gaz ; quant au prix du pétrole, il flambe. Les Français mesurent chaque jour les effets de ces hausses sur leur pouvoir d'achat.
À l'inverse, pour quelques-uns, la France de Nicolas Sarkozy est un pays de Cocagne. Bercy vient en effet de transmettre une étude qui montre que Total n'a pas payé d'impôt sur les sociétés en 2010 et n'en paiera pas non plus en 2011.
Première capitalisation boursière de France, réalisant l'an passé plus de 10 milliards de bénéfices, Total profite du dispositif du bénéfice mondial consolidé pour échapper à l'impôt sur les sociétés. Cette niche profite à cinq groupes, à quelques dizaines d'actionnaires et coûte 500 millions d'euros.
En cette période où le pouvoir d'achat est lourdement malmené, notamment par la hausse du prix de l'énergie, ce cadeau fiscal est inadmissible. Je souhaite donc connaître, monsieur le ministre, pour 2009, 2010 et 2011, le montant exact du manque à gagner pour l'État de ce cadeau consenti à Total.
Par ailleurs, confirmez-vous l'information selon laquelle vous seriez en train de négocier avec Total l'annulation ou la réduction de ce même impôt, en vertu de ce même mécanisme, jusqu'en 2013 ?
Je rappelle à notre assemblée que le renouvellement de l'agrément qui permet à ces cinq groupes, dont Total, de s'exonérer de l'impôt sur les sociétés est irrévocable et vaut pour trois ans. Aussi, quelles sont vos intentions et à combien s'établirait ce cadeau supplémentaire pour les exercices à venir ?
Contrairement à ce que vous venez de laisser entendre, ce n'est pas la contribution financière de la filière pétrolière visant à couvrir le relèvement du forfait kilométrique qui modifiera le sentiment qu'on prélève au plus grand nombre pour financer quelques-uns ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Michel Sapin. Ça, c'est sûr !
M. le président. La parole est à M. le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement.
M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Quelle contradiction, monsieur le député ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) C'est d'abord une contradiction pour vous-même, car je crois que vous êtes l'élu d'un bassin industriel où Total est installé. (" Et alors ? " sur les bancs du groupe SRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
M. François Baroin, ministre. Total, c'est 100 000 emplois dans le monde, dont 35 000 en France. Comment pouvez-vous soutenir le maintien d'outils de production sur site ? Comment pouvez-vous développer l'idée de lutter contre les délocalisations ? Comment pouvez-vous porter dans le projet socialiste - et c'est la seconde contradiction - la volonté d'une politique industrielle stable, durable et confortant nos emplois sur zone tout en proposant la suppression du bénéfice mondial consolidé ?
En effet, c'est quand même un paradoxe : la France n'a pas de pétrole, or Total est une entreprise pétrolière. Par un constat d'évidence, n'arrivez-vous pas à la conclusion que Total exerce son activité à l'extérieur de notre pays ?
Second constat d'évidence : les entreprises qui exercent leur activité sur notre territoire paient leur impôt sur notre territoire ; les entreprises qui exercent leur activité à l'extérieur de notre territoire bénéficient du dispositif fiscal au niveau international.
M. Christian Eckert et M. Patrick Lemasle. Vous ne répondez pas à la question !
M. François Baroin, ministre. Est-ce là une dérogation en faveur de Total ? Est-ce là une dérogation pour la France ? La réponse est non. C'est même le système le plus fréquemment utilisé par les pays de l'Union européenne et par la plupart des entreprises accompagnées par l'OCDE, qui favorise le développement. D'ailleurs, c'est tellement logique !
Permettez-moi, pour conclure, de rappeler que l'impôt sur les sociétés ne représente que 10 % de l'effort contributif d'une entreprise ; le reste est facturé et payé.
M. David Habib. Combien ?
M. François Baroin, ministre. Il n'y a donc pas à remettre en cause le bénéfice mondial consolidé, lié à la situation particulière de Total.
M. Patrick Lemasle. Vous ne répondez pas à la question !
M. le président. Monsieur Lemasle, je vous en prie !
M. François Baroin, ministre. Il n'est pas question non plus de taire des informations...
Plusieurs membres du groupe SRC. Mais si !
M. François Baroin, ministre. ...qui sont à la disposition du président de la commission des finances. Pour le reste, je ne trahirai pas le secret fiscal ! (" Ah ! " sur les bancs du groupe SRC. - Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Auteur : M. David Habib
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Impôt sur les sociétés
Ministère interrogé : Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l'État
Ministère répondant : Budget, comptes publics, fonction publique et réforme de l'État
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 13 avril 2011