Question au Gouvernement n° 3317 :
énergie nucléaire

13e Législature

Question de : M. Serge Poignant
Loire-Atlantique (10e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

Question posée en séance, et publiée le 1er juin 2011

FIN DU NUCLÉAIRE EN ALLEMAGNE

M. le président. La parole est à M. Serge Poignant, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Serge Poignant. Monsieur le Premier ministre, après avoir dans un premier temps annoncé la prolongation de leur durée de vie, Mme Merkel a pris la décision de fermer l'ensemble des centrales nucléaires allemandes. Je m'interroge. En effet, je crains que l'Allemagne ne soit amenée à développer les centrales à charbon, qui représentent déjà aujourd'hui 55 % de la production énergétique allemande, avec les conséquences lourdes que l'on connaît en termes d'émission de gaz carbonique et de réchauffement climatique.
Conformément au Grenelle de l'environnement, je prends la précaution d'affirmer ici mon engagement pour une réelle diminution de notre consommation d'énergie comme pour le développement accru et déterminé des énergies renouvelables dans notre pays, en Europe et dans le monde ; je prends cette précaution pour poser la question du nucléaire, que je pense indispensable dans le mix énergétique mondial pour répondre à la fois à la réalité de la demande et à la lutte, essentielle, contre le réchauffement climatique.
Dans notre pays, l'énergie nucléaire représente plus de 75 % de notre production d'électricité - à comparer avec 23 % en Allemagne - et garantit notre indépendance énergétique.
M. Noël Mamère. Mais non !
M. Serge Poignant. Ce secteur, dans lequel notre savoir-faire et notre démarche de sécurité sont mondialement reconnus, représente 200 000 emplois.
Après Fukushima et des engagements français légitimes en termes de sécurité accrue, après cette décision allemande, qui peut provoquer le doute chez nos concitoyens - doute peu ou prou entretenu par notre opposition, fortement divisée en la matière -, pourriez-vous, monsieur le Premier ministre, affirmer clairement la position de la France sur cette question du nucléaire ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. François Fillon, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, monsieur le président de la commission des affaires économiques, le Gouvernement allemand a en effet décidé de confirmer la décision, prise par le Gouvernement de M. Schröder il y a quelques années, de sortir du nucléaire.
M. Noël Mamère. Il a eu raison !
M. François Fillon, Premier ministre. Le Gouvernement français n'a pas de jugement à porter sur cette décision.
M. Jean Glavany. Alors pourquoi donc en parle-t-on ? (Sourires.)
M. François Fillon, Premier ministre. Comme vous l'avez indiqué, cette décision aura naturellement des conséquences à court terme : malgré un effort très important en matière d'énergies renouvelables, l'Allemagne devra augmenter son recours au gaz, au charbon et à l'importation d'électricité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard. D'électricité nucléaire...
M. Jean-Pierre Brard. D'électricité nucléaire...
M. François Fillon, Premier ministre. Ce n'est pas le choix que fait notre pays.
Depuis trente ans, d'une façon, je veux le rappeler, assez consensuelle...
M. Noël Mamère et M. François de Rugy. Il n'y a pas de consensus !
M. François Fillon, Premier ministre. ...nous avons choisi d'investir largement dans le domaine du nucléaire, avec des objectifs qui sont toujours d'actualité : l'indépendance énergétique de notre pays...
M. Noël Mamère. Non ! Nous n'avons pas d'uranium !
M. François Fillon, Premier ministre. ...et l'obtention de coûts d'énergie qui permettent à notre industrie d'être compétitive ; s'y est ajoutée la lutte contre le réchauffement climatique, puisque chacun constate qu'après cette décision, il sera plus difficile pour l'Allemagne de respecter les objectifs que nous nous sommes fixés en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
M. Bernard Deflesselles. Eh oui !
M. François Fillon, Premier ministre. L'accident de Fukushima pose toutefois en matière de sécurité des questions que personne n'a le droit d'éluder. (Exclamations sur de nombreux bancs des groupes GDR et SRC.) Ces questions, nous avons choisi d'y répondre de la manière suivante - je l'ai d'ailleurs indiqué devant l'Assemblée nationale dans les premiers jours qui ont suivi cet accident : nous allons mettre en place un dispositif de test qui conduira à simuler, pour chacun de nos centrales, des situations parfaitement exceptionnelles, qui sont celles qu'a connues la centrale de Fukushima : tremblement de terre supérieur à ceux que la France a connu au cours de son histoire, inondation massive à l'exemple du tsunami qui s'est produit au Japon, provoquant la panne de l'ensemble des systèmes d'alimentation et de refroidissement des réacteurs.
M. Noël Mamère. Et le terrorisme ?
M. François Fillon, Premier ministre. Nous allons passer chacune de nos centrales à ce crible-là. Si certaines ne répondaient pas à ces critères, nous prendrions la décision de les fermer.
À l'occasion du Grenelle de l'environnement, et même si le nucléaire reste au coeur de notre stratégie en matière d'énergie, nous avons décidé de consentir un effort important en faveur des énergies renouvelables, afin de mettre en place un mix énergétique plus large. (Protestations sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC)
Nous avons pris l'engagement d'atteindre 23 % d'énergies renouvelables en 2020, et nous tiendrons cet engagement. Nous allons d'ailleurs lancer dans quelques semaines l'appel d'offres pour la première tranche de 3 000 mégawatts pour l'éolien en mer, pour atteindre l'objectif de 6 000 mégawatts en 2020.
Dans dix ans, 34 % de notre production électrique seront issus des énergies renouvelables. Voilà la politique que le Gouvernement français a choisi de mener.
Sur cette question du nucléaire, depuis trente ans, et malgré les cris que j'entends ici ou là, un consensus s'est créé - en tout cas un consensus entre les majorités successives qui ont gouverné notre pays. (Protestations sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Je demande que, de chaque côté de l'hémicycle, l'on soit prudent avant de le remettre en cause. Le débat sur l'énergie est naturel et légitime ; nous devons nous écouter les uns les autres pour ne pas casser de façon artificielle ce consensus qui a fait la force de notre pays. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Daniel Paul et M. Jean-Claude Sandrier. Très bien !

Données clés

Auteur : M. Serge Poignant

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Énergie et carburants

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 1er juin 2011

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