Question au Gouvernement n° 3483 :
journalistes

13e Législature

Question de : Mme Élisabeth Guigou
Seine-Saint-Denis (9e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 8 septembre 2011

SECRET DES SOURCES DES JOURNALISTES

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Mme Élisabeth Guigou. Monsieur le Premier ministre, il y a un an, le 14 septembre 2010, je vous ai interrogé sur l'enquête menée par les services secrets qui visaient les appels téléphoniques de plusieurs journalistes du quotidien Le Monde s'intéressant à l'affaire Bettencourt. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Franck Gilard. Et Mitterrand ?
Mme Élisabeth Guigou. Je vous avais demandé si les règles légales qui encadrent l'usage des écoutes téléphoniques et des factures détaillées avaient bien été respectées.
Deux ministres avaient répondu. Le ministre de l'intérieur avait affirmé qu'il n'y avait pas eu d'écoutes, sans donner de précisions sur le contrôle des factures détaillées, les fadettes, elles aussi soumises à des autorisations précises. Quant au porte-parole du Gouvernement, M. Chatel, il avait répondu à Aurélie Filippetti que le Gouvernement n'avait jamais porté atteinte à la protection des sources.
M. Jean-Paul Anciaux. Vous êtes payée par Le Monde ou quoi ?
Mme Élisabeth Guigou. Il aura fallu un an et l'enquête d'une juge d'instruction indépendante pour apprendre que les deux ministres ont menti à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. - Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.) Selon Le Monde, l'enquête établit que deux lois essentielles de notre République ont été violées : la loi sur la liberté de la presse de 1881 renforcée par la loi du 10 janvier 2010, qui protège les sources des journalistes, et la loi du 10 juillet 1991 qui soumet à autorisation du Premier ministre et de la Commission nationale de contrôle indépendante, la consultation des fadettes et les écoutes téléphoniques.
Si c'est le cas, les services de l'État ont détourné leur mission d'intérêt général pour protéger les intérêts privés de personnalités du Gouvernement ou de l'Élysée citées dans l'affaire Bettencourt.
Si ces faits sont prouvés, nous sommes devant une affaire d'État. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
M. Patrick Balkany. Vous n'avez pas honte ?
M. Franck Gilard. Et s'ils ne le sont pas, vous vous excuserez ?
Mme Élisabeth Guigou. Je vous pose trois questions :
Les services de l'État se sont-ils procuré les factures téléphoniques détaillées des journalistes sans y être légalement autorisés ?
Le Gouvernement a-t-il donné l'ordre de procéder à des recherches sur les factures détaillées des journalistes ?
Allez-vous autoriser M. Guéant, ministre de l'intérieur aujourd'hui, secrétaire général de l'Élysée il y a un an, qui vient de reconnaître qu'il y a eu des repérages téléphoniques, à être auditionné par la commission des lois ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d'abord rappeler les faits. Chacun se souvient que la presse, lors de l'été 2010, a publié le contenu de procédures judiciaires couvertes par le secret de l'instruction.
M. Jacques Myard. Scandaleux !
M. Claude Guéant, ministre. Sur le fondement de renseignements qui lui étaient parvenus, la direction centrale du renseignement intérieur a estimé qu'un membre d'un cabinet ministériel pouvait à l'origine de ces fuites. Une vérification de communications téléphoniques a alors été entreprise.
M. Christian Bataille. Un " repérage " !
M. François Hollande. Et avec quelles autorisations ?
M. Claude Guéant, ministre. Et les résultats de cette vérification ont été communiqués au procureur de la République. Je dis bien " vérification " des communications téléphoniques, c'est-à-dire vérification de l'existence de communications. En aucun cas il ne s'est agi d'écoutes. Aucune conversation n'a été enregistrée, aucune conversation n'a été entendue.
M. Patrick Balkany. Pas comme du temps de Mitterrand !
M. Claude Guéant, ministre. À ceux qui ont la mémoire courte, je rappellerai que tel n'a pas toujours été le cas dans l'histoire de notre République. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.) Entre 1983 et 1986, près de 3 000 conversations téléphoniques concernant cent cinquante personnes avaient été enregistrées par la cellule dite de l'Élysée. (Huées sur les bancs du groupe UMP.)
M. Éric Raoult. Qu'en dites-vous, madame Guigou ?
M. Claude Guéant, ministre. À la suite de l'enquête de la DCRI, une plainte a été déposée pour non-respect de la loi relative à la protection des sources des journalistes.
Je dis, très simplement mais très solennellement, qu'il appartient à la justice de dire si l'enquête a été respectueuse du droit ou non.
Mme Annick Lepetit. Tout de même !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Enfin ! Ce serait une bonne chose !
M. Claude Guéant, ministre. Faisons confiance à la justice. Des procès sont instruits dans la presse ou à coup de communiqués. Les insinuations deviennent des vérités et les questions, des certitudes définitives. C'est grave pour le fonctionnement de notre démocratie.
M. Patrick Bloche. C'est vous qui êtes grave !
M. Claude Guéant, ministre. Encore une fois, faisons confiance à la justice ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)

Données clés

Auteur : Mme Élisabeth Guigou

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Presse et livres

Ministère interrogé : Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration

Ministère répondant : Intérieur, outre-mer, collectivités territoriales et immigration

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 septembre 2011

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