Question au Gouvernement n° 3519 :
délocalisations

13e Législature

Question de : M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 6 octobre 2011

DÉLOCALISATIONS FISCALES

M. le président. La parole est à M. Joël Giraud.
M. Joël Giraud. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et concerne les délocalisations fiscales, particulièrement préjudiciables à l'État, aux collectivités territoriales et aux salariés. J'avais déjà interrogé Mme Lagarde en 2008 pour savoir si elle avait l'intention de permettre la création d'une commission d'enquête de notre assemblée à ce sujet.
En effet, pour payer moins d'impôts et de salaires, les multinationales jouent sur la concurrence fiscale et les prix de transfert et développent même de nouveaux montages juridico-financiers afin de concentrer les bénéfices là où la pression fiscale sur les entreprises est faible. Colgate-Palmolive est devenu l'emblème de ces délocalisations. L'entreprise a regroupé ses sièges européens à Genève après y avoir négocié un taux d'imposition de 6,4 % sur dix ans, soit 22 points de moins que la moyenne de l'Union Européenne.
Des exemples récents comme la fermeture de l'usine Unilever-Fralib de Gémenos ou la délocalisation du siège social de Crown Emballage en Suisse et d'autres cas cités hier dans cet hémicycle viennent nous rappeler à quel point il est urgent de réagir et de lutter contre ces groupes qui profitent des lacunes des dispositifs fiscaux nationaux et de l'absence de gouvernance économique et fiscale européenne pour détourner les bénéfices réalisés en France et organiser leur fuite au profit des actionnaires, dans le plus grand mépris des salariés. Ces salariés assistent impuissants, en attendant de perdre leur emploi, à l'affaiblissement des instances représentatives du personnel puisque les sites de production locaux perdent la maîtrise de leur avenir. Pour les actionnaires, par contre, c'est tout bénéfice. Les économies d'impôts réalisées financent même les plans sociaux.
Alors que le Gouvernement, confronté à un déficit abyssal des comptes de l'État, a présenté un plan de rigueur de 12 milliards d'euros qui pénalise encore davantage les salariés français, il est sidérant de constater que la perte due aux délocalisations fiscales est estimée entre 50 et 70 milliards d'euros.
Nous exigeons donc une riposte vigoureuse des pouvoirs publics, qui ont fait preuve d'un grand laxisme - faut-il parler de complicité ? - ces dernières années.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, les députés radicaux de gauche réitèrent leur demande : avez-vous l'intention de permettre la création de la commission d'enquête que nous réclamons depuis plus de trois ans afin d'apprécier le fondement juridique de cette stratégie scandaleuse, d'en évaluer les conséquences sur l'emploi et la fiscalité et de proposer des mesures en faveur d'une gouvernance économique et fiscale européenne ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. François Baroin, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, vous posez de façon agressive (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR) une question à laquelle le Gouvernement apporte de façon méthodique, dans une stratégie déclinée tout au long du quinquennat, des réponses précises et coordonnées.
Tout d'abord, vous ne pourrez plus utiliser comme argument le bénéfice mondial consolidé puisque le Gouvernement a proposé une formule visant à mettre un terme à ce dispositif. Il n'était pas choquant par ailleurs mais, dans cette période où l'on recherche l'équilibre et le sentiment d'équité, il était justifié de normaliser la situation.
Cela dit, votre question pose la problématique de la convergence fiscale, notamment à l'intérieur de la zone euro. Ce n'est pas une commission d'enquête ou une commission d'information qui permettront d'y répondre. Ce qui est indispensable, c'est une action résolue, essentiellement du couple franco-allemand. Le Président de la République et la Chancelière Merkel, ainsi que les ministres des finances, Wolfgang Schäuble et moi-même, ont des propositions sur la table des discussions concernant la modification de la gouvernance de la zone euro, avec, comme priorité, la convergence fiscale. Cela doit se faire dans un premier temps au niveau de l'impôt sur les sociétés pour éviter un système de dumping fiscal sur la base d'une fiscalité des entreprises qui peut avoir des conséquences sur le plan social.
C'est la raison pour laquelle, avec Valérie Pécresse et à la suite des arbitrages du Premier ministre, nous avons anticipé des modifications dans le budget 2012, notamment des reports de déficit, à l'instar de ce que font nos amis et voisins allemands, et mis sur la table le calendrier d'une convergence fiscale qui devrait permettre d'arriver en 2013 à un système parallèle dans un calendrier synchrone et apporter aussi de la stabilité à la zone euro. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Données clés

Auteur : M. Joël Giraud

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Entreprises

Ministère interrogé : Économie, finances et industrie

Ministère répondant : Économie, finances et industrie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 6 octobre 2011

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