Question au Gouvernement n° 3763 :
procédure pénale

13e Législature

Question de : Mme Delphine Batho
Deux-Sèvres (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 15 décembre 2011

AFFAIRE KARACHI

M. le président. La parole est à Mme Delphine Batho, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Mme Delphine Batho. Monsieur le Premier ministre, hier, un ancien ministre a été placé en garde à vue pour être entendu dans l'enquête sur le financement illicite de la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995, en lien avec des contrats d'armement signés en 1994 (Protestations sur les bancs du groupe UMP), puisque la justice privilégie désormais la piste politico-financière dans l'affaire de l'attentat de Karachi, qui a coûté la vie de quatorze personnes.
Dans cette affaire, deux autres proches de Nicolas Sarkozy, M. Thierry Gaubert et M. Nicolas Bazire - auquel le Président de la République a d'ailleurs renouvelé sa confiance à la télévision le 27 octobre dernier - sont mis en examen pour recel et complicité d'abus de biens sociaux, de même qu'un intermédiaire bien connu des chefs de l'UMP, Ziad Takieddine.
Le 22 septembre dernier, l'Élysée a publié un communiqué de presse indiquant, au mépris des règles du secret de l'instruction, que " s'agissant de l'affaire dite "de Karachi", le nom du chef de l'État n'apparaît dans aucun des éléments du dossier ". Outre que c'est factuellement faux, il est établi qu'à l'époque où Nicolas Sarkozy était ministre du budget, son ministère a autorisé la création des sociétés Heine et Eurolux, sociétés-écrans basées dans un paradis fiscal et ayant servi à dissimuler l'argent des rétrocommissions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe NC. Arrêtez ! C'est lamentable !
Mme Delphine Batho. De nombreux indices démontrent que ces rétrocommissions présentent des liens avec le financement illégal de la campagne d'Édouard Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) J'ajoute que cette affaire a donné lieu à une intrusion illégale dans le déroulement de la justice d'un ancien ministre, conseiller de Nicolas Sarkozy, chef de la cellule riposte de l'UMP, Brice Hortefeux, qui a cherché à prévenir l'un des protagonistes de sa prochaine mise en cause. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Malgré les entraves à la justice, malgré le secret défense qui n'est toujours pas levé - contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le garde des sceaux -, à l'évidence l'affaire Karachi concerne Nicolas Sarkozy. ! (" Non ! " sur les bancs du groupe UMP.)
M. Franck Gilard. C'est faux !
Mme Delphine Batho. Ma question est la suivante : que savait Nicolas Sarkozy, ministre du budget à l'époque, et quel a été son rôle ? Nous attendons vos explications !
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés. Madame la députée, je veux d'abord vous dire une chose toute simple : la longue liste de personnes mises en examen que vous venez d'énumérer est bien la preuve que la justice travaille librement ! Si elle n'était pas libre, nous n'aurions probablement pas toutes ces interrogations... Les magistrats conduisent leur enquête en toute liberté, en toute autonomie et en toute responsabilité. Si une personne se trouve aujourd'hui en garde à vue, c'est bien parce qu'un magistrat l'a décidé, et c'est sous son contrôle que se déroule cette garde à vue : le Gouvernement n'intervient pas dans le cours de la justice.
Je le répète, le garde des sceaux n'est jamais intervenu dans le cours de la justice...
M. Christian Bataille. Jamais ?
M. Philippe Plisson. C'est risible !
M. Albert Facon. Et les autres ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. ...et les magistrats travaillent librement. C'est la vérité, j'en atteste devant l'Assemblée nationale !
M. Bruno Le Roux. Quel est le rôle de Nicolas Sarkozy dans cette affaire ? C'est à cette question qu'il faut répondre !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vouloir faire un procès ici, alors qu'il doit être fait par les seuls magistrats, c'est mélanger les genres et nier l'indépendance de la justice. Nous veillerons, pour notre part, à ce que la justice reste dans son rôle et puisse faire son travail jusqu'au bout, dans le calme et la sérénité, car il n'appartient à personne d'autre qu'aux juges de mener leur travail, et ils le font fort bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Données clés

Auteur : Mme Delphine Batho

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Droit pénal

Ministère interrogé : Justice et libertés

Ministère répondant : Justice et libertés

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 15 décembre 2011

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