délocalisations
Question de :
M. Joël Giraud
Hautes-Alpes (2e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 10 avril 2008
DÉLOCALISATIONS FISCALES
M. le président. La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Joël Giraud. Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et concerne les délocalisations fiscales, qui sont particulièrement nocives pour nos finances publiques et dévastatrices pour notre industrie et pour notre emploi.
En effet, de plus en plus de grandes entreprises délocalisent leurs sièges sociaux vers des pays où la fiscalité est beaucoup plus avantageuse. C'est, par exemple, le cas du groupe Colgate-Palmolive, qui a quitté Compiègne pour établir sa maison mère à Genève et bénéficier ainsi de la fiscalité suisse.
M. Lucien Degauchy. À cause des trente-cinq heures !
M. Joël Giraud. Ce phénomène se généralise et devient une véritable stratégie industrielle et financière. Pas plus tard qu'hier, la presse économique évoquait une possible opération de rachat du groupe français L'Oréal par le groupe Nestlé. Si cette information était confirmée, les bénéfices du groupe L'Oréal seraient alors soumis, eux aussi, à la fiscalité suisse, et non plus française.
D'une part, ce phénomène de délocalisations non visibles entraîne un manque à gagner fiscal considérable pour nos finances publiques : les pertes sont énormes aussi bien pour l'État que pour les collectivités territoriales. Pour 2008, les estimations les plus basses chiffrent la perte pour l'État à 32 milliards d'euros ! On est bien au-delà des 6 à 7 milliards d'économie recherchés par le plan de rigueur du Gouvernement, rigueur qui se fait encore une fois au détriment du pouvoir d'achat de tous les Français.
D'autre part, les délocalisations fiscales d'aujourd'hui annoncent et préparent les licenciements et les fermetures de sites de demain. En effet, les économies d'impôts ainsi réalisées par ces grands groupes permettent ensuite de financer les plans sociaux en France, comme est venu le rappeler la récente fermeture de l'usine Miko de Saint-Dizier par le groupe Unilever, lequel avait préalablement transféré son siège en Suisse.
Il est grand temps de réagir. Il y a urgence ! Devant l'absence de réaction du Gouvernement, qui, jusqu'à présent, ne semble pas - ou ne veut pas - mesurer l'ampleur du phénomène, les députés radicaux de gauche ont décidé d'agir avec les outils du travail parlementaire.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. La question !
M. Joël Giraud. C'est pourquoi nous avons demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les délocalisations fiscales. (" Bravo ! " sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Elle aurait pour objet d'évaluer précisément les conséquences sur l'emploi et la fiscalité, d'apprécier le fondement juridique de cette stratégie scandaleuse d'optimisation fiscale et de proposer enfin des mesures en faveur d'une harmonisation fiscale européenne plus que jamais indispensable.
Madame la ministre, quelle est votre appréciation des délocalisations fiscales, dont les services de Bercy ne peuvent ignorer les effets pervers ? Le Gouvernement auquel vous appartenez et sa majorité ont-ils l'intention de permettre la création de la commission d'enquête que nous réclamons ? Celle-ci est aujourd'hui une urgence absolue pour la nation ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Monsieur le député, le Gouvernement est particulièrement sensible au problème des délocalisations, surtout lorsqu'elles sont fondées sur une optimisation fiscale. Pour autant, nous devons vivre dans le monde tel qu'il est, avec une concurrence entre les États, y compris au sein de l'Union européenne. C'est bien la raison pour laquelle la France soutient une harmonisation fiscale optimum en Europe, dont nous savons qu'elle sera basée sur l'unanimité entre les États.
La politique du gouvernement français en la matière est double.
Le premier axe consiste, pour éviter les délocalisations, à encourager tout simplement les localisations d'investissements directs étrangers en France.
M. Maxime Gremetz. Mais non !
Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. À ce titre, nous devons, d'une part, améliorer la qualité de la main-d'oeuvre et de nos infrastructures - nous réformerons, pour ce faire, la formation professionnelle -, d'autre part, faire en sorte que l'environnement fiscal et social soit accueillant pour les investissements directs étrangers.
Mme Arlette Grosskost et M. Nicolas Forissier. Très bien !
Mme la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi. Je trouve donc un peu curieux de recevoir de la gauche de cet hémicycle des leçons en matière d'attractivité fiscale et sociale ! Vous ne nous avez pas beaucoup aidés, messieurs ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Le deuxième axe de notre politique consiste à lutter contre les délocalisations fiscales. Notre code général des impôts comporte à cet égard deux dispositions : l'article 57, destiné à éviter les transferts de bénéfices purement fictifs, et l'article 209 B, visant à éviter les transferts de bénéfices au profit des paradis fiscaux.
Sous la direction d'Éric Woerth chargé de ces questions, tous les services sont mobilisés pour lutter contre l'optimisation fiscale lorsqu'elle constitue une fraude. Mais il est également impératif - et cela fait partie de notre politique - de faire en sorte que ceux qui créent de la valeur, développent des emplois et distribuent des salaires aient envie d'investir et de rester en France. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : M. Joël Giraud
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Entreprises
Ministère interrogé : Économie, industrie et emploi
Ministère répondant : Économie, industrie et emploi
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 10 avril 2008