Question au Gouvernement n° 454 :
lutte contre la faim

13e Législature

Question de : Mme George Pau-Langevin
Paris (21e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 17 avril 2008

ÉMEUTES DE LA FAIM

M. le président. La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le groupe SRC.
Mme George Pau-Langevin. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères. Nous avons déjà évoqué hier les émeutes de la faim, mais c'est un sujet suffisamment important pour qu'on y revienne aujourd'hui.
Depuis plusieurs jours, de nombreux pays sont secoués par de telles émeutes. Des manifestations ont eu lieu dans le monde entier, en Égypte, au Maroc, en Côte d'Ivoire, en Mauritanie, au Sénégal ou ailleurs.
À Haïti - pays qui me tient particulièrement à coeur, car je suis présidente du groupe d'amitié -, ces troubles ont été particulièrement graves : on compte déjà plusieurs morts et des centaines de blessés. Le mouvement de protestation, qui a gagné la capitale, a donné lieu à des heurts violents, et le gouvernement de Jacques-Édouard Alexis a été renversé.
D'après ce que l'on dit, ces événements dramatiques vont se répéter dans beaucoup de pays, car leur principal facteur déclenchant est l'envolée mondiale des prix des denrées alimentaires de base. Ces trois dernières années, ceux-ci ont augmenté globalement de 83 % : le prix des céréales a augmenté de 42 %, celui du blé de 77 % et celui des produits laitiers de 80 %. C'est d'autant plus insupportable que, dans beaucoup de pays, les habitants, très pauvres, consacrent déjà l'essentiel de leurs ressources à l'alimentation ; et le pillage des zones de pêche par des bateaux étrangers ne fait qu'aggraver un peu plus le déséquilibre alimentaire de ces pays.
Il semblerait que la tendance ne soit pas prête de s'améliorer, compte tenu de la montée du prix du pétrole et du dérèglement climatique. Mais il faut aussi rappeler la responsabilité des pays de 1'OCDE qui, en subventionnant leurs produits agricoles à l'exportation, contribuent à la destruction des cultures vivrières dans le tiers monde.
M. Maxime Gremetz. Et le FMI ?
Mme George Pau-Langevin. Les paysans pauvres sont de ce fait acculés à l'émigration, et ils viennent s'entasser aux frontières de l'Europe, souvent au péril de leur vie.
Hier, M. Barnier nous a dit qu'il essaierait de prendre des initiatives dans le cadre européen ; mais il est resté silencieux sur ce que comptait faire la France, à son niveau. Or, nous l'avons constaté lors du vote du dernier budget, l'aide publique au développement a été diminuée.
M. le président. Posez votre question, madame Pau-Langevin.
Mme George Pau-Langevin. Que compte faire la France pour éviter ce que d'aucuns appellent " un tsunami silencieux " ? Va-t-elle respecter ses engagements internationaux en matière d'aide publique au développement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.
M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes. Madame Pau-Langevin, vous avez entièrement raison, et nous nous inquiétons tous, comme vous, de la dégradation brutale, bien qu'attendue, de la situation alimentaire.
S'agissant d'Haïti, pays que vous connaissez particulièrement bien, nous avons réagi au mieux en envoyant immédiatement un million d'euros, dont 800 000 d'aide alimentaire. Bien sûr, ce ne sera pas suffisant. Il est impossible d'attendre, mais on ne peut pas non plus agir en permanence dans l'urgence. Même si vos analyses sont justes, il faut aussi des réformes de fond.
D'abord, il faut agir, au niveau mondial, contre la spéculation effrénée sur les produits alimentaires.
M. Maxime Gremetz. De la part de qui ?
M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Le Conseil de sécurité des Nations unies doit réagir d'urgence et mettre en place quelque chose de solide : c'est la vie de centaines de milliers, voire de millions de personnes, sur tous les continents, qui est en jeu.
Ensuite, le programme alimentaire mondial et la FAO - qui, théoriquement, s'intéresse à l'agriculture et non à l'aide d'urgence - doivent être considérablement renforcés. Les fonds souverains doivent être employés d'une manière différente, afin de constituer un fonds de réserve pour le développement de l'agriculture. Mais il faut aussi battre notre coulpe !
M. Jean-Pierre Brard. S'agissant de l'argent dépensé en Afghanistan ?
M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Nous devons nous interroger sur la PAC ; certes, le déséquilibre avec d'autres agricultures est grand, mais ce n'est pas en pénalisant notre propre agriculture que nous pourrons venir en aide aux autres. En revanche, il faut réfléchir à l'extension des cultures vivrières et - comme on vient de le faire - à celle des biocarburants.
M. Maxime Gremetz. Et au FMI !
M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Les surfaces consacrées aux biocarburants sont-elles bien employées ? Je ne le crois pas ; en tout cas, cela demande réflexion.
M. le président. Merci, monsieur le ministre.
M. le ministre des affaires étrangères et européennes. Il faut surtout développer, en particulier en Afrique et à Haïti, les aides à l'agriculture, afin que les cultures vivrières puissent satisfaire les besoins de la population. N'oublions pas qu'à Haïti, l'un des pays les plus pauvres du monde, les deux tiers de la population vivent avec moins de deux dollars par jour ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : Mme George Pau-Langevin

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Affaires étrangères et européennes

Ministère répondant : Affaires étrangères et européennes

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 avril 2008

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