médias
Question de :
M. Didier Mathus
Saône-et-Loire (4e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche
Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 2007
PLURALISME DES MÉDIAS
M. le président. La parole est à M. Didier Mathus, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.M. Didier Mathus. Monsieur le Premier ministre, un sondage paru ce matin fait état de la défiance des Français à l'égard des médias, qu'ils estiment, à 62 %, dépendants du pouvoir politique. On peut les comprendre, à l'énumération des propriétaires des principaux groupes de presse : M. Lagardère, qui, selon ses propres dires, considère le Président Sarkozy " comme un frère " ; M. Dassault, sénateur UMP ; M. Bouygues, témoin du mariage de M. Sarkozy (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), tout comme M. Arnault, qui s'apprête à prendre le contrôle des Échos. (Vives protestations sur les mêmes bancs.)
M. le président. Je vous en prie, chers collègues ! Laissez s'exprimer l'orateur !
M. Didier Mathus. Ce sont des faits !
M. le président. Poursuivez votre propos, monsieur Mathus !
M. Didier Mathus. Le respect du pluralisme doit être une ardente préoccupation pour toute démocratie. Or il est aujourd'hui mis à mal en France, et l'accaparement des médias par le Président de la République prend une tournure inquiétante. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Celui-ci occupe radios et télévisions à sa guise : l'Institut national de l'audiovisuel a comptabilisé 224 interventions télévisées en quatre mois !
M. Richard Mallié. Jaloux !
M. Didier Mathus. Par une sorte de tour de passe-passe, ces interventions massives, permanentes et méthodiques ne sont même pas prises en compte par le Conseil supérieur de l'audiovisuel pour contrôler le respect du pluralisme sur les ondes - mission dont il est chargé par la loi ! (Mêmes mouvements.)
M. Richard Mallié. Vous n'avez rien à dire !
M. Didier Mathus. M. Sarkozy revendique aujourd'hui d'être le principal chef de l'exécutif - c'est lui qui le dit -, ravalant le Premier ministre et son Gouvernement au rang de collaborateurs subalternes ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Jean-Michel Ferrand. Avez-vous une question à poser ?
M. Didier Mathus. La contrepartie élémentaire de cette posture devrait être que son temps de parole soit pris en compte pour ce qu'il est, celui du principal chef de l'exécutif, et comptabilisé avec celui du Gouvernement. Mais le CSA, qui aurait dû être le premier à s'interroger sur cette situation, est aujourd'hui présidé par l'ancien directeur de cabinet d'un Premier ministre UMP. C'est dire son indépendance ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Posez votre question, monsieur Mathus. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. Didier Mathus. Qui plus est, paradoxe des paradoxes pour une instance chargée du respect du pluralisme, le CSA est intégralement composé de personnalités désignées par des membres de l'UMP !
M. le président. Quelle est votre question, monsieur Mathus ?
M. Didier Mathus. J'y viens, monsieur le président.
Monsieur le Premier ministre, quelles sont vos intentions pour remédier à cette situation plutôt singulière en démocratie ? Allez-vous demander au CSA d'assumer enfin les responsabilités que lui confie la loi, ou nous proposer sa dissolution et la constitution d'une autorité enfin pluraliste ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.
Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, je dois dire que j'ai pris connaissance avec beaucoup de perplexité de ce sondage. Lorsque j'écoute la radio ou que je lis la presse, je n'ai pas du tout l'impression que les médias soient écrasés par le pouvoir politique ; j'ai, au contraire, le sentiment d'une grande indépendance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
S'agissant du temps de parole du Président de la République, le CSA - organisme dont, depuis sa création en 1989, nul ne peut, je crois, mettre en cause l'indépendance (Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine)...
M. Jean Glavany. Tu parles !
Mme la ministre de la culture et de la communication. ...considère qu'il n'entre dans aucune des catégories donnant lieu à décompte : à savoir le Gouvernement, la majorité et l'opposition parlementaires. Ce faisant, le CSA ne fait que se conformer à un arrêt du Conseil d'État selon lequel " en raison de la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics, le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ou d'un groupement politique. " (Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous en prie !
Mme la ministre de la culture et de la communication. Je rappelle à ce propos que le Président de la République a été démocratiquement - et massivement - élu et qu'il est le président de tous les Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Huées sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le CSA ne peut qu'appliquer cette jurisprudence - en l'état actuel de nos institutions, évidemment. Une commission de réflexion sur la réforme de nos institutions travaille actuellement sous l'autorité de M. Balladur ; s'il advenait qu'elle propose une évolution du statut du Président de la République, nous serions évidemment amenés à la traduire dans la loi. Mais ce n'est pas le cas pour le moment. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur quelques bancs du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : M. Didier Mathus
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Audiovisuel et communication
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture et communication
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 17 octobre 2007