mariage
Question de :
Mme Nicole Ameline
Calvados (4e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire
Question posée en séance, et publiée le 4 juin 2008
ANNULATION D'UN MARIAGE PAR LE TRIBUNAL DE LILLE
M. le président. La parole est à Mme Nicole Ameline, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.Mme Nicole Ameline. Madame la garde des sceaux, si la décision du tribunal de Lille, comme vous l'avez indiqué, a pu avoir l'effet positif de protéger, voire de libérer une jeune femme d'un contexte familial inacceptable, sa base juridique et sa portée suscitent néanmoins les plus vives inquiétudes, partagées sur tous ces bancs et par toutes les associations qui se battent chaque jour pour la cause des femmes.
Comment peut-on aujourd'hui accepter la prise en compte de la virginité dans l'appréciation des éléments constitutifs du mariage ? C'est une exigence d'ordre moral, culturel ou religieux qui n'a pas sa place dans notre droit. Elle relève de la liberté individuelle et doit résulter du seul choix personnel. Cette décision risque de renforcer les pratiques communautaristes au moment où l'égalité est au coeur des enjeux de notre démocratie et de notre République.
Chacun connaît, madame la garde des sceaux, votre engagement personnel, votre combat pour faire progresser le droit sous toutes ses formes, notamment en ce domaine. La loi est dans son rôle lorsqu'elle protège, lorsqu'elle répond à la violence, aux souffrances, aux discriminations, lorsqu'elle instaure de nouveaux espaces de liberté et de solidarité, mais non lorsqu'elle crée l'ambiguïté et fait craindre une régression.
Le contentieux de l'annulation reste donc essentiel, notamment pour lutter contre les mariages forcés. Vous avez décidé, et nous en sommes heureux, d'interjeter appel de cette décision. Comment comptez-vous approfondir cette question de droit, essentielle pour des milliers de jeunes femmes mais aussi, et peut-être avant tout, pour la vision que nous avons d'une démocratie moderne, en phase avec son temps ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
M. le président. La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la députée, je vous remercie de votre question : je connais votre engagement en faveur du droit des femmes, en particulier des jeunes filles en difficulté. En vous écoutant, j'ai d'abord pensé à la jeune femme concernée par le jugement. C'est un sujet très grave qui touche à sa vie, à sa liberté, à son intimité.
Je vous rappelle que le législateur a voulu les dispositions relatives à la nullité du mariage : elles ont été inscrites dans la loi de 1975 sur le divorce pour protéger les époux, notamment quand le consentement n'a pas été libre ou sincère. Cette loi est indispensable.
Dès le début de cette affaire, j'ai expliqué en tant que garde des sceaux que les magistrats avaient rendu leur décision en appliquant la loi et en appréciant les faits. À aucun moment, ni dans les conclusions des avocats ni dans le jugement lui-même, il n'est fait mention d'environnement culturel ou religieux. Alors, mesdames et messieurs les députés, de grâce, évitons la caricature et l'amalgame ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Évitons la stigmatisation de certains de nos compatriotes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et sur plusieurs bancs du groupe Nouveau Centre.)
Au-delà de ce cas particulier, il y a un débat de société. Nous sommes tous d'accord : il est clair que le jugement du tribunal de Lille ne peut pas faire référence, si l'on retient le seul motif de la non-virginité. Aujourd'hui, l'affaire renvoie à une demande d'annulation faite avec le consentement des deux époux, demande fondée sur le rapport de confiance et de vérité au sein du couple. Mais, demain, se présenteront d'autres cas, où il n'y aura peut-être pas le consentement des deux époux.
M. Christian Bataille. Tout cela n'est pas très clair.
Mme la garde des sceaux. Il n'est donc pas question d'admettre que la procédure en nullité soit fondée sur le seul motif de la non-virginité. Ce n'est pas ma conception de la dignité des femmes et du respect qui leur est dû. C'est pourquoi j'ai demandé au procureur général de faire appel. Le jugement sera réexaminé par la cour d'appel de Douai. Il ne doit pas y avoir d'ambiguïté dans l'application de la loi.
Je vous le demande, mesdames et messieurs les députés, laissons cette jeune femme tranquille et faisons confiance à la justice. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Auteur : Mme Nicole Ameline
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Famille
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 juin 2008