Question au Gouvernement n° 633 :
immigration clandestine

13e Législature

Question de : M. Serge Letchimy
Martinique (3e circonscription) - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche

Question posée en séance, et publiée le 18 juin 2008

DIRECTIVE " RETOUR "

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
M. Serge Letchimy. Monsieur le Premier ministre, vous n'ignorez pas qu'une proposition de directive relative au traitement des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier sera soumise au vote du Parlement européen ce 18 juin.
Cette proposition, dite " directive retour ", a déjà provoqué l'indignation générale de nombreuses organisations attachées au respect des droits de l'homme. (" C'est faux ! " sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Elle a même été qualifiée de " directive de la honte ", tellement elle risque de porter atteinte à la dignité humaine. Certaines de ses dispositions invalident, en effet, non seulement des principes fondamentaux du droit, mais aussi des valeurs essentielles sans lesquelles toute civilisation renoncerait à elle-même ! Et quand une civilisation commence à renoncer à elle-même, c'est une porte qui s'ouvre vers de redoutables régressions.
Quand on y découvre qu'une personne qui n'a en réalité commis aucun délit pourra éventuellement être détenue jusqu'à dix-huit mois, quand on lit que cette même personne pourra être bannie de l'espace européen durant cinq ans, sans véritable recours face à une telle " damnation ", quand on lit qu'il sera possible d'expulser n'importe qui n'importe où, sans tenir compte du pays d'origine, et que des enfants mineurs pourront être soumis au même traitement, eh bien, monsieur le Premier ministre, on mesure à quel niveau notre phobie des migrants nous fait descendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. - Protestations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. François Grosdidier. Vos propos sont honteux !
M. Serge Letchimy. Au moment où la France s'apprête à assumer la présidence de l'Union européenne, ne croyez-vous pas, monsieur le Premier ministre, qu'il y a là une occasion pour elle de retrouver son image historique en assumant une rupture tant avec la politique française de l'immigration qu'avec ses prolongements européens ?
Une politique digne de ce nom veillerait surtout à ne renoncer à aucune noblesse de coeur dans les modalités de régulation de ces flux de souffrance. La France ne doit-elle pas rappeler à tous que l'on ne saurait réussir un développement économique sans développement humain, c'est-à-dire sans la plus haute des exigences morales et le respect le plus intransigeant des droits de la personne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.
M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Monsieur le député, votre question est très utile, car elle permet de rappeler ce que l'Europe peut décider et ce que la France veut appliquer.
M. Jean-Pierre Soisson. Très bien !
M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Ce projet de directive comporte trois points.
Le premier point concerne la durée de maintien dans les centres de rétention des immigrés irréguliers. Aujourd'hui, dans sept pays d'Europe, cette durée est illimitée. Le projet de directive vise à ramener à dix-huit mois la durée maximale. Pour la France, je vous l'indique très clairement, il n'est pas question de modifier la durée maximale, qui est de trente-deux jours, durée moyenne effective qui est en réalité limitée à douze jours.
Le deuxième point traite la situation des immigrés en situation irrégulière reconduits dans le pays d'origine auxquels serait opposée une interdiction de retour de cinq ans. Avec Bernard Kouchner et Jean-Pierre Jouyet, nous avons négocié et obtenu que cette durée puisse être diminuée, voire supprimée. Je le dis sans détour : la France n'est pas favorable à des politiques de bannissement.
Le troisième point est relatif aux enfants mineurs sans papiers isolés. La France estime qu'il n'est pas possible de les renvoyer dans leur pays d'origine. Néanmoins, certains pays pratiquent ce renvoi et le projet de directive vise à atténuer cette possibilité en demandant des garanties. Mais, là non plus, cela ne change rien pour la France.
Je précise que ce projet remonte à 2005,...
M. Jean-Pierre Brard. Sarkozy !
M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. ...donc qu'il n'est pas récent, que c'est une initiative de la Commission européenne, et qu'il a été adopté par tous les chefs d'État et de Gouvernement en Conseil européen, quelles que soient leur couleur politique, leur sensibilité ou leur philosophie.
Aujourd'hui en discussion au Parlement européen, le texte sera mis aux voix demain en première lecture. J'insiste sur le fait que son adoption ne changerait en rien la politique protectrice, équilibrée, ferme et juste que le Gouvernement mène en matière d'immigration. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Données clés

Auteur : M. Serge Letchimy

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

Ministère répondant : Immigration, intégration, identité nationale et développement solidaire

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 juin 2008

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